mardi 13 septembre 2016

LE PRINTEMPS DE MAYOTTE ? / Mayotte, France en Danger


D’autant plus flétrie par une surpopulation imputable aux errements ineptes des humains, à commencer par des dirigeants loin de donner l’exemple, l’île, malgré tout, veut survivre. Pas rancunière, ouvrant les bras, Mayotte semble dire qu’il ne lui faudrait pas grand chose pour poursuivre et s’épanouir. Martyrisée par les hommes mais pas abandonnée des dieux !
 
Début septembre encore, la saison sèche semblait resserrer son emprise : sécheresse, poussière et moins de vingt degrés la nuit. Et voilà que tout paraît changé à peine une semaine plus tard. Il a suffi de quelques gouttes sur quelques jours. La verdure aussitôt s’est faite tendre. Les fromagers ont osé sortir leurs premières folioles. On dirait même que les bouquets de bambous ont grandi. Restons lucides sans quoi c’est prendre ses désirs pour des réalités ! Sauf si ce sont des témoins autorisés qui le disent.
 

Les petits hiboux au petit matin, ce doit être leur saison. Mais ces vocalises assumées qui rappellent nos rossignols, autres verdiers ou chardonnerets, ne marquent-elles pas le printemps des Tropiques ? Quel oiseau ose ainsi... Incroyable, c’est le petit souimanga (1), le colibri de quelques grammes ! Quel bel organe ! A peine un peu plus grand, le zostérops a mis ses lunettes pour mieux piquer les insectes minuscules sur les rameaux de tsuzi ou d’ambatri ou ambrevades, les pois d’Angole si vous préférez... Les bulbuls, plus discrets se montrent en couple cependant. Un corbeau-pie plane en tournant et, plus rare, un courol mâle bat des ailes et se laisse porter tour à tour. Hier, dans les hauts, c’est l’épervier plutôt familier d’habitude qui faisait mine de se cacher derrière une branche. 


Qu’ils soient loués tous nos oiseaux qui essaient de répéter les cycles propres à chaque espèce ! Qu’elle soient louées ces pluies, même plus symboliques que vraies ! Cette année, la salade verte, les tomates trouvent à s’acheter, ces dernières au prix incroyable d’un euro le kilo et, en bas d’Ongojou, elles ont du goût, en plus ! Et comment croire qu’il puisse déjà y avoir des avocats, pas des cailloux, de bons fruits, qui mûrissent sans pourrir ! Les manguiers aussi portent autant de fleurs que de promesses, les régimes de bananes se multiplient et les arbres à pain de loin nous font signe...
Même si tous les dangers qui minent Mayotte restent latents, une tranquillité relative vient mettre au second plan l’inquiétude habituelle, le stress dû aux mauvaises nouvelles, un quotidien auquel on ne peut s’habituer...   
Ce n’était pas une bonne idée d’écouter les infos ce matin, mais est-ce plus futé de faire l’autruche ou de faire comme si. Le port, bradé au privé, est menacé de blocage. Aïe le lait de coco de Thaïlande et le cordon ombilical qui engraisse le business ! Les grèves se multiplient ! Le préfet en personne est revenu arpenter les stands du tourisme, en jean, avec sa compagne, pour signifier que l’île est aussi sûre que tranquille ! « Gouverner, c’est faire croire ! » Machiavel... Un missi dominici vient annoncer que sa patronne du vice-rectorat reçoit une légion d’honneur gagnée « en se battant pour les enfants de ce territoire », sic. Hic, je m’en étouffe pour l’élève de Mayotte qui ne reçoit que la moitié de ce qui est dépensé pour le petit métro (4000 euros) ! Mais la nouvelle ministre de l’Outre-mer arrive à la fin du mois, avec des « biscuits » nous dit la radio... Chante toujours, j’en ai déjà le miel dans la gorge !
Plus mon petit souimanga que le gros coucou qui vient depuis Paris pondre son œuf dans son nid...

(1) Faute de cliché disponible, en photo, le souimanga royal de l’Afrique des Grands Lacs. A première vue, il semblerait que seul le plastron rouge soit moins marqué chez le nôtre.    

Photos autorisées commons wikimedia :
1. zostérops, oiseau-lunettes, auteur Cécile Pheulpin. 
2. souimanga royal en.wikipedia. 
3. épervier de Francès jfdedieu.

jeudi 8 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (III) / Lyon - Le Café du Loup

 
« Pour passer le Rhône, il faut être deux,
Pour mieux le passer, il faut savoir danser...».

https://www.youtube.com/watch?v=ANLfYXluB0A
ou
https://www.youtube.com/watch?v=ubxk27pIwTM (3 premières minutes)

Vous la connaissez la comptine ? Pour dire vrai, ce n’est que maintenant qu’elle me vient à l’esprit. Par contre, la vue du Ventoux m’a rappelé papa avec sa Dauphine : le moteur Renault portait ce nom.



Après la gare excentrée de Valence et ses marches qui semblent vouloir monter jusqu’au soleil, Lyon s’annonce vite. La mami et ses gamins sont descendus. Florian remarque le crayon planté dans la Part-Dieu et nous nous efforçons de passer en revue les serres monumentales et presque tous les arbres du Parc de la Tête d’Or tant la ville a su nous séduire. Derrière, le plateau de la Croix-Rousse où j’ai étudié, avance, entre Rhône et Doubs, sur la Presqu’île.


Oui, oui, le Doubs : cette fois ce sont les hommes qui sont coupables d’avoir fait de la Saône (1) une usurpatrice !
A la place de la mami, une maman courage pleure. Avec deux de ses garçons, ils sont longtemps restés collés à la vitre à envoyer des baisers. Ils n’ont pas obligé le second, passant en boucle des histoires pour enfants, à en faire autant. Je comprends qu’il est de ces petits qui ont un chromosome en trop, qu’ils étaient en vacances dans les Hautes-Alpes, chez les grands-parents. Un accompagnant de la SNCF les a précédés pour poser le bagage en commentant : « un panier repas !». C’est vrai qu’on dirait que c’est pour un pique-nique. La ligne monte dans les Dombes mais je m’interdis de suivre du regard les premiers monts du Jura vers la trouée de Belfort et l’Alsace qui nous ouvre la route vers l’est... mon grand-père est là-bas... Je patiente seulement de revoir la Saône : son passage marque bien une direction presque opposée, vers Paris et le nord-ouest. La voilà la Saône, douce, alanguie, des péniches de mon enfance, des guinguettes au bord de l’eau avec de la friture au menu...


«... on nommait la Saône en présence d’un Parisien qui étalait la simplicité savante de son maintien sur le quai de Mâcon.
« A Paris nous appelons cela la Seine », dit-il en souriant... »
Stendhal, Mémoires d’un Touriste, 1838.

Aujourd’hui, je suis aussi rancunier que la Mule du Pape d’Alphonse (Daudet, Lettres de mon Moulin) or ce 22 août, expédié vers d’autres cieux, je subis seulement le cours des choses, laissant mon port par force mais faisant en sorte de retrouver celui qui a su m’adopter.  Nous voyageons, dos au sens de la marche et pour des curieux du paysage, ce n’est pas l’idéal. Flo me fait remarquer que dans le Shinkansen, ils retournent tous les sièges... Sauf qu’à la Senequefeu, si le conducteur n’a pas de gants blancs, le contrôleur dispose d’une jolie musique qui se répète lorsqu’il valide ! Sinon nous avons le Hara Kiri en commun, aussi bête et méchant pour les deux d’autant que là-bas, les retards ne dépassent pas six secondes ! Le train file peut-être déjà vers Saulieu, là où Bernard Loiseau, le cuistot célèbre, préféra se brûler le ailes, d’ailleurs, peut-être pour une étoile de moins au Michelin.
La petite famille goûte. La maman tient son bébé et montre des laitages au second : « Tu veux ça ? ». L’aîné plein de prévenance s’excuse d’abaisser son dossier. Souriant, dévoué, il s’occupe du tout petit ou prend son cadet sur les genoux même lorsqu’il joue sagement sur son téléphone. Thomas (2), il s’appelle.
Blackboulé vers le lointain, arraché aux racines, au Languedoc, j’accroche néanmoins les branches à portée des pays qui font la France. Ces vallons, ces sombres forêts, ce doit être le Morvan, la bordure plus marquée du Massif-Central s’avançant vers le nord... Vivarais, Lyonnais, Beaujolais, Maconnais, Charolais, Morvan... Tiens, un établissement, branché en quelque sorte, à l’enseigne du « Café du Loup ». J’embête Flo qui tient son stylo qui n’est pas trop d’accord pour noter le nom de ce café : cette mention, serait-ce dans une marge, perturbe l’ordonnancement d’un « Cahier de notes de vacances » bien rempli. De toute façon, j’allais sortir de quoi écrire. Comme si, de savoir où nous sommes, marque, plus que symboliquement, la volonté de maîtriser autant sa trajectoire que son devenir, d’influer, pour la part qui nous incombe, sur le destin... tant que l’exigence prétentieuse de nous démarquer, en tant qu’hommes, nous tient...  
     
(1) Au confluent, à Verdun-sur-le-Doubs, 175 m3 de débit pour le Doubs contre 160 pour la Saône... Ce sont les hommes qui font la géographie. 
(2) les noms ont été changés.


Photos autorisées Commons wikimedia :
1. Le_Rhône_au_défilé_de_Donzère auteur Babsy.
3. Lyon Parc Tête d'Or grandes serres auteur Myrabella. 
4. Saône à Mâcon auteur Chabe01.
5. Haut_Folin Vue depuis le théâtre gallo-romain des_Bardiaux (Arleuf) auteur LeMorvandiau

2. diapo François Dedieu août 1962.