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jeudi 8 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (III) / Lyon - Le Café du Loup

 
« Pour passer le Rhône, il faut être deux,
Pour mieux le passer, il faut savoir danser...».

https://www.youtube.com/watch?v=ANLfYXluB0A
ou
https://www.youtube.com/watch?v=ubxk27pIwTM (3 premières minutes)

Vous la connaissez la comptine ? Pour dire vrai, ce n’est que maintenant qu’elle me vient à l’esprit. Par contre, la vue du Ventoux m’a rappelé papa avec sa Dauphine : le moteur Renault portait ce nom.



Après la gare excentrée de Valence et ses marches qui semblent vouloir monter jusqu’au soleil, Lyon s’annonce vite. La mami et ses gamins sont descendus. Florian remarque le crayon planté dans la Part-Dieu et nous nous efforçons de passer en revue les serres monumentales et presque tous les arbres du Parc de la Tête d’Or tant la ville a su nous séduire. Derrière, le plateau de la Croix-Rousse où j’ai étudié, avance, entre Rhône et Doubs, sur la Presqu’île.


Oui, oui, le Doubs : cette fois ce sont les hommes qui sont coupables d’avoir fait de la Saône (1) une usurpatrice !
A la place de la mami, une maman courage pleure. Avec deux de ses garçons, ils sont longtemps restés collés à la vitre à envoyer des baisers. Ils n’ont pas obligé le second, passant en boucle des histoires pour enfants, à en faire autant. Je comprends qu’il est de ces petits qui ont un chromosome en trop, qu’ils étaient en vacances dans les Hautes-Alpes, chez les grands-parents. Un accompagnant de la SNCF les a précédés pour poser le bagage en commentant : « un panier repas !». C’est vrai qu’on dirait que c’est pour un pique-nique. La ligne monte dans les Dombes mais je m’interdis de suivre du regard les premiers monts du Jura vers la trouée de Belfort et l’Alsace qui nous ouvre la route vers l’est... mon grand-père est là-bas... Je patiente seulement de revoir la Saône : son passage marque bien une direction presque opposée, vers Paris et le nord-ouest. La voilà la Saône, douce, alanguie, des péniches de mon enfance, des guinguettes au bord de l’eau avec de la friture au menu...


«... on nommait la Saône en présence d’un Parisien qui étalait la simplicité savante de son maintien sur le quai de Mâcon.
« A Paris nous appelons cela la Seine », dit-il en souriant... »
Stendhal, Mémoires d’un Touriste, 1838.

Aujourd’hui, je suis aussi rancunier que la Mule du Pape d’Alphonse (Daudet, Lettres de mon Moulin) or ce 22 août, expédié vers d’autres cieux, je subis seulement le cours des choses, laissant mon port par force mais faisant en sorte de retrouver celui qui a su m’adopter.  Nous voyageons, dos au sens de la marche et pour des curieux du paysage, ce n’est pas l’idéal. Flo me fait remarquer que dans le Shinkansen, ils retournent tous les sièges... Sauf qu’à la Senequefeu, si le conducteur n’a pas de gants blancs, le contrôleur dispose d’une jolie musique qui se répète lorsqu’il valide ! Sinon nous avons le Hara Kiri en commun, aussi bête et méchant pour les deux d’autant que là-bas, les retards ne dépassent pas six secondes ! Le train file peut-être déjà vers Saulieu, là où Bernard Loiseau, le cuistot célèbre, préféra se brûler le ailes, d’ailleurs, peut-être pour une étoile de moins au Michelin.
La petite famille goûte. La maman tient son bébé et montre des laitages au second : « Tu veux ça ? ». L’aîné plein de prévenance s’excuse d’abaisser son dossier. Souriant, dévoué, il s’occupe du tout petit ou prend son cadet sur les genoux même lorsqu’il joue sagement sur son téléphone. Thomas (2), il s’appelle.
Blackboulé vers le lointain, arraché aux racines, au Languedoc, j’accroche néanmoins les branches à portée des pays qui font la France. Ces vallons, ces sombres forêts, ce doit être le Morvan, la bordure plus marquée du Massif-Central s’avançant vers le nord... Vivarais, Lyonnais, Beaujolais, Maconnais, Charolais, Morvan... Tiens, un établissement, branché en quelque sorte, à l’enseigne du « Café du Loup ». J’embête Flo qui tient son stylo qui n’est pas trop d’accord pour noter le nom de ce café : cette mention, serait-ce dans une marge, perturbe l’ordonnancement d’un « Cahier de notes de vacances » bien rempli. De toute façon, j’allais sortir de quoi écrire. Comme si, de savoir où nous sommes, marque, plus que symboliquement, la volonté de maîtriser autant sa trajectoire que son devenir, d’influer, pour la part qui nous incombe, sur le destin... tant que l’exigence prétentieuse de nous démarquer, en tant qu’hommes, nous tient...  
     
(1) Au confluent, à Verdun-sur-le-Doubs, 175 m3 de débit pour le Doubs contre 160 pour la Saône... Ce sont les hommes qui font la géographie. 
(2) les noms ont été changés.


Photos autorisées Commons wikimedia :
1. Le_Rhône_au_défilé_de_Donzère auteur Babsy.
3. Lyon Parc Tête d'Or grandes serres auteur Myrabella. 
4. Saône à Mâcon auteur Chabe01.
5. Haut_Folin Vue depuis le théâtre gallo-romain des_Bardiaux (Arleuf) auteur LeMorvandiau

2. diapo François Dedieu août 1962.