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samedi 23 juin 2018

UN MIREPOIX DE PETITS PAYS / Le Kercorb / Languedoc-Occitanie

Avant d’emprunter le sillon audois qui verse doucement vers le Golfe du Lion, quelques pistes encore à l’ouest de l’Aude déjà au-delà de la ligne de partage des eaux entre Atlantique et Méditerranée. Au départ de Quillan, plus que le col du Portel (601 m.), c’est le village de Nébias qui matérialise le versant déjà aquitain. Heureusement que les cours d’eau courent vers où ils penchent ; à ces pays apparemment protéiformes suite aux aléas historiques, ils dessinent une réalité physique qui repose des dénominations intriquées dues par les aux hommes. 
 
La_Bastide_sur_L'Hers_1_(Ariège) Author M l'instant
L’Hers[1] et ses affluents marquent en effet ce coin. Entre les Pyrénées et encore un bourrelet montagneux (774 m.) que l’Aude a coupé des Corbières, les plis est-ouest du Plantaurel semblent plus comprimés encore. Les rivières ne les passent que grâce à de nombreuses cluses : une double pour le Blau après Puivert, une série de trois pour l’Hers (L’Aiguillon, Lesparrou, La-Bastide), deux pour le Touyré (Lavelanet, l’Entounadou [l’entonnoir]), deux (?) pour le Doctouyré dont les gorges de Péreille. 
 
Chateau Puivert Author Arno Lagrange
Avant Lavelanet et déjà la Gascogne sinon le Comminges, le Kercorb, entre Sarvatès
[2] et Razès, « Terre privilégiée », avec les curieux hameaux appelés « camps » de Puivert[3], Rivel le village des sonnailles et des comportes, Sainte-Colombe où on mangeait un sacré cassoulet (cocos ou lingots les haricots ?). 
Pont_rouge,_Chalabre_(2) Author LucasD
Chalabre, au confluent de l’Hers, du Blau et du Chalabreil, capitale du Quercorb (dit aussi Chercorb ou encore Cheircorb), se confondant avec le Chalabrais des Chalabrois, à environ 25 kilomètres de la vallée audoise, est difficilement accessible depuis Limoux. L’altitude semble modeste mais même vers 600 mètres, la neige, plus fréquente en février, n’est pas rare sur les cols peu fréquentés. L’appartenance de Chalabre à la Communauté des Pyrénées Audoises est tout aussi révélatrice. Sur l’itinéraire depuis Espéraza, le village de Saint-Jean-de-Paracol où Momon Billès (Fleury), je crois, passa quelque temps, pendant la guerre (encore si je ne fais pas erreur… Mais qui nous dira maintenant que les témoins de sa génération ne sont plus ?). La commune est classé village le plus pauvre de France… Prenons garde d’abord qu’une statistique orpheline ne vienne fausser notre ressenti… Et puis, gageons, à regarder de plus près la géographie locale, qu’en plus de l’originalité de la situation, sur un col qui n’en serait pas un car sur un vallon, que les habitants y sont riches d’une qualité de vie ne se monnayant pas ! Le cours du Faby (Ruisseau de Fa), confluant avec l’Aude à Espéraza, confirme cette originalité. 

Chalabre (qui a perdu, depuis 1836, plus des deux-tiers de sa population (1111 / 3529)) formait un centre jadis très industriel, connu pour travailler le caoutchouc, la laine, le textile, les chaussures, la corne, le jais encore, trouvé dans l’est du Plantaurel ariégeois.



[1] Hers-Vif, principal affluent de l’Ariège, 135 km du col du Chioula à Cintegabelle. A distinguer de l’Hers-Mort, affluent de la Garonne, 89 km entre le Lauragais et Saint-Jory en aval de Toulouse, plus mort du tout puisque plus jamais à sec depuis qu’il alimente les cultures maraîchères grâce au barrage de la Ganguise.
[2] Si quelqu’un sait à quoi correspond le Sarvatès ?.. Mystère… 
[3] Le 16 juin 1289, suite à de fortes précipitations, le verrou du lac de Puivert lâcha. Une vague de submersion suivit le cours du Blau et détruisit Chalabre puis, s’ajoutant à la crue de l’Hers, Mirepoix avec un millier de victimes. A Puivert, les terres désormais émergées furent confiées à des usufruitiers devant, en échange, défendre le château du suzerain. Une dizaine de nouveaux hameaux portant le préfixe Camp- virent ainsi le jour.   

lundi 4 juin 2018

LA GOULOTTE AUDOISE (2).

Revenons à ce parcours audois. A partir de Quillan, suivons le cours du fleuve dans sa "moyenne" vallée[1] : la pente, l’altitude ont diminué, le climat a permis une installation humaine plus facile, plus nombreuse. Jusqu’à Carcassonne, avant ce coude à angle droit qui oblige l’Aude à verser vers la Méditerranée, se succèdent des petites villes au sein de bassins rayonnants : Quillan, Espéraza, Couiza, Limoux pratiquant la polyculture, connus aussi pour une tradition industrielle du tannage, de la chaussure, du formica, des chapeaux, des isolants chimiques, des meubles, etc.

Castle of Quillan Author Tournasol7
Attention Quillan… qui fut champion de France Formica de l’élite du rugby et qui joua aussi en deuxième et troisième divisions, même s’il est difficile de taire une époque de violences liées au sport, ayant entraîné une mort… Quillan, son critérium cycliste international. « Quilhan » son jeu de quilles ancestral, près de la Poste, traditionnellement pratiqué par les femmes. Finette la boulangère et madame Argence la charcutière qui jouaient des sous, le pendant des hommes tapant le carton au café !  

Quillan, les filles ! Quillan, la première fille…



« Jamais de la vie on ne l’oubliera,

La première fille qu’on a prise dans ses bras… » Georges Brassens.



La première fille, une Quillanaise, c’était un été, à Saint-Pierre, du temps où tous les soirs un orchestre réputé du grand Sud venait faire danser. Les cafés étaient pris d’assaut ; sur le boulevard flânaient les badauds, en majorité gens du coin, viticulteurs, sortis voir, comme ils disaient, « le mouvement ». La première fille ne laissa que des bleus au cœur… Dommage il n’allait pas encore aux tenilles, ça l’aurait consolé d’un désamour banal à ce stade, loin de la déprime de trois jours que seul un ado attardé peut se fabricoter …   

Couiza, le château des Ducs de Joyeuse et encore, après Quillan et Espéraza, les chapeaux dont on dit que les procédés de fabrication avec, à l’origine, le poil de lapin, seraient venus de Pologne où des villageois de Bugarach étaient prisonniers suite aux revers napoléoniens. Vers 1840, cette activité qui devait détenir un quasi monopole mondial descendit des Corbières, l’eau abondante de l’Aude se prêtant mieux au lavage des laines.   

Jean Bourrel, industriel chapelier, maire, conseiller général de Quillan, 1929 (Président de l'US Quillan) Author Le Cri de Toulouse


Alet-les-Bains, les thermes déjà connus des Romains. L’eau minérale se perd dans la nature depuis quelques années : un conflit d’intérêts entre la commune et l’exploitant… La mairie est prudente avant d’engager la population par un contrat sur trente-cinq ans avec une nouvelle société qui embouteillerait à Massia, aux portes de Limoux. Alet était connue jadis, voilà soixante ans, de mémoire de tenilleur… pour sa limonade… Des bulles comme pour la Blanquette, de Limoux justement, premier vin effervescent au monde !

Sauf que les bulles étaient célèbres avant Alet de la limonade et Limoux de la Blanquette… Déjà appréciées depuis l’antiquité, mises à l’honneur par les Romains, les sources et fontaines au stade de stations thermales, jalonnent le secteur qui nous retient.




[1] Seuls les vignobles couvrant les coteaux préfèrent se situer en « haute » qu’en « moyenne » ou « basse » vallée… et si les départements n’ont plus voulu être en bas des Alpes ou des Pyrénées, ici ce doit être à cause de la mauvaise réputation que traînent les vins de la plaine.  

Source Alet-les-Bains Author --Pinpin
   

mardi 23 janvier 2018

« … DES FLEURS BLANCHES COMME DU PAPIER… » / Fleury en Languedoc.





Référence à Gaston Fébus (1331 - 1391) (Fébus avec un "F" : le "ph" n’existe pas en occitan) qui parlait lé béarnais mais écrivait en principe en français (« Livre de chasse »). On lui attribue les paroles en langue d’oc de « Se canto »


« … Dessús ma fenèstra
I a un ameliè
Que fa de flours blancas
Coumo de papièr… »


Au dessus de ma fenêtre il y a un amandier qui fait des fleurs blanches comme du papier… Des paroles qui fondent l’arbre emblématique de l’Occitanie, l’amandier qui fleurit comme a pu prospérer, au XIVème siècle, jouant des rivalités entre France et Espagne, l’apanage de Gaston Fébus, comte de Foix, vicomte de Béarn, viguier d’Andorre, accessoirement et très temporairement lieutenant du roi en Languedoc – gouverneur-. L’Occitanie a donc adopté l’amandier de sa partie alors indépendante. Laissons là la référence tant historique qu’institutionnelle pour ne garder de l’amandier qu’un symbole de renaissance culturelle. Après le long sommeil de l’hiver, une explosion de ces fleurs ne peut que traduire avec force l’impétuosité du flux printanier ébranlant la nature jusque dans la sève des hommes. 


Qu’il est bon de courir alors les chemins qui rayonnent vers des lieux-dits aux noms fleuris, des tènements aussi multiples et changeants que les enfants d’un même foyer, de la garrigue aux coteaux, vers la plaine pour finir par ce piémont tourné vers les étangs et la mer au loin… Courir pour voir les premiers rameaux aux bouquets roses ou blancs suivant que les amandes seront amères ou douces. L’exploration, la découverte commencent sur le seuil des maisons !



« … Regardez les branches,

Comme elles sont blanches.

Il neige des fleurs… » Théophile Gautier (1811 - 1872).



Ensuite des milliers de corymbes aux ramures habillées de pastels [1], c’est un feu d’artifice qui éclate sur les talus, les chemins, la marge des vignes, le sempervirens de la garrigue. Une beauté assistée par le bourdonnement des abeilles. Une symphonie suspendue dans le temps, avec, au fond les Pyrénées blanches de neige, avant qu’un vent fougueux, de terre et ami du soleil, le Cers, n’effeuille les fleurs sous ses rafales brutales, en une giboulée de flocons… 



« … Lorsqu’on voit, s’effeuillant comme des destinées,

Trembler au vent des Pyrénées

Les amandiers du Roussillon,

Je t’adore Soleil !.. » Edmond Rostand (1868 - 1918). 



Ou alors c’est un vent aussi fort, marin lui, sinon le Grec, plus gris encore, poussant ses nuées chargées d’humidité, qui décroche les pétales lourds et mouillés, cristaux fondants d’une neige de fleurs.
 

[1] A voir sur le Net (les photos ne sont pas autorisées), les amandiers de Cailhau (Aude), peints par Achille Laugé (1861 – 1944)… qui au cours de sa vie aura connu les trois guerres contre l’Allemagne !  

Photos autorisées : 
1 & 2. Le premier de l'an passé (02/02/2017). 
3. commons wikimedia / Château de Foix Author Patrick Castay.