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samedi 8 octobre 2016

UNO BESTIO INTELLIGENTO / La Cigalo Narbouneso

Chronique sur une bête intelligente, en languedocien de chez nous.
Et chez nous, dans le Fleury d’une époque que les moins de... 40 ans ne peuvent pas connaître, le chien de Lulu (Pilule2) était connu pour aller chercher le journal tous les matins et, à l’occasion, porter le papier « pour frotter cucu à Lulu ». Elle me revient malgré moi en mémoire, cette histoire... C’est qu’ils n’engendraient pas la mélancolie, les trois Pilule, les trois frères (1) qui étaient nos proches voisins, en haut de la rue Neuve, la dernière maison avant la vigne de Perrucho (les tennis et le lotissement initial des années 70), au pied des amandiers et azeroliers de Caboujolette, le coteau.


Au contentement de voir enfin apparaître une « Arlésienne », « La Cigalo Narbouneso », une revue mensuelle parue tant bien que mal entre 1911 et peut-être 1948 (LA CIGALO NARBOUNESO XXIme annado N° 235 Janviè 1947) (2) (3) (4) (5), ajoutons le plaisir de citer l’histoire qui nous rappelle tant l’ami Lulu ! Nous la trouvons, page 11 de la revue, sous le titre « UNO BESTIO INTELLIGENTO ». 

«... Soun mai intelligentos que fosso mounde, diguèt la Filomèno de Closcou, uno vièlho fillo qu’èro toujour estado pleno de devouciu pes gats.
Un jouvent mençounèt l’estariganho de Pelissou : sabets aquelo que venio chuca las mouscos sur la ma dal prisouniè ?
Lou Victor dal Gueine nous parlèt d’un gousset qu’abio a l’epoco e qu’anabo querre lou journal cado jour :
~  I balhabi un sou que prenio al cais, e al cap d’un pauc reçabio ma gazeto. Un jour me troumpèri, i balhèri uno peço falso ; la brabo bestio se metèt a jaupa, a sauteja, mès pas res a faire per la faire parti ! A forço de cerca, de lanterneja, coumprenguèri la causo. Lou brabe gousset s’èro avisat que la mièjo-soldo abio pas cours... »

Traduction proposée :
« Elles sont plus intelligentes que bien du monde (fosso = force ?), dit la Philomène de Closcou (fille de Closcou ?), une vieille fille qui avait toujours été pleine de dévotion pour les chats.
Un jeune homme mentionna l’araignée de Pélisson (6) : vous savez, celle qui venait sucer les mouches sur la main du prisonnier ?
Le Victor du Gueine (guèine = renard en Rouergue) nous parla d’un petit chien qu’il avait à l’époque et qui, chaque jour, allait chercher le journal :
~ Je lui donnais un sou qu’il prenait entre les dents et sous peu je recevais ma gazette. Un jour je me suis trompé (le passé composé est-il plus spontané que le passé simple en français ?), je lui ai donné une pièce fausse ; la brave bête se mit à aboyer, à sautiller mais pas moyen de la faire démarrer ! A force de chercher, de lanterner, je compris la cause. le brave petit chien avait remarqué que la demi-solde n’avait pas cours... »

Et si chaque variante de la langue d’Oc avait cours plutôt que de se voir dévalorisée par une norme aussi déshumanisée que jacobine et qui n’est pas sans rappeler la domination vexatoire du français sur l’occitan justement ? Reconnaissons que la lecture en languedocien, si naturelle pour un originaire de la Clape, s’avère d’autant plus agréable qu’elle ne nécessite pas de devoir ouvrir un dictionnaire à tout moment !

1. Jojo, Lulu, Gégé... les trois petits qui trônaient sur un char lors de la cavalcade de 1948 peut-être. Ai-je entendu aussi que tout le monde connaissait le grand chapeau de Jacques, le père, quand il montait à son peyral (sa carrière) ? Je crois même voir des papillons autour du chapeau mais ce doit être encore mon imagination de gamin qui revient me jouer ses tours...
2. https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1947_0235/v0013.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::b40b522b-69da-47c4-9e7a-1b6ff9dda435.selectedTab=thumbnail
3. Mon père s’était abonné en 1948 pour se faire envoyer la publication à Prague (n° 445) ! Mais entre les spasmes littéraires (arrêt de la parution ?) et les soubresauts de l’histoire (Coup de Prague février 1948), la trace de La Cigalo Narbouneso était pour nous perdue...
4. Une bonne surprise ne venant jamais seule, entre les nombreuses cigales du Midi, « La Cigalo Lengadouciano » cymbalise aussi à Béziers où parut également « Lou Camèl », vous l’auriez deviné !
5. Mystère néanmoins lorsque, pour la disparition d’André Mècle, décédé en sa maison de Coursan, le 29 janvier 2012 et inhumé à Narbonne, son lieu de naissance, le blog mentionne dans son hommage : « ... C’est ainsi qu’entre 1945 et 1970, il est un membre actif de la société félibréenne La Cigalo Narbouneso... » 
http://academiedesartsetdessciencesdecarcassonne.blogs.midilibre.com/tag/jean+fouri%C3%A9 
6. https://books.google.com/books?id=aRpcAAAAQAAJ&pg=PA325&lpg=PA325&dq=araign%C3%A9e+de+P%C3%A9lissou&source=bl&ots=3GWdEH17cJ&sig=kM3gO-b2o18rUy0Y6Cm3gmoZzcA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjZwaTuhbnPAhUGMhoKHWpqAjkQ6AEIJzAC#v=onepage&q=araign%C3%A9e%20de%20P%C3%A9lissou&f=false


 Photos autorisées :
1. Celui qui vous parle / auteur François Dedieu / derrière, la cour, la cuisinette des trois frères, au fond, le portail donnant sur la vigne.
2. Mon pauvre cousin Jacky jouant à recevoir du courrier devant le grillage de la vigne.
3. flickr.fr

vendredi 2 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (II) / Béziers-Donzère

Les hommes se sèment, se plantent, se déterrent, se transplantent, continuent ou non pour, de toute façon, mourir. Arrachés aux leurs, emportés au loin, certains ne veulent rien voir des paysages qui défilent pas plus que des semblables qu’ils croisent. Pourtant, la grégarité n’est pas forcément moutonnière et l’enfermement sur soi est aussi potentiellement destructeur que régénérateur. L’acceptation des autres, l’ouverture, l’empathie, seraient-elles dues à la promiscuité, ont, il me semble, la capacité de déverrouiller le cadenas d’une mélancolie potentiellement, virtuellement nocive.
Certains proches se demandent pourquoi un départ programmé peut se faire avec autant de stress, en laissant derrière soi tant de choses oubliées, en catastrophe presque. Que répondre sinon que pour les bonheurs et les malheurs, si on peut comprendre, on ne peut se mettre à la place de. Et chacun a ses faiblesses suivant les circonstances.
A la gare de Béziers, visiblement, ce 22 août, la sécurité n’est plus celle affichée le 14. Le ciel est magnifique, un vrai temps de mer et pourtant, ils sont nombreux, à tirer leurs bagages sur le quai. Certains n’hésitent pas à quitter l’ombre de la marquise pour braver le cagnard vers les repères d’embarquement U, V, W. Deux amoureux restent collés, indifférents au soleil. Menus, de petite taille, ils se sont bien trouvés ces deux là. On dirait encore des enfants. Le train est en retard de dix minutes : les hobbits ne s’en plaindront pas. Sauf que ça ne va pas s’arranger : avant Vias il se traîne. Je cherche le vieux village mais il y a tant de nouveaux lotissements que j'ai du mal à imaginer mon professeur, Maurice Puel, écrivant « Farinette jadis » (1) (un Belge a dit à Naguy qu’un bungalow à Farinette-Plage ferait son bonheur, s’il gagnait au jeu). Dans les gares, le tortillard met un temps fou à repartir et l’annonce de la fermeture des portes tombe toujours à plat sans que rien ne bouge : il s’est mué en omnibus, ce coursier des grands espaces ! L’Étang de Thau, la mer depuis le lido entre Agde et Sète : comment ne pas être touché par les derniers éclats de la Grande Bleue ?
Montpellier. 20 minutes de retard. La gare a le don de m’irriter... Je lui fais payer pour le ballonnement excessif de la ville au fil des décennies, moi qui, dans les années 70, traversais à peu près commodément en passant, en plein centre, devant le bar "La Babote" ! Je lui fais payer, c’est lié, pour Frêche, qui, dans sa mégalomanie populiste et séditieuse, a réussi, auprès des Montpelliérains, à favoriser le culte de sa personnalité (1) ! 


Je lui fais payer pour ses parkings longtemps interdits. Je lui fais payer pour l’ambiance glauque et longtemps obscure au niveau des voies, contrastant complètement avec la luminosité du premier étage !


Je lui aurais bien fait payer d’autres tracas dont le manque d’infos concernant la correspondance et parce qu’une cheminote pourtant chapeautée aux couleurs de la compagnie, nous a fait comprendre qu’elle ne faisait que passer. Heureusement, l’agent avec qui elle bavardait a su nous dire, lui, après consultation de son "phone", que le 5029 de 14h 57 partirait de la voie A. Rien non plus contre l’ascenseur qui a bien fonctionné. Rien encore contre le contrôleur qui nous a aiguillés presto vers la voiture 11 pourtant bien devant la numéro 1 (combien de rames ce TGV ?). Presque rien, aussi, cette fois, contre la clim qui ne nous a causés qu’une frayeur sur tout le trajet ! Et un bon point néanmoins : les 13 euros seulement de supplément en 1ère classe ! Je suis râleur, je sais, mais à hauteur des 361 euros (avec un enfant) de l’aller-retour entre Roissy et Béziers !
Dans le Gard, les caisses empilées au bord des vergers ne disent pas que la saison fut mauvaise pour les fruits et légumes. Au débouché du sillon rhôdanien, on croit passer le Petit Rhône mais c’est déjà le lit unique, au-dessus de Châteauneuf-du-Pape, bien en amont d’Arles, où le delta se matérialise. Une mami toujours jeune change de côté, le temps de montrer le crâne pelé du Ventoux aux petits enfants qu’elle vient de récupérer. Sur mon erreur, je crois passer le Grand Rhône alors qu’on le repasse avant de le trépasser. Au moins avec les berges rectilignes du Canal de Donzère, le risque de se tromper est moindre. 


(1) http://dedieujeanfrancois.blogspot.com/search?updated-max=2016-07-18T08:35:00-07:00&max-results=7&start=7&by-date=false
(2) le Président du Languedoc Roussillon voulait changer le nom de la région en « Septimanie » mais sa septicémie n’a heureusement pas pu contaminer le "reste" de la région ! Et que penser, en sus, de la place des Grands Hommes avec les statues des dix qui ont marqué le XXème siècle et où il ne manque que celle du onzième, Frêche lui-même ! 

Photos autorisées commons wikimedia 
1. Montpellier rappelant Bucarest auteur NatFolk34.
2. Montpellier gare auteur TouN. 
3. Le Rhône à Vallabrègues avec le Ventoux au fond (Vallabrègues / archives communales)