samedi 14 mars 2015

LAPALME rien sur la côte mais tant par le travers... / Fleury d'Aude en Languedoc.





Après Narbonne, le train de nuit file vers Cerbère. Les Parisiens se réveillent et se frottent d’autant plus les paupières qu’un jour nouveau rallume les bleus de Méditerranée, entre ciel et étangs. Le dépaysement, un émerveillement pour les yeux, une magie entretenue par le canal, les îles, les cargos, les salins, les vignes dans les sables, la mer qui se devine avant de s’affirmer jusqu’à la courbe de l’horizon. Ils sont sous le charme et les locaux devraient se pincer aussi, non pas le nez parce que ça sent l’algue... et la vase, mais pour ne pas en banaliser la beauté toujours renouvelée, sous une lumière qui rapproche étrangement de la Grèce (1). La falaise blanche du Cap des Trois Frères. Leucate-La Franqui : une halte champêtre sur la ligne ; le rail a longé seulement la commune de Lapalme, à l’abri des regards, dans notre dos... Faut-il qu’ils soient heureux pour vivre ainsi cachés ! 

Parce que par la route l’impression se confirme : en haut d’un ultime contrefort des, il y a bien un embranchement mais il n’indique que la direction du village. La nationale qui en descend suit une longue courbe pour rejoindre la platitude plus à l’ouest et l’interminable ligne droite prioritaire (attention à l’excès de vitesse) permet à peine de remarquer un second carrefour, à gauche vers le village (aujourd’hui un rond-point). Et même cette départementale vers le port de la Nouvelle, longeant l’étang, ne dévoile rien de la localité, pas plus quelques toits regroupés qu’une pointe de clocher ! Combien sont-ils les gens qui passent ainsi sans rien savoir du territoire de Lapalme ? A Victor Hugo, au collège, nous avions un condisciple d’ici, Denis M., sauf erreur de ma part. Sinon, pour avoir fait ce trajet des années, en train ou en voiture, je me sens aussi coupable que vous, qui passez sans la voir... 

Jusqu’à ce que ce même faisceau de circonstances, de coïncidences qui remplissent les hasards de la vie, vienne s’enrichir d’un nouveau neveu par alliance, Fabien, vous savez, celui qui m’envoya cette si jolie vue des amandiers en fleur avec l’étang, les salins et un cargo en fond. Copain, qui plus est, avec Alban de Sallèles (2) comme l’était René Iché avec Joe Bousquet le poète qui vécut cloîtré dans une chambre aux volets toujours clos (3) alors que, enfant, il passait ses vacances auprès de ses grands-parents, dans la lumière de l’été à Lapalme.
Pour passer de Sallèles à Lapalme, même François Ier s’invite. Il est vrai que les guerres menacent d’abord les frontières et celles qui eurent pour prétexte l’Italie (4) nous concernèrent aussi. La France, l’Espagne, le Roussillon entre les deux furent le cadre d’assauts et de retraites successives. En 1536 les renforts d’Espagne devant rejoindre les troupes de l’empereur avancées en Provence furent arrêtés à Narbonne ; en 1537, les plénipotentiaires de François Ier et de Charles Quint conférèrent aux Cabanes de Fitou et en 1542, c’est parce que l’armée du Dauphin assiégeait Perpignan avec 45000 hommes que François Ier avait séjourné six semaines à Sallèles d'Aude (5).
Mais revenons à Sabarthès dans ce que nous apprend le dictionnaire topographique de l'Aude.
Au fil des entrées, le nombre de bergeries mentionnées pourrait étonner (6). Sabarthès n’en mentionne pas moins de 14 :
Caraguel / la Claret / Le Curé, aussi métairie cad / Fabre / Fauran / la Jasse Rouge 1779 / Martrou/ La Mayrevieille / Pelissié / Pla / La Jasse de Prouille, également lieu dit 1779 / Les Razouls / Serriès / Soucaille. Impression confortée par la consultation de l’ex-carte d’état-major de Geoportail : les Trois Jasses / les Cortals d’Aval. 

LAPALME (évolution dans le temps du nom de la localité) : canton de Sigean, église dédiée à St Jean l'Evangéliste : Palma 814, 837, 899. 

Lapalma XIV /
La Palme 1781 /
La Paumo (vulg.)(le « vulgairement parlant » de Sabarthès correspond seulement à l’usage par la population de l’occitan dans sa variante languedocienne).
Concernant l'étang et "l'eau des collines" :
Canal de Niquet, du nom de l’ingénieur qui avait commencé à creuser un canal à travers l’Etang de Lapalme devant relier La Nouvelle à Perpignan / mentionné dans le dico topo de Sabarthès en tant que « Canal qui n’est qu’ébauché » 1789 / 
La Jongrausse grau  1538
Le Moulin, moulin à eau et à vent au lieu dit Le Labadou / 
Lapalme étang /
Montauriol écart sur les bordes de l’étang Tuilerie 1781 /
Œil-de-Ponse œil de mer /
Le Rieu rivière torrentueuse tributaire de l’Etang de Lapalme arrose Feuilla, Treilles et Lapalme Ruisseau du Gazel 1781 (7) /
Le Salin écart, ancien poste de douaniers.
Autres mentions (f = ferme) : Abet f; / Belisses f XVIII / Benaïs ferme commune Lapalme / Le Crès f / La Corbière lieu dit Lapalme, La Courbière 1779 / Gazagnol f 1781 /
Glabanel lieu dit, anc fief du vicomte de Narb ; sur ce terroir était construite l'église rurale de saint Vincent /
La Halte station chemin de fer sur la ligne Narbonne Cerbère / Monsieur le Curé f / L’Oratoire chapelle ruinée ss le vocable de sainte Madeleine sur le chemin de Leucate / Roc-des-Quatre-Seigneurs point de contact Feuilla, Lapalme, Roquefort-des-Corbières et Treilles / Cap de Roumani ancien promontoire Caput de Romanino 1294 / Sainte-Madeleine oratoire ruiné La Capelette 1737 / Saint-Pancrace ferme et ancienne église, prieuré uni à l'abbaye de Lagrasse "Sanctus Branquassius " 1295 / Saint-Vincent ancienne chapelle ruinée sur l’ancien chemin de La Nouvelle (voir Glabanel) / La Tuilerie écart XVIII / Vergues ferme / Villarzel lieu dit Villargel 1779.
(1) Jacques Lacarrière, helléniste reconnu l’a écrit à propos des Corbières Maritimes. Le nom de Leucate vient du grec ancien λευκός (leukós) qui signifie « blancheur », « blanc ».
(2) Alban quia ses attaches à Canto-Perdrix alors que le lieu-dit «Chante-perdrix existe aussi chez Fabien, à Lapalme... décidément, les coïncidences...
(3) le 21 mai 1918, une balle allemande toucha sa moelle épinière causant une paralysie des membres inférieurs. Son oeuvre poétique est marquée par cette claustration qui lui fit refuser la lumière du jour, rue de Verdun, à Carcassonne. Un titre La Tisane de Sarments m’a longtemps attiré jusqu’à ce que je réalise que le roman, loin du bucolique lié à nos vignes, exprimait une souffrance seulement contenue par une exaltation spirituelle. Est-ce fortuit si dans l’adaptation télévisée de 1979, c’est Philippe Léotard qui tient le rôle de Joe Bousquet ?
(4) De 1494 à 1559 dont trente ans de conflits, neuf guerres d’Italie marquèrent la résistance du royaume de France, déterminé à récupérer l’héritage de l’aïeule Valentine Visconti en Italie, aux visées hégémoniques de l’empire des Habsbourg désireux de récupérer la Bourgogne et de fermer ainsi de tous côtés son emprise sur la France. .
(5) Sallèles “lieu de Plaisance, appartenant pour-lors aux seigneurs de "Fimarcon" dut aussi recevoir la cour du souverain.
(6) L’élevage principal étant celui du mouton, notons que dans les années 50, les troupeaux restaient nombreux avec de nombreuses bergeries dans les villages même (peut-être trois encore à Fleury rue des Barris par exemple).
(7) d’autres ruisseaux temporaires (voir Geoportail) descendent des "calcaires crétacés des Corbières Orientales" (Petit Robert 2).
photos autorisées : merci commons wikimedia et son fonds disponible de millions de photos !

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