mercredi 15 juin 2022

"Per Pentocousto, la guino gousto" / Pour Pentecôte la guine goûte.

Mamé Joséphine. 

<< Per Pentocousto la guino gousto >>* ! disait mamé** Joséphine (Pour Pentecôte goûte les guines). 

~~ E ho ! répondait l'oncle Noé, i pas poussiplé ! Lou qué se passéjo, souben trapara parès ! Es qué cal coumta amé lou coumpeut (Et oui ! ce n'est pas possible ! Celui qui se promène souvent ne trouvera rien ! c'est qu'il faut compter avec le Comput). E ho, es pas atal, cal coumta cinquanto jour dempèi Pasco ! (Et oui ! c'est pas comme ça, il faut compter cinquante jours depuis Pâques !) e am aquèl coumpeut as de guinos ou as de flours ! (et avec ce Comput, soit tu as des guines soit tu as des fleurs) >> 

Ce qui n'est pas facile non plus est de trouver le nom de ce petit cerisier autrefois favorisé en bordure des vignes, surtout dans la plaine, sinon plutôt sauvage Mais vous allez m'aider, m'éclairer !  

Prunus_fruticosa_(Zwerg-Weichsel)_IMG_2184 wikimedia commons Auteur HermannSchachner. Au fruit on s'y tromperait mais les guiniers du Midi n'ont pas les mêmes feuilles. 

En français il y a bien la guigne, fruit du guignier, autre nom du merisier (wiki) guignier cerisier qui porte les guignes (prunus avium juliana).

D'après le site sensagent, la guigne est une  petite cerise rouge à longue queue et très sucrée. Le littré précise que sa forme est semblable au bigarreau, plus petite, très sucrée, avec une chair d'un rouge noir.  

Le Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) dit la même chose mais cite "guynier", variété de cerisier, 1508 ainsi que "en a. prov. on trouve guinier dès 1350" (impossible de trouver la traduction des abréviations).

"La vie secrète de la nature" (Atlas) mentionne que c'est Lucullus*** qui rapporta un prunus avium dont la forme sauvage, (le merisier) ne porte que des petits fruits à gros noyaux de peu d'intérêt bien que le bois soit prisé par les forestiers. Avec les merises, on fait le kirsch, le marasquin dans le Sud-Est, le ratafia à Grenoble sinon le guignolet (avec les fruits ? avec les feuilles ? les recettes sont plurielles)... Le guignolet nous remet sur la piste du guinier. 

Les merisiers ont donné une première catégorie de cerisiers à fruits doux dont les fameux bigarreaux avec la variété Burlat. Dans la deuxième catégorie, on trouve les griottes (jus foncé) et les amarelles (jus rosé), appréciées outre-Rhin... parfois dans la recette de la forêt-noire. L'ancêtre serait le prunus cerasus originiare du SE de l'Europe ? Cultivée, cette variété qu'on trouve aussi en Italie fonce et devient plus sucrée. 

Les planches de Gründ indiquent que, contrairement au cerisier, le griottier est sans feuilles à la base des ombelles. 


Suite à cette approche franque des "cerasus" classés "prunus", et qui plus est avec l'homonymie malvenue de la guigne en tant que déveine, malchance, je n'ai trouvé de réconfort qu'en espépissant**** ce qu'il me reste de langue occitane dans sa déclinaison languedocienne. Et voici lou guiniè, cerisier à fruits acides et encore l'agrioutiè donnant des agriotos (d'où le nom griotte). Sont encore mentionnés dans le Trésor du Félibrige de Mistral : guindouliè et guindoulo, cerise aigre en Languedoc... Aïe voilà que Béziers s'en mêle pour nous compliquer le propos vu qu'ils disent guindoulo pour la jujube ! Laissons ! 

Alors, les guines qui, dans les petits profits tirés de la nature, apportaient un plus à la vie rustique de nos aïeux, viendraient, non sans évoquer le cerasus fruticosa, ce cerisier nain des steppes peut-être en rapport avec la cerise naine d'Europe, du "cerasus vulgaris" subspontané dans le Midi. J'en ai cueilli quelques unes, pour Pentecôte et mon arrière grand-mère Joséphine, manière de marquer le coup comme on dit ! 

<< Per Pentocousto la guino gousto >>

Bien sûr, ce propos reste ouvert à toute proposition voire contradiction... vos remarques étant toujours les bienvenues !    

* mentionné dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral. 

** on dit mamé même pour l'arrière-grand-mère Joséphine Palazy épouse Hortala. 

*** peut-être à l'occasion des guerres contre Mithridate jusqu'en Arménie...   

**** ou espupissa, littéralement s'épouiller en parlant des poules, enlever les duvets après avoir plumé un volatile et, partant, "... éplucher, trier, scruter, examiner minutieusement..." (Trésor du Félibrige, Frédéric Mistral). 






lundi 13 juin 2022

Le "EN MÊME TEMPS", à éviter !

Le "en même temps" est à éviter ! Libre à qui le souhaitera d'y noter un désaccord politique avec le monarque républicain qui fait perdurer la Constitution d'une Ve République pourtant en "mort cérébrale" : on ne peut être pour un jour et contre avec des promesses non tenues de révision, une politique génératrice de crises continuelles... Ne parlons pas davantage des députés godillots d'un président omnipotent et d'une opposition cristallisant les extrêmes, l'illustration du jour concerne le millefeuilles des règles et des lois et "en même temps", le grand écart entre la volonté déclarée et son application sur le terrain.  

Il y a les plus beaux mais jusqu'aux plus modestes sans trop de choses à montrer, tous les villages de France, porteurs de chapitres d'histoire, témoignent du vieux pays qui est le nôtre. 




Fleury-d'Aude, village sans prétention, et, en même temps, annexe sinon dépendance périphérique à Narbonne, dispose de deux monuments classés historiques : la tour Balayard et la chapelle des Pénitents...  Etrange ce classement (protection nationale) ou inscription (protection régionale), déjà qu'il illustre bien  l'embrouillamini compliqué et néanmoins ordinaire de nos administrations. Notons par exemple, à Coursan, que seul le clocher de Notre-Dame-de-la-Rominguière est classé. A Fleury, l'église Saint-Martin pourtant datée pour partie du XIe siècle, ne figure aucunement dans cette protection ; même remarque pour les restes imposants du château. 


En prime, les sites aimés par les habitants comme la dernière tour ronde restant des remparts, le porche, la rampe de la Terrasse (du château), la rue étroite dans un cœur de village aux petites maisons si serrées et imbriquées qu'on disait familièrement "la médina", l'escalier donnant, de suite à gauche sur la forge du maréchal-ferrant. Le tableau ne serait pas complet sans le Grand Café Billès, où les générations à différentes époques se souvenaient de la venue du ténor Affre, des parties de cartes, du billard, des bals, du cinéma, ou du judo ou du ping-pong, de la salle de banquets sinon du siège du rugby ; historiquement il ne devait rien représenter puisque sans aucun état d'âme, il devait disparaître pour des places de stationnement.  C'est aussi du "en même temps". 

"Le 13 mai 1996 cette magnifique construction fut démolie pour laisser place à un parking au centre du village" Les Chroniques Pérignanaises, de Pérignan à Fleury, 2009.  

Ainsi, les constructions, les démolitions doivent passer un contrôle supplémentaire, celui des Architectes des Bâtiments de France, de vrais cerbères au début, durs, stricts. Dans le périmètre de la chapelle, impossible de rabaisser le portail pourtant surdimensionné à l'époque des chariots de comportes ou de foin. 

Le problème est que, depuis l'abbé Pierre, le constat insatisfaisant concernant le parc de logements a amené le pouvoir à favoriser l'accession à la propriété en aplanissant les contraintes. Pour ne pas ajouter au mécontentement général, le contrôle si contrôle il y a, se fait lointain, les velux se multiplient, le plastique des volets roulants jure aux dépens des vantaux traditionnels en bois alors que l'esthétique de l'éclairage municipal et l'enfouissement des réseaux attestent de l'implication publique... 



A la réflexion bien que partielle des deux précédents paragraphes s'ajoute, toujours dans le périmètre immédiat de la chapelle, la réalisation, par la commune de 11 logements locatifs sociaux sur 600 m2 au sol, nécessitant la démolition de l'habitat ancien peut-être insalubre, peut-être en danger d'effondrement... 


Bien sûr, les Pérignanais de cœur, qui passaient, montaient ou allaient au pain, à "la douceur d'Aimé", chez le boulanger-pâtissier Monestier, avec, au comptoir, les sourires de sa dame et de sa fille qui reste dans nos souvenirs, dans ce "Centre ancien de la Placette" ainsi dénommé dans les transformations actuelles, ne peuvent qu'être troublés par ces démolitions. Espérons seulement que le résultat final ne jurera pas avec l'aspect ancien du "centre historique", la proximité de la chapelle des Pénitents, cela consolerait du temps qui nous pousse, d'une certaine dépossession et de l'émoi bien légitime pour qui tient à ses racines...