mardi 2 juin 2020

UN JOUR, UN LIVRE / La Billebaude Henri Vincenot.

"... L'alezane encensait au mitan de la sommière..."


La phrase ne saurait être plus claire mais n'allez pas croire que Vincenot a écrit sa Billebaude en pédant d'un monde rustique. Au contraire, toujours aussi clairement écrite est la louange prémonitoire (1978) à la nature. Si près d'un demi-siècle après, notre perception de la chasse a évolué, le respect prôné pour les arbres, les abeilles, a quant à lui pris une acuité singulière.


Henri Vincenot est aussi l'homme du chemin de fer. Il a longtemps écrit à la Vie du Rail. Ses reportages dans la France entière et, nous concernant, sur la ligne des étangs Narbonne-Perpignan ou plus originalement encore entre Montpellier et Toulouse par Saint-Pons-de-Thomières, ne peuvent que donner des regrets à l'heure du tout TGV, de l'abandon, après les petites lignes, de tant de transversales et par ailleurs du fret pour toujours davantage de pollution routière.


L'anthropocène ce mot crée à la fin du vingtième siècle atteste de l'impact des activités humaines sur la planète or il fut un temps où l'homme, et Henri Vincenot en était, intégré à la nature n'en compromettait pas l'avenir. Dans cette perspective, en considérant la normalité d'hier devenue une mise en garde impérative, le passé ne doit-il pas compter pour le futur ? 

lundi 1 juin 2020

L'ESPAGNOL / Bernard Clavel, Jean Prat.

L'Espagnol ! 

Qu'il sonne ce nom quand on est du Sud puisque leur immigration est aussi sobre qu'ancienne... Et comme il fait sonner faux l'ouverture contemporaine tous azimuts au nom de principes aussi aveugles qu'éculés. 

Qu'il carillonne ce nom au souvenir de ces colles de vendangeurs dignes et qui apportaient dans nos villages centrés sur leurs vignes un exotisme, un intérêt et une acceptation de la différence. 

Qu'il est poignant ce tocsin lorsque 450.000 Républicains passent en France lors de la Retirada pour être hébergés si indignement. 

Pourtant, en dépit de notre veulerie gouvernementale (malheureusement c'est un travers récurrent de nos politiques), les rapports entre humains eux, rapprochent et savent être généreux. 

Pablo et Enrique sont réfugiés. Ils arrivent dans le Revermont, sur les premiers contreforts du Jura, pour les vendanges. Si Enrique, obnubilé par la lutte contre les fascismes ne s'attache ni aux gens ni au pays, ce ne sera pas le cas de Pablo. 

Quand on aime la terre et qui plus est quand ce sentiment devient passion parce que la vigne sous n'importe quelle latitude sait nourrir un amour paysan exclusif et parce que Bernard Clavel a su si bien dépeindre la réalité des relations humaines, la mentalité petit propriétaire, les rapports de couple ou homme-femme, ceux intergénérationnels avec des vieux aussi dignes que respectés (un abime avec leur situation en EHpad et le covid... terrible la régression !), la vie familiale avec une fille trisomique. 

Une histoire, un livre formidables avec en prime, ce qui est rare, une adaptation magnifique de Jean Prat à la télé (disponible sur le site de l'INA).
Jean-Claude Rolland qui joue le rôle de Pablo s'est suicidé en prison alors qu'il ne s'agissait que d'une banale pension alimentaire non versée... 

Et quand on est pour les sensations fortes et non pour une ligne de vie plate, L'Espagnol, le livre, son auteur et le film vous font vite passer d'un pic d'exaltation à un repli de détresse... mais sans ces forces qui déstabilisent, remettent en question et obligent à plonger au fond de soi, que vaudrait la vie ?