mercredi 9 octobre 2019

LA SEMAL, LOU COUSTAL… SEULEMENT DES COMPORTES ! / les vendanges à Fleury.


"... Lundi 9 octobre (St Denis, évêque). Le Courtal Cremat, sur la route de la mer. « Aqui la terro es de sabloun… » dit mon père pour souligner que le terrain n’est pas riche. Aussi y plantons-nous des raisins très colorés de rouge, afin de procurer aux autre cépages, tel l’aramon de la plaine, une couleur satisfaisante. Il s’agit donc ici du « petit bouschet ».
La fin des vendanges approche..." 
Caboujolette / 2008 / François Dedieu. 


Quelques notes encore sur le caponage :
Chaponner comme si l'ablation des glandes hormonales pour ce qui devient le chapon ou la poularde se faisait avec les dents. 
la caponada = le chaponnage
capounot-oto = petit(e) effronté, libertin, petite friponne. Frédéric Mistral / Trésor dau Felibrige.
capouneja = friponner, polissonner. Frédéric Mistral / Trésor dau Felibrige.
caponada = poton a una vendemiaira en li espotissent sus la boca lo rasim qu' oblidat de copar. (baiser à une vendangeuse en lui écrasant sur la bouche le raisin qu'elle a oublié de couper). Cantalausa
mascarar, mostar, mostejar : barbouiller le visage (Dico d'Oc Lo Congrès)

LA SEMAL, LOU COUSTAL… JAMAÏ QUE DE COUMPORTOS !

« Le coustal dous cops se balanço al pougnet de l’ome que lanço » 
(La comporte pleine se balance deux fois au poignet de l’homme qui lance) Achille Mir. 

Rien n'est plus libre que la poésie mais il vaut mieux que la comporte le soit moins et qu'elle se balance entre les deux hommes qui la chargent...

« …Un chariot de comportes.
Pour charger les comportes pleines sur le deuxième rang, on balançait aussi la comporte en comptant « un, deux, et trois). Et le 3 coïncidait avec l’arrivée de la charge sur le plateau. Un jour, Fernand Monbiéla..." (pour la suite voir https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/09/loncle-maurice-toumassou-fernand-et-la.html).

La semal est la comporte vide que le charrieur met en place dans une rangée centrale desservant jusqu'à six coupeurs. L'espacement entre ces récipients à remplir est fonction du rendement des souches (le terme cep reste très théorique pour tous les praticiens de la viticulture). Dans la plaine où l'aramon donne  jusqu'à un farrat (un seau) par pied, les comportes se touchent. 
Une fois pleines, elles changent et de nom et de genre : le féminin de la semal le cède au masculin du coustal et lous coustalses, il faut les charrier jusqu'au chariot ou la remorque du tracteur. 
 

Longtemps les charrieurs ont marché par paires, avec une paire de pals justement à passer sous les banes, les cornes, les cornelières des comportes ; ces pals sont dits "semaliers"... "coustaliers" eût été plus logique non ?! 
Ne chicanons pas ! Les pals ont longtemps continué à être utilisés chez les gros propriétaires qui disposaient non seulement des ouvriers mais de leurs familles, jusqu'aux enfants (couper les raisins est plus un travail de femme, d'enfant aussi sinon d'homme mais diminué par l'âge ou la santé...). 


Par contre chez les petits propriétaires où l'effectif est réduit, l'arrivée de la brouette a bien arrangé les choses, un seul homme suffisant alors à sortir la récolte. 
Sortir la récolte ! c'est bien de cela qu'il s'agit parce que s'il pleut,la brouette ne peut plus faire son office et seuls les pals semaliers d jadis peuvent sauver les efforts d'une année !  

MASCARER, CAPONAR... / les vendanges dans l'Aude.

Reprise des notes sur les vendanges 1939. 
"... Dimanche 8 octobre 1939 (Ste Brigitte). Nous vendangeons la petite vigne des Cayrols pour l’oncle Noé. Il faut faire de nombreux pas avec les comportes pleines pour arriver au chariot et les charger. Heureusement les raisins sont vite coupés et les « coustals » ou comportes pleines, sont peu nombreux.

De là, nous sautons au Cercle de l’Etang pour nous. C’est ici que pendant la guerre, nous allons essayer de planter quelques pois chiches afin d’avoir une petite provision de légumes secs pendant la grande pénurie alimentaire..." Caboujolette 2008 François Dedieu.  

Les Cayrols / Diapo François Dedieu 1979


En parlant des filles poursuivies pour avoir oublié, volontairement ou non, un raisin, Gaston Baissette qui commence son propos bien maladroitement au masculin ("du vendangeur", "du coupable") dit "farder", "barbouiller". Si Jean Camp aussi écrit "barbouiller", un autre auteur, Christian Signol, plus contemporain, ajoute les terme "mascarer" et "chaponner" dans son tome 1 "Les Vignes de Sainte-Colombe" (1996) :

"... Pour une grappe oubliée par une coupeuse (à condition qu'elle eût plus de sept grains, les autres étant réservées au grappillage des pauvres de la commune), un porteur avait le droit de "mascarer" la fautive, c'est à dire de barbouiller son visage du raisin le plus noir. Encore fallait-il l'attraper ! Les autres porteurs se mêlaient à la poursuite et ils n'étaient pas trop de trois ou quatre pour maîtriser la belle qui se débattait, avant de disparaître entre les ceps pour de mystérieux échanges au cours desquels naissaient parfois des idylles. certains porteurs préféraient "chaponner" les fautives, autrement dit les mordre très légèrement au front ou sur la joue. cela dépendait de l'âge ou de l'humeur. Mais tous les vendangeurs assistaient aux poursuites en criant et riant..." 


Pour compléter citons Francis Poudou qui, en collaboration avec le département de l'Aude (Opération Vilatges al Pais / Fédération Audoise Leo Lagrange), note dans la partie certainement commune aux livres sur les cantons de l'Aude, dont le nôtre, celui de Coursan (2005) :

"... même si le patron, en visite dans la vigne, faisait quelques remarques quand il voyait trop de grunada (grains de raisin par terre) ou de singlets (1), rien n'arrêtait les chants et les plaisanteries d'une "colhe" dynamique.
    Elles étaient l'occasion de "rencontres" entre les garçons et les filles et quand una jove vendemiaira doblidava un singlet (grappe de plus de neuf grains), èra caponada. En écrasant sur le visage de la jeune fille une grappe de raisins bien mûrs (sic NDLR), les jeunes hommes ne manquaient jamais d'en profiter pour la serrer de près... "

(1) en vendangeant j'ai entendu "granalho" un mot sonnant agréablement qui me faisait penser à de la grenaille, des grains dispersés, par rapprochement avec les plombs des chasseurs, la chasse faisant alors partie intégrante de la vie de tous les jours.
Singlet = petit grappillon, de single = grappillon.