vendredi 31 mai 2019

MON VILLAGE AU BORD D LA MER / Les-Cabanes-de-Fleury.

Les-Cabanes-de-Fleury, un bout du monde au bout de la plaine qu'un des fleuves des plus vaillants, l'Aude, a gagné sur la mer. Passée la Montagne de la Clape, dans un paysage de petite Camargue, la route pourrait filer droit ou presque sauf qu'elle chicane avec un "S" et se paie quelques fantaisies après avoir traversé un lieu-dit si bien nommé "La Guirlande". 



Paradoxal. Alors qu'on se dirige vers un hameau qui regroupa des cabanes de pêcheurs, à droite c'est une allée monumentale de vieux pins, si familière aux indigènes. Derrière le non moins imposant domaine de Saint-Louis-de-la-Mer acquis par la suite par les Salins du Midi. Étrange, le nombre de fenêtres sur la façade exposée au Cers, ce vent d'ouest-nord-ouest  violemment attiré par la basse pression méditerranéenne. De l'autre côté, la cour d'honneur en quelque sorte du temps des Gabaude, si mon souvenir ne m'égare pas, on dirait que les arbres s'en sont foutu le peilhot, qu'ils n'y sont plus ! 



En deux, le café des Pins ! 
Le 10 juillet 2001, papa m'écrit "... Nous avons bu un coup au café de Marie-José, fille de Marcellin et petite fille de Gili qui piquait jadis dans les pins les lampes à acétylène, le soir, avant l'électricité dans le hameau..." François Dedieu. 




En trois, l'usine, un trait d'humour sans doute pour désigner le petit bâtiment où un pairol, un gros chaudron cuisait la rusco, l'écorce au sens languedocien du terme, une mixture à base d'écorce de pin afin de rendre plus discrets les filets de pêche. Un endroit clé avec, par le passé, à côté, les treuils de la pêche au globe. Les murs accueillent à présent une fresque qui témoigne de ce qui fut. 
Un pêcheur justement ! Oh mais je le connais ! C'est Tchouna ! Bon, c'est vrai, la barbe blanche et il se porte bien mais je l'ai reconnu ! Et lui idem : il me fait "Djèu" ! Et un moment après 
"Tu veux une anguille ? une grise parce que hier j'ai pris une jaune, une reproductrice. Je l'ai relâchée.
- Non merci, sans façon et qui plus est avec le vélo...  
Au village, même si la rumeur publique a heureusement perdu de sa virulence, il en demeure un réseau solidaire qui dit que son frère La Nappe se bat contre un cancer. 
- Tchouna, embrasse-le bien fort... dis-lui que le Djéu pense à lui... 
Est-ce que les enfants d'aujourd'hui, d'un même quartier, d'une même école, garderont ce lien toujours plus fort quand vient l'automne de la vie ? 

En quatre, Las Cabanos de la modernité, de la belle saison qui approche, autour du port avec les cafés, les attractions, les kiosques qui ne vont pas tarder à se mettre en place. Avec le parc de stationnement des campings-cars aussi. Pas de photo. 






En cinq, avec ce que ce bout du monde peut ouvrir vers le reste de la Terre, la mer, les Pyrénées d'un côté, le Mont Saint-Clair de Sète de l'autre, plus proche ! A celui des criques azuréennes qui a osé dire que l'horizon fermé de ses rochers valait tant de fois plus que la monotonie de la côte sableuse languedocienne, la beauté fleurie et la vie de la dune entre Les-Cabanes et Saint-Pierre-la-Mer ! 
Divine surprise ! la plage a gagné sur le Golfe du Lion alors qu'elle avait presque disparu sous les assauts de la mer ! Sans les chalets des vacanciers, sans les blockhaus des Allemands, sans les campeurs sauvages du début des années 70, tous occupants temporaires.    

Au retour, par un Cers à arrêter un cycliste, je me suis fait serrer de près, dans le "S", par un 75 tête de veau, macarel ! 
M'est revenue la dernière leçon de la Chloé de la météo d’État (aussi propagandiste et faux-cul que la télé de même nom qui vaut à la France la 32ème au classement RSF de la liberté de la presse !), avec cet air con et descendant des phagocytés du parisianisme, qui nous a lâché sa boulette de déjection (si, si ça sort aussi par la bouche) sur la prise de pouvoir, entre dépression transalpine et anticyclone ibérique, par le Mistral et une "tramontaine de septentrion" de jadis parce qu'encore une fois ces doctes vulgarisateurs du canal "je suis partout" dénient au couloir audois et au Cers un rôle comparable, toutes proportions gardées, à celui du Rhône avec le Mistral. 
Laminez, laminez les identités de la France, la jacobinite latente ne s'en portera que mieux... mais plus dure sera la chute ! 

lundi 27 mai 2019

LE CHANT DE L'EAU, LE LONG DU BOUQUET / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Partir sur les traces et ce qui reste d'un gentil ruisseau, par une de ces rares journées d'un mai 2019 si frais, c'est une vraie exploration tant paysagère qu'intérieure. Un cadre familier mais qui au fil de l'inspiration sait improviser et tirer des tréfonds du vécu des porte-bonheur toujours brillants.  

Au fond le village et toujours les constructions et non des moindres, qui mitent le vallon. la petite vigne de ma quinzaine de charrieur n'est plus. Les referons-nous ensemble les vendanges de l'amour ? 

  Rive convexe, rive concave...

Le petit bois mais pas de cornouillers 


"... Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse..."

 La vigne un jour dit au roseau... 

Le rossignol y chante et le jour et la nuit... mais le couvert épais le dissimule si bien

Bien à 60-70 centimètres en contrebas, le ruisseau passe sous la chaussée, sa cascatelle n'érodera plus l'empierrage et le goudron. L'ai-je rêvé qu'il passait jadis sur la route ?  

Au village de mon père, les sureaux sont fleuris

Un no man's land pour mon âme nomade qui cherche, compagne des racines qui s'abreuvent, le mât levé vers le ciel de la pouzolanco de l'oncle Noé, puisant l'eau sacrée dans sa conque. 


Un passé de plus en plus flou.


Dutronc chantait "C'était un petit jardin... 
Mais un jour près du jardin
Passa un homme qui au revers de son veston
Portait une fleur de béton..."
 A la place du joli petit coin... Il y a les six voies de l'autoroute de notre système en banqueroute...  





L'abattoir de Soldeville, un des deux bouchers du village " Oh ! combien de bovins, combien de bêtes à cornes, venues sur cette terre sans renfort de saxhorns, dans la mort fatidique se sont évanouis..."  


Il reste un petit jardin

Mais donnant désormais sur une avenue... Le ruisseau du Bouquet doit couler sous le trottoir. 

Et le lavoir est devenu le siège d'un club de cassaires, de chasseurs. 

1964. Marie Laforêt chante Les vendanges de l'Amour.  Sur les rives du Bouquet se murmure la fable de la vigne et du roseau. Le rossignol chante jour et nuit et les sureaux sont fleuris... pardon de détourner une chanson vieille de plus de trois cents ans ! 
1972. Jacques Dutronc chante un petit jardin aussi malheureux que la maison près de la fontaine de Nino Ferrer. 
Pour l'abattoir aux effluents sanguinolents qui devaient rosir l'eau du ruisseau, la corrida de Cabrel sonnait faux. Alors si c'est très discutable d'en appeler à un grand homme tel Victor Hugo, pour qui le veut reste et restera toujours le chant de l'eau, surtout si la baguette magique de Mélusine nous transporte depuis les bancs de l'école... 

Merci Émile dont la poésie a si bien enchanté nos esprits ! Pour les enfants elle se terminait, non sans raison, avec "Le bruit de l'eau" mais la suite fait penser aussitôt à Maupassant dont il était contemporain... Enfin, je le dis très subjectivement... faudrait reprendre et relire...   
En attendant, pour les petits, les grands, et plus particulièrement les grands qui veulent rester petits :   
  
Le chant de l'eau.

L’entendez-vous, l’entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse.

Là-bas,
Le petit bois de cornouillers
Où l’on disait que Mélusine
Jadis, sur un tapis de perles fines,
Au clair de lune, en blancs souliers,
Dansa ;
Le petit bois de cornouillers
Et tous ses hôtes familiers
Et les putois et les fouines
Et les souris et les mulots
Écoutent
Loin des sentes et loin des routes
Le bruit de l’eau.

Émile Verhaeren.  

Et que le grand l'apprenne au petit en revenant de l'école, si par chance ils cheminent dans un vallon. Magie garantie sur la frimousse du petit. Et si quelques éclats de rosée brillent dans le regard du grand, ce ne sont que les perles fines que Mélusine fit danser au clair de lune...