samedi 26 octobre 2024

PROVENCE du RHÔNE (9) Pour solde de tous contes (2)...

Old_vines_in winter_in_Châteauneuf-du-Pape 2014 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Treephoto

Châteauneuf-du-Pape. Début des années 60 ; suite au pique-nique au Pont-du-Gard, endimanchés parce qu'un match du Championnat de France nous a assigné un club du Comité des Alpes (comme souvent pour les premières rencontres éliminatoires), avec de la marge avant le coup d'envoi, c'est l'occasion, en passant, d'aller saluer un cousin de loin, vigneron aussi au milieu d'un plateau incroyable de galets roulés. Seulement en passant. Rien alors sinon la mention « du-Pape », récente relativement puisque rien qu'à penser à l'histoire de la mule datant alors de plus d'un demi-millénaire ; rien sur des racines aussi profondes que celles des ceps sur un matelas de caillasses bouléguées. Et pourtant, Anselme Mathieu né en 1828 à Châteauneuf-Carcenier, décédé en 1895 dans le même village devenu Châteauneuf-du-Pape, motivé par la langue, la poésie, sut mettre en bouteilles son vin jusque-là vendu en fûts (mais peut-être plus pour être arrangé, en Bourgogne. Mathieu, vigneron-poète, appartient au groupe des Félibres, promoteurs, sous l'impulsion de Frédéric Mistral, du renouveau de la langue occitane : toujours quelques rimes sur les étiquettes de ce « Vin di Felibre ». C'est donc à partir d'ici que, toujours depuis notre voie lactée, nous croisons, semblant la plus éloignée de la galaxie, la première planète d'un système d'une voie plus vaste, le Félibrige. Plus sur le plancher des Hommes, cette fois-là, transition entre notre garrigue sèche et ce Midi du Rhône, saluant du même côté, de beaux ensembles de narcisses non loin des poteaux de rugby...  

Narcissus 2012 under the Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0 license. Author Kenneth Allen


Robert_Sabatier 2006 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 France license. Author Oscar J. Marianez

Le village de Saint-Didier, à six kilomètres au sud-est de Carpentras, a longuement accueilli un autre auteur attachant, au portrait (je parle d'apparence, de photos) avant 2010 si proche de celui de Gallo, Robert Sabatier (1923-2012), Parisien pur jus mais avec toujours un accent du Sud, celui de Saugues (Haute-Loire) où il passait ses vacances auprès du grand-père Auguste, maréchal-ferrant ; dans les huit volumes du Roman d'Olivier (1), le troisième, Les Noisettes Sauvages (1974), parle de Saugues, du pépé, de la mémé, de l'oncle Victor, d'une communauté de petites gens à la campagne laissés pour compte dans la marche du monde... Une Provence rhodanienne (mais on peut en penser autant, bien qu'en plus dispersé, de tout un Sud désirable), plébiscitée par nombre d'artistes, de comédiens, de chanteurs... d'écrivains revenus, sinon venus d'autres horizons. 

Portrait_de_Picasso,_1908 Domaine public source Photo (C) RMN-Grand Palais Auteur anonyme


Un paragraphe de Sorgues nous parle d'un peintre au génie toujours prégnant, Pablo Picasso (1881-1973) ; en 1912, il y réside avec Eva Gouel (1885-1915, cancer). Sur un mur de la ville, il lui dédie « Ma Jolie », un tableau cubiste, ovale mais enlevé au public le jour où un marchand d'art fit enlever le revêtement mural. Le tableau (plutôt rectangulaire...) se trouve au Moma New-York. 

Le Pontet ; Théodore Aubanel (1829-1886) passe ses étés au mas du Grand Grangier appartenant à sa mère. 

Partager le Voyage: Teodor AUBANÈU, pas froid aux yeux et la main chaude (I)... 

Partager le Voyage: Teodor AUBANÈU, pas froid aux yeux et la main chaude (fin)...

Alors qu'il s'est lancé dans bien des évocations jusqu'à charnelles dans La Miougrano Entreduberto, la Grenade Entrouverte, que n'a-t-il pas su exprimer et partager le temps de l'amour, avec Zani, partie hélas en religion ? Les traditionnalistes, par contre, bien que prêtant d'autres intentions, ont tôt fait d'assimiler les mille graines rouge sang sous une même couverture aux mille filles que l'ogre du Petit Poucet va égorger par erreur. (à suivre).  

(1) c'est à Saint-Didier que Sabatier a écrit Les Fillettes Chantantes, sur l'adolescence d'Olivier. (1974 Albin Michel, 1985 Le Livre de Poche).  

Teodor_Aubanel Domaine public Auteur inconnu

mercredi 16 octobre 2024

PROVENCE RHODANIENNE (8) Pour solde de tous contes (1)...

Un huitième volet pour constater que les sept précédents auraient tout dit ? Serait-ce, au contraire, conclure avec des résidus sinon garder le meilleur pour la fin ? Il est vrai qu'après la géographie, l'Histoire, le Mistral, la mythologie, la religion, le roman, le gothique, les moutons, ânes, chevaux, les mules, malgré une présence plus marquée de Bosco et surtout de Daudet, c'est à peine si nous avons abordé le monde de la création, de l'art, l'unique dimension permettant de se dépasser, d'exalter l'homme jusqu'à un « H » majuscule si improbable tant sa nature profonde est vile... 

Alphonse_Daudet Domaine public Auteur Étienne Carjat (1828-1906)

Alors oui pour un huitième volet. Et puisque avec Robert Miras et Hugues Aufray, nous avons évoqué la chanson, (rabaissée au niveau de chansonnette par des débineurs élitistes agacés, fermons la parenthèse), comme nous avions relevé le petit cabanon ou l'adieu à la « Venise Provençale », 1934, de Vincent Scotto (1874-1952), « Magali », 1962, de Robert Nyel (1930-2016), avec le refrain en provençal « ... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali... ». Quelles paroles ensoleillées encore ? Qui encore ? Et qui aidera à étoffer le peu me venant à l'idée ? 
Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu.

D'une manière générale, Mireille Mathieu (1946), Michèle Torr (1947), plus subjectivement, « Les Marchés de Provence », 1957, de Gilbert Bécaud (1927-2001) et Michel Sardou (1947) au moins pour « Je viens du Sud » 1981 (si bien reprise par Chimène Badi). 

Pour le reste, terme si euphémistique pour désigner les artistes, surtout en lettres, qui ont marqué de leur présence cette Provence du Rhône, de naissance et de vie sinon par choix personnel, pardon pour de si maigres ressources, déficientes, si subjectives, loin d'être exhaustives, là seulement manière de dédouaner, devant suivre un fil conducteur, faire illusion. 

Considérant en gros le Comtat depuis les enclaves aujourd'hui dans la Drôme, d'abord, proche de Valréas, le village de Grignan, à cause de la comtesse éponyme (1646-1705), restée dans les mémoires pour les centaines de lettres adressées par sa mère, Madame de Sévigné, la marquise (1626-1696) (Mère et fille décédèrent toutes deux à Grignan) ; une correspondance d'une rare modernité, ouverte sur le siècle du Roi Soleil. 

Max_Gallo salon du livre Paris 14_mars_2009 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur ΛΦΠ

Max Gallo (1932-2017), atteint par la maladie de Parkinson, meurt à Vaison-la-Romaine. Sa vie, sa trajectoire peuvent se comparer à ce que la France a vécu. De parents pauvres immigrés du Piémont, à force de volonté, il illustre un ascenseur social qui ne progresse dans les étages qu'à condition de tirer soi-même sur la corde. Titulaire d'un CAP de mécanicien-ajusteur, il est passé au doctorat et à l'agrégation d'Histoire. Politiquement, suite à un moment communiste, il se révèle jusque dans les hautes sphères socialistes, auprès de Chevènement, de Mitterand, pour, finalement, soutenir Sarkozy en 2007... un passage peut-être sinon effectif entre les illusions de gauche et une réalité restée droitière... De l'auteur prolifique de plus d'une centaine d'ouvrages, romans, suites historiques, de l'académicien, je retiens le « vivre au pays », qui, dit-on, depuis le lycée où il était maître-auxiliaire, le faisait partir aux vacances pour une longue diagonale à destination de Nice, en vespa ! Et son séjour à Vaison, sa tombe à Spéracèdes auprès de ses parents, n'ouvrent-ils pas sur un questionnement à propos du Midi dans ses versions azuréenne sinon rhodanienne ? (à suivre)