jeudi 16 février 2023

La NOURRITURE avant (1850-1950) puis dans les années 60... (3)

Gâteaux et pâtisseries. Le circuit court pour les plus modestes. A la maison et au collège dans les années 60.  

Les oreillettes de Laeti, ma neubeude ! gros poutous de tonton ! 

La tradition voulait aussi qu'on fasse des gâteaux pour certaines fêtes ou lors de périodes particulières : barquettes de Toulouse, gimblettes d'Albi, floues de St-Affrique, biscottins de Bédarieux, galettes quadrillées de Carcassonne, fouacets, alleluias et rausels à l'anis de Castelnaudary, raouzels du Minervois pour le " Dius-a-vol ", oreillettes de carnaval... 

C'est dans les couches populaires que l'alimentation et la façon de cuisiner collent aux ressources locales, aux circuits courts... les bourgeois, les gens aisés, eux, veulent manger comme à Paris. Puis le fait de se nourrir s'est nivelé, uniformisé (déjà en 1950, d'après l'article !). La magie, la religion, la géographie ne pèsent plus, on ne mange plus de millas dans les pays de maïs, les crêpes à la Chandeleur sont facultatives, les châtaignes, on les donne aux cochons, les poissons, sauf peut-être en été, viennent de l'océan. Tout le monde mange à peu près la même chose : pain, viande... Depuis la fin de la guerre de 39-44, ouvriers et paysans mangent mieux et pour moins cher. Et si le poste nourriture reste le premier  dans le budget, ceux du logement, des vêtements, des loisirs commencent à compter. 

Vendanges cassoulet Carcassonne Wikimedia commons Auteur BrokenSphere

Il n'empêche, le cassoulet qu'on peut manger partout en France, reste un plat typique si on lui garde son originalité dans sa forme bourgeoise (bien améliorée par rapport au plat paysan plus cassoulet de mounjetos qu'à la viande comme on dit en parlant d'un plat avec seulement des haricots), par ses ingrédients (couennes fraîches, jarret de porc, salé d'oie, saucisse), le toupin ou la cassole en terre du Lauragais (surtout Castelnaudary) pour le cuire serait-ce sans plus disposer d'un four à bois où flamberaient des ajoncs (dit genêt épineux, ce qui peut prêter à confusion).  

Pour finir et témoigner de ce qu'on mangeait à la maison dans les années 60, au risque d'en oublier (vous pouvez, vous devez et me corriger s'il faut, et compléter), nous avions, à table, dans la semaine, 

* en entrée, salade ou charcuterie, pâté, boudin ; 

* des pommes-de-terre (achetées par sacs de 50 kilos) bouillies, en purée, en frites, au four, plus rarement en brandade ; 

* une à deux fois des légumes secs (lentilles, pois chiches, pois cassés, haricots), 

* le soir, toujours la soupe (souvent de légumes) ou potage aux vermicelles lorsqu'il y avait du pot-au-feu ; 

* des pâtes d'abord nouilles ou macaronis avant que la diversité de formes que nous connaissons de nos jours ne s'impose (certains portaient le plat à gratiner au boulanger, moyennant une modeste participation) ; 

* de la viande surtout en sauce (blanquette, daube, bourguignon), souvent des abats (foie, rognons) ; le dimanche, un poulet fermier, de la saucisse ou de l'entrecôte (alors moins chère que la tranche) sur la braise de sarments ; 

* le vendredi du poisson, plus souvent en été avec le poisson bleu (sardines, maquereaux, thon rouge), merlan, plie, raie en poisson frais sinon la morue mise à dessaler ; 

* pour ce qui est du fromage, sans qu'il y en ait tout un plateau, le choix était plus restreint qu'aujourd'hui (gruyère, cantal, roquefort, camembert de Mariotte (fait au Fousseret, dans le département de la Haute-Garonne), un pyrénées assez insipide couvert d'une peau élastique noire, augurant de ce que serait l'ère du plastique omniprésent. 

* au dessert, des pommes au four, du riz-au-lait, du flan, du yaourt de Rieucros dans l'Ariège (le pot de verre était consigné tout comme pour la bouteille de lait / il y avait encore des laitières au village, dont Émilienne). 

Rouzilhous, lactaires délicieux. 

Comme il était apprécié alors de suivre les saisons (raisins, azeroles, coings, châtaignes, pommes, poires, rouzilhous à l'automne), poireaux (de vignes et sauvages éventuellement), choux, betteraves, cardes, endives en hiver... épinards, asperges sauvages, fèves, asperges vertes, petits pois, puis fraises, cerises au printemps, tomates, haricots verts, cèbe de Lézignan en été, abricots, pêches...     

Et au collège Victor-Hugo, à la demi-pension : salade verte ou betteraves ou carottes, fayots, lentilles, nouilles ou macaronis, purée, pommes-de-terre dans les ragoûts, blanquettes, frites le samedi, omelette, sardines, morue ou brandade le vendredi et toujours... de la sixième à la terminale, un litre de vin pour huit ! Et en dessert, j'ai oublié... un fruit ? un bout de fromage ? Le goûter était de rigueur : la vache qui rit, la pâte de fruit de marque Dumas (Pézenas), le chocolat qu'on partait faire fondre en tartine sur les poêles à charbon des classes ouvertes. Il y avait aussi une gelée de raisin présentée en portion plastique (pas moyen d'en retrouver la trace peut-être en lien avec l'usine UVOL de jus de raisin alors à Nissan-lez-Ensérune encore dans les années 60).  

mercredi 15 février 2023

La NOURRITURE avant, pendant les gros travaux, les fêtes et le dimanche (2)

 Dans les coins où la vie est difficile, comme à dessein, afin de compenser, pour les grands travaux, le propriétaire était tenu de bien nourrir ses travailleurs. 

Jambon_cru_de_l'Ardèche  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Auteur traaf

Vers 1870, les Mountanhols qui descendaient moissonner commençaient à 4 h pour finir à 19 h ! Aussitôt, en pensant qu'alors même les enfants travaillaient, nous les plaignons pour les quinze heures à assurer sauf que cinq pauses-ravitaillement étaient prévues, vin compris : 

* à l'aube, tuer le ver (tua lou verme = manger un morceau en se levant / page 21107,Trésor du Félibrige, F. Mistral). 
* à 7 h, jambon, œufs et fromage pour le petit-déjeuner.  
* à 9 h boire un coup (leva l'aigo)... du vin plutôt ! 
* à 11h, bouillon de poule, viande, légumes, fruits : un dîner copieux puis la sieste pour reprendre à 2h. 
* à 4 h, salade fraîche et fruits. 
* à 6 h, souper. 

Dans le Terménès (Corbières) plus pauvre, on tuait le ver avec un quignon de pain et du fromage, à 7h on mangeait la blanquette de veau, ou une omelette, ou une viande en sauce, ou des tripes. A 10 h un coup de vin (leva l'aigo), à midi la soupe aux choux, de la viande ; à 3 h un coup de vin (ça donne des forces on dit !) ; à 6 heures, le cassoulet (des haricots tous les soirs) ; une fois rentrés, la soupe et une salade chez le patron. 
Partout, en point d'orgue, le banquet de fin de la tonte, de la fenaison, de la moisson, le " Déus-ba vol " des vendanges (une référence à Dieu qui s'entend mieux, en faveur d'une charité grâce à ce partage solidaire traditionnel quand il faut rentrer les récoltes. 

Un principe respecté pour les fêtes allant au delà du symbole puisque, à l'occasion de Noël, le pauvre, parfois invité, occupait alors sa place. Le lendemain, on partageait Estevenou, le petit Étienne, le pain en forme de bonhomme cuit chez le boulanger (existe aussi dans les pays qui fêtent saint Nicolas). 

Dans quelques villages, l'enterrement donnait lieu à un banquet avec force bouteilles !  

cagaraous a la narbouneso
   

Même chez les plus petits propriétaires, on se devait d'améliorer le menu à l'occasion des fêtes religieuses. la tradition imposait des mets : crêpes de la Chandeleur, oreillettes ou fougaces pour Carnaval, morue à Agde le vendredi saint, escargots à Béziers pour la saint Eutrope (alors que le saint patron de Béziers est Aphrodise, ce qui ne change rien puisque ces évêques évangélisateurs moururent tous deux décapités, la sortie du chameau illustre le dernier trajet du saint portant sa tête entre les mains, vers sa tombe. Fin avril les festivités de la saint-Aphrodise se confondent avec la fête d'Eutrope, le 30 avril). Escargots aussi à Lodève pour fêter les Fulcran, à Sète, pour Noël, des anguilles. Citons encore la dinde à l'orange, les jours gras, à Clermont-l'Hérault, les pois-chiches du vendredi saint, dans l'Hérault et le Minervois, la croustade de la st-Jean à Montbazin. 

Même en Moravie (Rép. Tchèque) Creative Commons Attribution 2.0 Générique Auteur kitmasterbloke.
.

Autres occasions, le repas de fiançailles que la fille devait faire pour son promis (Lozère), le repas de relevailles suite à un accouchement, le repas pour les funérailles en certains endroits, la fête, associant la famille et les voisins, lors du sacrifice du cochon (pour Noël dans l'Ariège, en février dans l'Hérault). En plus de certaines parties du cochon, on mangeait l'afart, une salade de betteraves cuites sous la cendre (Ariège, Lauragais), les haricots cuits avec la morue frite, des escargots, du riz au lait... On offrait du boudin. 

La maîtresse de maison s'ingéniait, le dimanche, à déguiser les plats. En Ardèche la bombine n'était pourtant que de la pomme-de-terre cuite à l'eau et écrasée. Et encore en râpant les patates pour les passer à la poêle ou en confectionnant une tourte... Les jours où on avait des invités, une daube, des gras-doubles, un cassoulet sinon des plats d'une certaine tenue s'imposaient. Quelques croyances imposaient aussi de préparer quelque chose de précis, par exemple, les crêpes de la Chandeleur étaient dites protéger  de la carie du blé, un champignon qui de ses vésicules détruit les grains et qui contamine la culture à venir par ses spores tombées à terre (Hérault, Gard, Ariège). De même, la vermine se mettait aux champs si on n'avait pas mangé une gousse d'ail cuite dans le feu de la saint-Jean (Hérault, Narbonnais).