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Louis Pergaud 1882 - 1915. |
Entre Marchéville-en-Woëvre et Saulx
toujours en Woëvre, à trente cinq mètres à droite du pont sur le fossé
Saint-Pierre, le sous-lieutenant Pergaud entraîne ses hommes à l’attaque
de la Côte 233. Il faut les voir !.. Trempés par l’eau des marais où
ils ont dû patauger jusqu’aux genoux, ils dégoulinent aussi de l’eau du
ciel qui ne cesse de tomber ! Regardez-les bien, c’est la dernière fois :
beaucoup n’en reviendront pas !
Ernest Florian-Parmentier écrira même, sur la foi du sergent
Desprez, blessé lors de cet assaut : « ... Les débris de celle (la
section) de Pergaud rentrèrent seuls ; notre brave confrère avait
disparu... ». C’était le 6 avril 1915, un mardi, par une nuit sombre et
pluvieuse, après 2 heures du matin. Blessé, récupéré par les Allemands,
il disparut dans le bombardement par l'artillerie française de l'hôpital
où il avait été évacué. Son corps ne fut jamais retrouvé.
Sur la moitié droite de la stèle de Marchéville-en-Woëvre :
"Reverrons-nous les champs reverdir et les fleurs pousser ?" (1er avril
1915 / signature Louis Pergaud 1882 - 1915).
Sur la partie gauche : " Parti d'ici à
la tête de ses hommes, Louis Pergaud, prix Goncourt 1910, auteur de la
Guerre des Boutons, disparut la nuit du 7 au 8 avril 1915 dans l'attaque
de la côte 233 de Marchéville.
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Forêt enneigée dans le Doubs Auteur Nelson 25 sur Wikipédia français |
Extraits de la vie en lui, pour la femme aimée :
A Delphine, mardi 2 mars
1915. Nous sommes retombés dans l’hiver. Il a neigé ces jours passés il
fait un peu froid un peu plus froid qu’auparavant... /...
A la
même mercredi 3 mars 1915. ... Il faisait un temps à ne pas mettre un
Boche dehors : bourrasques de pluie et de neige, coups de vent et tout
ce qui caractérise les heures troubles d’avant printemps. Malgré cela ce
ne fut pas pénible, j’avais mon caoutchouc et je pouvais me foutre de
la neige et du vent. La campagne ne reverdit pas vite tout de même,
c’est encore gris avec des raies d’eau qui zèbrent les champs de lames
d’argent. Les arbres non plus ne se pressent pas de bourgeonner mais les
oiseaux commencent à revenir, il y a déjà des pinsons jolis comme des
amours, quelques chardonnerets et des bandes d’alouettes et de verdiers.
Enfin on commence à trouver des pissenlits et presque tous les soirs
l’ordinaire s’enrichit d’une plantureuse salade dont on se pourlèche les
badigoinces comme dirait feu Rabelais.../... Il serait bien absurde que
les destins qui semblent me protéger avec tant de zèle ne persistent
pas.../... Il ne me manque vraiment que votre présence mon cher amour.
Bien souvent quand mes yeux courent le long des lignes,votre chère image
vient s’interposer devant mes yeux et les mots dansent parce que le
souvenir de notre bonheur passé me tourmente jusqu’au fond le plus
intime de ma chair et de mon cœur...
A la même vendredi 5 mars
1915... Il faisait un temps adorable de printemps, tiède et presque
parfumé.../... on flânait, on rêvait...
A Delphine, lundi 8 mars 1915. Pour
changer un peu aujourd’hui il neige. Déjà dans la nuit paraît-il ça a
commencé et ce matin c’était tout blanc... /... J’ai eu à mon réveil le
spectacle un peu attristant d’une campagne grise et d’un ciel de suie
mais j’ai pensé à toi et ça m’a mis dans le cœur le coup de soleil qui
manquait à ma fenêtre.
A la même mardi 16 mars. .. / ...
Aujourd’hui et hier aussi le temps s’est remis au beau, le soleil s’est
montré, les routes se sont séchées. Il faisait chaud, il faisait bon et
j’aurais bien voulu t’avoir à mes côtés.
A la même mardi 16 mars
1915.... Mes cheveux ont encore grisonné mais je suis toujours aussi
jeune de caractère et surtout toujours aussi amoureux de ma femme bien
aimée...
A la même mardi 16 mars 1915... /... Il a fait une journée
délicieuse d’avant-printemps? les alouettes chantaient, des bandes de
petits oiseaux passaient dans les grondements du canon et c’était
bizarre et joyeux et un peu triste aussi.
A la même mercredi 17
mars 1915... /... Quelle journée délicieuse ! Et quel beau soleil il
fait ! Cela nous met en joie et les Poilus aussi. Personne dans les
caves et tout le monde est dehors... /... Ma bien aimée qu’il ferait bon
se promener, au bras l’un de l’autre, dans quelque quartier du bois de
Landresse...
A Delphine 21 mars... Nous avons attaqué
la ligne ennemie.../... nous sommes restés sur nos positions et nous
avons perdu quelques hommes... Au milieu de tout cela, ma bonne petite
chérie, vos gentes lettres me parvenaient et je puisais dans votre amour
toutes les forces dont j’avais besoin pour tenir jusqu’au bout...
A la même lundi 22 mars... Les hommes sont gais, il fait soleil.
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Pays de Pergaud (Doubs). Cascade de l'Audeux en amont de l'abbaye cistercienne de la Grâce-Dieu (vallée des hiboux). |