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mardi 2 septembre 2025

Voyage Fleury Mayotte (4)

 Dimanche 1er février 1998. 

...ma conscience me dit que les corrections attendent mais le remords reste léger. Georges vient de passer une bonne heure ; un café, du clafoutis frais, je lui sers aussi un passage des chats de Bohumil. 
Il fait beau, le kashkazi s'est établi, il s'engouffre librement sous la varangue : 30 degrés à 10 h 40 mais un air plus léger. 
Stani m'a annoncé sa venue, il arrive le 14 février, un samedi. Je lui présenterai Mayotte comme il se doit. 
Depuis que j'ai pris connaissance de votre 76ème lettre, 9ème de la série, je m'interroge sur l'à propos des points de suspension... c'est vrai que j'en abuse... Mais ne pèsent-ils pas lourd, ces trois petits points ? laissant en suspens les pensées ? Non, l'idée même d'en ménager l'emploi me paraît incongrue... siérait-il que je m'en amputasse (est-ce dit correctement ? la tirade de Cyrano manque dans la bibliothèque). 
Dernièrement, l'ami Abdou de Sada m'a fait part de la note que j'ai obtenue à sa place pour la dissert traitée à sa place alors qu'il était à Paris délégué au congrès des maires de France ; le sujet, une thèse de Louis de Broglie sur la science. 

Revenons au dernier voyage. 
Gare de Lyon. Station RER : le train de banlieue amène à Orly via Châtelet -les Halles et Antony (58 F). longs couloirs, portillons automatiques qui ne facilitent pas le passage des valises, sacs et porteur. Un panneau lumineux éclaire les gares desservies, un carré orange indique si le train est court ou long, ce qui n'est pas inutile pour un voyageur encombré. Paris cosmopolite, gens de toutes couleurs qui arpentent ou attendent dans les souterrains. Antony, refaire surface ; calme de la ville suite au rail trépidant. 23 h30, plus de correspondance pour l'aéroport, le préposé aux billets a oublié de le préciser. Pas de bus non plus. Goguenards, les taxis observent le manège du provincial embêté ; ils sont là pour ça, n'attendent que cela ; 100 F la course de nuit et je ne suis pas en mesure de savoir s'il ne m'a pas promené... comment, de nuit, en terre inconnue, repérer les points cardinaux ; le chauffeur m'arrête aérogare sud, plus accessible selon lui. Aux guichets désertés, dépliants et brochures abondent, j'en bourre mes poches, une manie... Des maçons s'activent de nuit, des techniciens de surface discutent, une équipe de sécurité me croise, rassurée par mon chariot de bagages. 

960px-Aéroport_Orly_Ouest_2011 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Auteur Lionel Allorge

Orly, nuit douce, accès bloqués vu l'heure tardive ; en essayant toutes les portes, la longue façade de verre est remontée ; le seul policier de faction a laissé sa voiture : il discute à l'intérieur avec une jolie balayeuse. Un véhicule passe à ma hauteur : trois hommes « pas tibulaires mais presque » dirait Coluche ; autant presser le pas en surveillant cette Renault blanche, j'accélère jusqu'à courir dès que je suis hors de vue. Aérogare ouest, tout est fermé, faut pas passer la nuit dehors, ça risque trop ; je toque sur le verre épais ; le conducteur de la cireuse a l'amabilité de descendre de son siège ; son accent  étranger explique  « Porte G, appuyez sur le bouton » ; les roues du chariot sont en bon état pour ne pas traîner ; la porte pneumatique ne réagit pas mais l'interphone surprend : 

« Que désirez-vous ? 
— Laissez-moi entrer, je ne me sens pas en sécurité. 
— Présentez votre titre de transport devant la caméra. La voix est calme, posée : je m'exécute et montre le billet à l'œil sur lequel j'avais appuyé parce qu'il n'est pas plus grand qu'un bouton. »

Après quelques minutes, basané, de petite taille, plein de civilité, le gardien de nuit vient ouvrir, Pas plus d'agacement que d'impatience; j'imagine que la voix fleure bon l'amandier d'Anatolie. Grec ? Turc ? Libanais ? un oriental, assurément. Soulagé je le remercie chaleureusement. 
Au niveau de l'embarquement des gens en partance dorment sur leurs bagages. Hall n° 3, les aéroports de Paris supportent le panda WWF « Aidez-nous à sauver la vie ! »... et toi, devant la porte, tu peux charger... 
À traîner et fouiner, la nuit passe vite. Les dames de service me proposent gentiment un sandwich « Sans payer ! » elles disent, devant mon refus poli. 'Algérien, l'Oriental, les Lusitaniennes, de grands cœurs et qui bossent... 
Cinq heures du matin, Paris s'éveille ; la valise est enregistrée ; en attendant un petit-déjeuner, je m'endors comme une souche à la terrasse d'un café-croissanterie. 


Gros poutous ! 

mardi 22 juin 2021

Un vieil Indien dans la ville, version covid (mai 2021) (4)

Pour ne pas s'empêcher de dire, qui tient la plume doit se désolidariser de l'autobiographe en romançant... la bonne combine pour faire dire à son double tout ce qu'on préfèrerait garder pour soi. Je parle de lui en écrivant "il" puisqu'il est le voyageur que je suis et que je suis le voyageur qu'il est...  

La Crète s'éloigne dans le sillage, Cythère et le Péloponnèse ouvrent un nouveau tableau avant la mer Ionienne et d'autres îles, manière de penser à Ulysse. La botte italienne n'est pas loin : depuis nos 13.000 mètres d'altitude, c'est plus vrai encore. 

 Retour au calme. Réveil alors que l'appareil aborde Nice. La carte montre qu'il s'est écarté jusqu'à survoler la Corse. Et à présent les Alpes, la neige ne pouvant plus nourrir les glaciers. Puis la campagne, les champs, des éoliennes mais pas de centrale nucléaire à l'horizon du Bassin Parisien. 

 Atterrissage... 20 bonnes minutes de retard... avec 15 minutes de roulage en prime puisqu'il faut faire le tour complet de Roissy pour se garer... et dire qu'avec le covid et un trafic réduit il n'était pas illogique de penser plutôt à gagner du temps... Que nenni ! Pire encore quand la sortie de l'aérogare désertée s'apparente à un parcours du combattant. Pour commencer un énième contrôle du test négatif avec une dame poussant le zèle à éplucher l'intégralité du document ! 

En suivant, une quête labyrinthique de la valise : des couloirs qui n'en finissent pas, des tapis roulants non fonctionnels, amorphes ou entravés par un groupe, valises aux pieds, piaillant l'ourdou ou le tamoul, une porte tourniquet avec la hantise aussi immédiate que non-fondée qu'elle ne tourniquettera pas dans l'autre sens, encore un escalator mais toujours le logo et l'inscription "bagages". Horreur ! en bas des marches mécaniques, un cul-de-sac "Navette" ! Pourquoi le jeu de pistes "Bagages" s'arrête-t-il soudain ? Où peut bien mener ce petit train ? Comment ? faut-il dire adieu à la valise, la seule à tenir le coup après tant de vols (achetée sur un marché de Besançon) ? Remonter puisque c'est possible. Ouf tournicoter à nouveau. Miracle, une hôtesse : 

" Mais si monsieur, avec la navette, à cinq minutes à peine la remise des bagages..." Paroles réconfortantes avec en prime la voix chantante du Sichouan, de Wuhan ou Canton... Comment savoir, le stress plus que l'universalisme fossile vermoulu, rongé de jacobinite boboiste pourtant imposé par une prétendue élite (heureusement rejetée de nos jours) ne laisse pas le loisir de demander au sourire bridé d'où il vient ? 

La valise se promène sur le serpentin de desserte : avec ses petites fleurs bleues et son air de toile cirée, il ne peut pas la manquer ! 

Maintenant la gare, les flèches à suivre et la confirmation de la direction sur le panneau suivant. 

Basilique du Sacré-Coeur, wikimedia commons, author Superchilum.
 

Les distributeurs de billets. Que disait le site "SeNeQeFe" (pourquoi un "u" après le "q" ?) sur internet : "Prenez un titre de transport "Ile-de-France" sauf que la machine ne propose pas cette dénomination de billet ! Machine qui rame... Ouf la seconde délivre bien de quoi rejoindre Bercy (19 h 47) via la gare du Nord et les Halles-Châtelet, en théorie du moins. Le RER attend l'heure de départ. Malheureusement il est huit heures et l'arrivée à temps pour le bus est compromise. Envers et contre tout, ne pas baisser les bras... Point très positif, contrairement à ce qu'il supputait, ce train est sans arrêt jusqu'à la gare du Nord : vingt bonnes minutes de gagnées... Vue sur le Sacré-Cœur, c'est tout ce qu'il lui sera donné à voir, fugitivement, et de loin, du  Paris des touristes. Les Halles : de là c'est la ligne 14 du métro qu'il faut rejoindre. 

Fourmilière ? Termitière ? Une fréquentation jeune, de petits groupes, souvent par deux... Et au milieu, valise bleue à fleurs, chemise rouge, directement téléporté depuis les tropiques, un vieil Indien dans la ville, le seul en manches courtes, trop voyant dans ces flots croisés de blousons en gris, de vestes noires, d'ensembles sombres. Le seul vieux à aller dans le flot rapide des jeunes. Le crâne se sait mal du courant d'air de crypte ou de catacombe courant les galeries d'une haleine caverneuse... Mais s'il sort le béret, en plus des fleurs de la valise, du rouge de la chemise, des manches courtes, de son air retraité obligé de turbiner, ils vont croire que c'est pour gratter quelques pièces ! A combien de mètres sous terre ces tunnels pour myrmidons filmés et géolocalisés ? Malheur ! un contrôle robotisé ! Toute une rangée de sas électroniques qui ne laissent passer que sur présentation du titre de transport. Inutile de jouer au chevreuil au-dessus du tripode qui aurait plutôt trois bras, les couperets escamotables de plexiglas forment une deuxième ligne ! Il voit bien faire les usagers. Il suffit de les imiter ! Sauf que son billet n'ouvre rien, il a beau préparer la valise, présenter l'ordi sur le ventre, frotter mon bout de carton vif ou léger, direct ou en rondeur, rien n'y fait ! 

Oh ! cette brune qui réussit son saut de chevrette mais plus pour amuser sa copine que pour frauder : elles en rient synchro ! Ce n'est pas que l'idée ne l'effleure pas un éclair de seconde mais il n'a plus l'âge de s'afficher derrière une chevrette ! C'est alors qu'une âme charitable de la harde, jeune et jolie qui plus est, le prend presque par le bras, covid oblige, pour le mener, tel un aveugle, au bout de l'escadron de machines ou, effectivement, deux d'entre elles veulent bien engloutir un laisser-passer de papier. Un petit vieux, provincial et perdu piétinant d'impuissance : quelle pitié ! Devant lui, au sol la valise, sous son menton la banane et la sacoche de l'ordi sur le ventre... heureusement que le sac-à-dos suit, lui, sans autre complication. Pousser du pied, récupérer le billet régurgité, passer les cerbères escamotables quitte à les obliger un peu ! Et alors ! "Merci mademoiselle !" (pourquoi dire madame à une dame jeune ? pourquoi y voir un rapport avec ses expériences intimes ?). Ligne 14, direction Olympiades ! surtout ne pas partir dans l'autre sens ! Il y est presque : deux stations seulement. Debout près de la sortie. Elle, assise, tonkinoise ou petite bourgeoise ; elle le regarde. Elle doit dire, en face d'elle, à celui qui est de dos "Si tu voyais ce vieux vieille France sorti d'on ne sait où..." La répétition le dit bien... Face à elle, pas discret, lui se retourne comme pour découvrir un martien ; pour notre voyageur, ça passe au-dessus des cheveux blancs pas encore tombés. (à suivre)