Mu comme par un instinct, mon fond scribouillard profondément sudiste essaie de se retourner sur ce que la Provence du Rhône a inspiré. Avec l'article un peu contraint sur le Luberon, en mentionnant Henri Bosco, pour avoir seulement papillonné sur ses écrits, suis-je autorisé à le considérer en tant qu'écrivain marquant ? Retenir les balancelles roses du Golfe du Lion, se souvenir de l'âne culotte, revivre une émotion d'ado grâce au prénom aimé de Geneviève (1) du Mas Théotime, n'y suffisent pas ; d'avoir oublié Malicroix à propos de la Camargue, d'avoir éludé Bosco à Avignon appuient d'autant plus sur ce ressenti coupable.
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Henri Bosco écrit under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license 2014 Auteure Souricette-du-13 |
Bosco, ce sont d'abord des souvenirs confus, scolaires avec quelques pages seulement de « L'Enfant et la Rivière ». Des passages qui ont néanmoins compté dans mon plaisir de la géographie à travers la Durance, fille sauvage de Provence. Ensuite, c'est « Le Mas Théotime » juste parce que j'ai dû lire quelque part qu'un des personnages se prénomme Geneviève. Au lycée elle est une camarade de classe sauf qu'à trop vouloir se retrouver, dire “ camaraderie ” ne dit pas tout et qu'il y a un peu de ce que les autres prétendent voir et comprendre. Bien sûr qu'il y a entre nous une complicité, une attirance amicale. Manquant de lucidité pour un sentiment qui ne lèverait pas, restant dans l'amitié, j'ai longtemps cru être dans l'attente d'amour, avant de convoler ailleurs, d'engager ma vie d'adulte pour fonder une famille...
Dans « Le Mas Théotime », fantasque, mariée mais en rupture de ban, la cousine Geneviève fait irruption un jour auprès de Pascal, le propriétaire. On attend l'amorce d'une histoire d'amour, potentielle, qui par le passé eût pu aboutir, avec ses moments mais toujours avortée, impossible. Geneviève partira loin et Pascal mariera Françoise, la fille du métayer, douce terrienne sans complications, patiente pour la moisson, la vendange, l'offrande de son amour paisible donnant le change après l'orage d'une passion destructrice.
Même la couverture illustre l'emprise générée par ce roman. Le Livre de Poche ne mentionne pas l'auteur. Nous la devons à Roger Bezombes (1913-1994), peintre, graveur, sculpteur, illustrateur de livres. Le même patronyme que monsieur Bezombes, surveillant général du collège de Pézenas, qui sauf erreur, était d'Aniane... Encore une coïncidence... |
Cinquante huit ans plus tard, en plein covid, j'ouvre et je relis le livre en moquant celui que je fus « Bien sûr que je croyais seulement être amoureux, bêta que j'étais ! ». Pourtant les pages, se font plus difficiles à tourner, plus lourdes de tout ce qui revient en mémoire et refait battre le cœur. Au seuil d'une histoire qui n'a pas fleuri, ne pouvant retrouver sa piste, je la cherche encore même si elle est loin... Est-elle vivante au moins ? Où vit-elle ? A-t-elle des enfants ? un mari ? Son allure, son visage, sa voix, son sourire sont là, ses dix sept printemps restent nets dans mes limbes... Et moi je retrouve ma vingtième année...
... « ... Cependant, à présent que je suis devenu vieux, très vieux, je dois confesser que de tous les visages du passé, celui que je revois le plus distinctement est celui de cette fille, à laquelle je n'ai jamais cessé de rêver pendant toutes ces longues années. Elle fut le seul amour terrestre de ma vie, et pourtant je ne savais, et jamais je ne sus son nom. » Paroles finales d'Adso de Melk dans le film « Le Nom de la Rose » (2).
Les ouvrages de Bosco expriment un pays de naissance et de vie connu en profondeur, un terroir ouvrant sur l'universel et que seul un parisianisme borné voudrait cantonner au régionalisme fermé. Il a souvent écrit sur la Provence depuis le Maroc (il y poursuivait une brillante carrière d'enseignant), comme quoi ni le temps (tant que la vie est là), ni l'espace, ne sauraient dissiper un ancrage profond, qu'il soit vers un être ou un coin de Planète Bleue... Bosco aime le passé ; pour lui, le souvenir c'est la fidélité, fidélité à l'enfant qu'il fut et à la langue provençale qu'il pratique avec les parents et ses tantes : tout est dit pour qu'il soit un de mes écrivains préférés et, faut-il l'avouer, pour confluer, serait-ce modestement, dans son sillon...
(1) Au revoir, Geneviève de Fleury (71 ans), fille de Fifi et d'Alban, un de nos coiffeurs d'alors.
(2) Encore un hasard de coïncidences, bien que située en Italie, la trame du film est historiquement languedocienne. Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville joue en réalité le rôle de Bernard Délicieux, qui, au début des années 1300 dans le Midi, a défendu les Bonshommes prétendus hérétiques ainsi que les béguins dissidents contre Bernard Gui, évêque de Lodève.
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