mardi 24 juillet 2018

MENUS d'antan / Fleury d'Aude en Languedoc

La nappe empesée est lourde de la vaisselle des grands jours, presque toujours un service et une ménagère reçus pour le mariage. Un chemin de table et des compositions fleuries agrémentent le coton mêlé de lin du tissu métis.

Après le plaisir des plats demeurait celui des mots. Mais il est difficile, longtemps après, de matérialiser l’évocation trop lyrique et envolée alors exprimée. 


SOUS-BOIS par exemple, sont-ce des champignons de Paris à la grecque ?

Et qu’est-ce qui fait le printemps dans les CORNETS DE JAMBON ? Des asperges peut-être…  

De même il faut se replonger dans les livres de recettes ou les dicos parce qu’on ne sait plus que vaguement ce qu’est et comment se présente une galantine de volaille.

Et ce SAUMON « à la rousse » se retrouve-t-il nappé d’un roux ou d’une béchamel ?

Pour la TIMBALE FINANCIÈRE, on pouvait dire « vol-au-vent » ou encore « bouchée à la reine » en souvenir de celle qui voulait reprendre un roi affriolé par les puits d’amour de sa maîtresse en vue, la Pompadour…

Le SALMIS comme le civet se cuit au vin rouge sauf qu’il faut lier la sauce du civet avec le sang du gibier ainsi préparé, une recette de moins en moins à portée si on considère une façon de vivre s’éloignant de plus en plus, tant matériellement que psychologiquement, de ce qui fut un art de vivre. A y être, j’irai voir comment on prépare un saupiquet. Pour la communion de mes cousins, ce salmis accompagne des pigeons. Les gens disaient alors qu’il ne fallait pas en manger souvent, que ce n’était pas bon pour la tension. Mon grand-père racontait qu’une vieille, pour se débarrasser de son vieux, avait sciemment préparé du pigeon tous les dimanches… sans toujours vouloir douter et contester, il me semble néanmoins que c’est surtout le sel ajouté ou caché qui s’avère très nocif à la santé…   

Les CÈPES A LA BORDELAISE ? Une persillade avec de l’ail ? de l’échalote ? Aucun rapport avec la sauce bordelaise encore au vin…

Le vin reste générique à l’époque même si La Clape et le muscat sont locaux, de Fleury même (« d’aqui darrè », de papé Jean, en bouteilles de 50 cl… avec le cousin, nous en volâmes une bouteille mais cela ne se répéta pas le jeudi suivant, jour sans classe alors). La Clairette représente l’Hérault et les Corbières, curieusement avec le rosé, figurent aussi au menu. ? La Blanquette de Limoux n’a visiblement pas encore gagné en notoriété. Le mousseux, est peut-être celui qu’on gagne aux loteries ou aux tirs de la fête foraine, pour la saint Martin… Attention alors au mal de tête…

Au dessert, des pâtisseries variées et la pièce montée échafaudée de choux collés de caramel (ROCHE DE CHOUX). Pour les liqueurs, on peut penser que les préparations maison (grâce au droit à l’alcool, aux feux privilèges des bouilleurs de cru) côtoient les productions du commerce. 

Quelques heures après s’être levé de table, tout le monde se retrouve pour le « Dîner ». Pour une fois, on ne parle pas de souper !
Après le CONSOMMÉ ROYAL (bouillon de bœuf dans lequel on fait fondre une royale coupée en cubes (œufs, lait, farine, sel, poivre), l’honneur reste à la volaille avec les CROQUETTES, la POULE A LA SUPRÊME (jaune d’œufs, crème fraîche, citron), et finalement le POULET FROID. Aujourd’hui cela nous tirerait une grimace mais plus d’un demi-siècle en arrière, le poulet n’a rien de ce qu’on mange à présent : nourri au blé, sa qualité et son prix en font un plat du dimanche. 



Ce dimanche 14 juin 1964, ce menu nous est « offert » par mes cousins pour leur communion solennelle. Était-ce chez papé Jean ou chez l’oncle Noé ou au café Billès qui mettait alors une salle à disposition ? En ces temps là, les familles au sens large avaient à cœur de se réunir à l’occasion de fêtes. On se « rendait » les invitations à l’occasion des baptêmes, communions, mariages et plus loin, mais plus rarement dans la vie, des noces d’or. 

J’entends dans un souffle « Souvenirs, souvenirs… ». Mon pauvre cousin Jacky nous a quittés il y a onze ans passés. Il n’avait pas 55 ans.

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