LA ROUTE DES CABANES MONTE SUR LA POINTE NORD DE LA
CLAPE :
« A-t-on assez médit de
cette côte languedocienne, de cette côte audoise qui semble faire piètre figure
à côté des plages délicieuses qui bordent nos frontières maritimes ! On y
rencontre, paraît-il, des moustiques insatiables, des étangs maussades, un vent
inamical.
Les Audois
sont les premiers à le dire parce qu’ils aiment bien à exagérer un peu et
qu’ils tiennent ainsi à distance l’étranger qui pourrait les envahir. C’est
encore un vieux reste des croisades albigeoises qui persiste !
Mais que de
coins exquis le long de l’ourlet méditerranéen dès l’instant où la Clape mire
ses premiers rochers dans l’eau capricieuse de l’Aude ! Peu de gens de
chez nous connaissent les Cabannes, à l’embouchure de notre fleuve régional. Il
faut passer Salles, Fleury, s’engager sur un chemin sinueux à flanc de
garrigue, hier encore redoutable aux voitures, aujourd’hui accueillant aux
ressorts les plus délicats. Les vaillants petits clos de pierrailles
l’escortent vers la mer : la terre rouge se strie du vert sombre des
yeuses et des amandiers. En bas la plaine, puits à vin où, comme une de ses
vertes couleuvres qui hantent nonchalamment ses bords, entre les roseaux et les
touffes de mauves, glisse le limoneux Atax… /…
Les Cabanes-de-Fleury. |
DEPUIS LA DESCENTE DE LA PAGEZE, LA VUE PUIS LES
CABANES-DE-FLEURY :
« … tandis que l’horizon
marin se déploie jusqu’aux franges écumeuses de Vendres et de Valras, voici le
petit hameau aux toits de « sénils », aux treilles trapues, aux
barques caracolantes. Quinze cabanes tout au plus, une école grande comme un
mouchoir de poche, une tonnelle accueillante pour boire frais.
1967 Les Cabanes lors du tournage du Petit Baigneur. |
Mais la vie terrienne et la vie
marine s’y juxtaposent harmonieusement. Les grands filets sèchent le long des
vignes. En automne on peut du même geste manœuvrer le lourd carré, terreur des
anguilles, ou cueillir la grappe poisseuse dont le miel, sous les dents, se
mêle au sel du sable fin. Pieds nus sur la terre battue, tandis que les cigale
se grisent de leur jazz monotone, vous y dégusterez les plus savoureuses
bouillabaisses du monde et quand, à l’heure de la sieste, vous fermerez à demi
les yeux, le rai lumineux qui glissera entre vos cils, les mélopées lointaines,
les jurons lancés comme des pierres et le clapotis des eaux voisines vous
feront rêver un instant à une côte barbaresque, douce et fruste à la fois, très
loin d’ici, très loin de notre fade civilisation… »
Jean Camp |
[1] EN
LANGUEDOC MEDITERRANEEN / Revue des Agriculteurs en France 8, rue d’Athènes
PARIS / Supplément au numéro de juin 1938.
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