mardi 30 juillet 2019

LE PEUPLE ÉLU DE L'EMBOUCHURE / Fleury d'Aude en Languedoc.

Parmi les grands projets qui ont concerné notre commune et son voisinage, bons ou mauvais, certains ont abouti, d'autres non.

Chronologiquement, en 1963, suite à la perte de la base de Reggane en Algérie, citons le projet de cosmodrome entre Pissevaches, Lespignan et l'étang de Vendres. Finalement il se fera à Kourou, en Guyane. 




L'aménagement touristique du littoral par la mission RACINE (années 60), se traduira seulement chez nous par les campagnes de démoustication, et, de façon moins directe, par le développement imputable à la création des stations nouvelles (Gruissan non loin).

Au début des années 80, la possibilité d'une centrale nucléaire a mis dos à dos tenants et opposants, heureusement avec le résultat que l'on sait concernant cette énergie soit disant propre et indépendante (sauf que l'uranium vient surtout d'Afrique !) et malgré la manne en milliards potentiellement alléchante...

Encore dans ces années 80, des scientifiques menés par monsieur Pignolet ont repris l'idée du cosmodrome européen sur les étangs de Vendres et Pissevaches. Cette "chance" des 200.000 emplois pour Narbonne-Béziers ne se concrétisera pas, au grand soulagement de ceux qui préfèrent une nature d'étangs et d'oiseaux.

http://www.montpellier.fr/uploads/Externe/d0/398_254_FRAC34172_MNV097_041987.pdf

Dans ces mêmes années 80, l'architecte Roland Castro travaillait sur le projet NYSA (« la vallée retrouvée ») pour une station de 20 000 lits à l’embouchure de l’Aude reliée au canal du Midi ! Plus fort que l'arche de Bercy, un bâtiment enjambant le fleuve était prévu, non sans se soucier, paraît-il, de l'intégration à l'environnement ! Vaut-il mieux être sourd que d'entendre ça ? 


Après tant de périls sinon autant d'occasions ratées, le peuple élu de l'embouchure de l'Aude hérita enfin d'une bulle qui devait accueillir Mitterand sous l'eau et J.L. Chrétien, ex adepte de Pignolet, dans l'espace ! Une "chance" pour nos impôts qui grimpèrent d'un coup de 30 % ! Mais plaie d'argent n'est point mortelle... Et s'il faut refuser les pompes à fric et tout ce qui est sale chez les politiques et les flatteurs divers (1), restons heureux et optimistes, en gardant ce qui demeure de la "vallée perdue" !

http://anticor11.org/?p=366 (17 avril 2010).

(1) dont le publicitaire Séguela qui en aurait eu l'idée... vous savez, ce gars-là, celui qui n'existe, plus intelligent que les autres, qu'avec  une montre de grande marque au poignet...

samedi 27 juillet 2019

LE TEMPS NOUS A-T-IL POSÉ UN LAPIN ? (fin) / passé, nature et guerre / Maurice Genevoix. .

Avec Maurice Genevoix,  loin de tout académisme, le talent se fait scalpel pour livrer une réalité à vif, celle d'une guerre "Grande" surtout à cause de l'horreur dont les hommes sont capables, celle d'une nature dans laquelle il faudrait se faire oublier plutôt que de tout vouloir régenter. 
Homme de conviction, Genevoix reste un auteur d'une grande modernité. "Tendre bestiaire", pourtant de 1969, en témoigne. Avant l'ablette et le castor, ne débute-t-il pas par l'abattoir, avec le sang de la vache puis l'abattoir qui le hante, celui des hommes qui meurent au combat ?

Fleury-d'Aude / aux limites du village, l'abattoir de Soldeville, un des deux bouchers du village.

"J'en demande bien pardon. Si ces pages luminaires sont dures, elles étaient nécessaires. Elle éclairent, en lueur contrastée, tout ce livre, tout ce "tendre" bestiaire vivant." M. G. 

Wikimedia Commons. Maurice Genevoix. Portrait. Auteur et autorisation Anne Tassin. Photo Jacques Tassin. 
Page 49 : "... J'ai connu l'âge d'or du lapin. C'est au garenne que je pense, on l'entend bien. 

Page 52 : "... L'air était doux, presque immobile [...] On se croisait, on se saluait, on faisait claquer ses oreilles, on se frottait le bout du nez [...] 
Depuis, il s'est trouvé un "Monsieur" qu'irritaient les "dégâts des lapins". C'était un savant. Il a écrit à un autre savant, expert en microbiologie, spécialiste en ultra-virus. Un tout petit paquet est arrivé par la poste, et les lapins sauvages ont eu la myxomatose. 

Page 53 : C'est une épouvantable maladie, qui fait flamber et enfler la tête de ses victimes, leur tire les yeux hors des orbites [...]
Il m'est arrivé encore, en Sologne, d'avoir devant les yeux, par un beau soir, à la lisière d'une pinède et sur une lande fleurie de bruyères, le spectacle d'une ville de garennes sortie de ses terriers, sous le ciel. Tordus, contraints, perclus de tous leurs membres, de tous leurs reins,les lapins se traînaient, allaient au devant les uns des autres comme pour se prendre mutuellement à témoin, en appeler de leur souffrance, et peut-être implorer, des uns aux autres, un secours qui ne viendrait pas. 
Et soudain, l'un ou l'autre, il y en avait un qui hurlait. un cri perçant, vrillant, prolongé, qui venait du fond des entrailles. Cela, je l'avais entendu, au soir tombant, sur des champs de bataille meurtriers. Qu'un blessé vienne à crier ainsi, un autre crie, et bientôt, tous les autres. Et ces cris, mutuellement, s'exacerbent, tendent vers un paroxysme que l'on peut bien dire infernal, et que l'oreille ne peut plus supporter. 
La nuit tombait sur le bois, sur la lande. Je ne voyais plus les garennes. Mais toute la plaine continuait de crier." 

Oryctolagus cuniculus (European_rabbit) Wikimedia Commons Auteur Bj.schoenmakers.