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samedi 27 juillet 2019

LE TEMPS NOUS A-T-IL POSÉ UN LAPIN ? (fin) / passé, nature et guerre / Maurice Genevoix. .

Avec Maurice Genevoix,  loin de tout académisme, le talent se fait scalpel pour livrer une réalité à vif, celle d'une guerre "Grande" surtout à cause de l'horreur dont les hommes sont capables, celle d'une nature dans laquelle il faudrait se faire oublier plutôt que de tout vouloir régenter. 
Homme de conviction, Genevoix reste un auteur d'une grande modernité. "Tendre bestiaire", pourtant de 1969, en témoigne. Avant l'ablette et le castor, ne débute-t-il pas par l'abattoir, avec le sang de la vache puis l'abattoir qui le hante, celui des hommes qui meurent au combat ?

Fleury-d'Aude / aux limites du village, l'abattoir de Soldeville, un des deux bouchers du village.

"J'en demande bien pardon. Si ces pages luminaires sont dures, elles étaient nécessaires. Elle éclairent, en lueur contrastée, tout ce livre, tout ce "tendre" bestiaire vivant." M. G. 

Wikimedia Commons. Maurice Genevoix. Portrait. Auteur et autorisation Anne Tassin. Photo Jacques Tassin. 
Page 49 : "... J'ai connu l'âge d'or du lapin. C'est au garenne que je pense, on l'entend bien. 

Page 52 : "... L'air était doux, presque immobile [...] On se croisait, on se saluait, on faisait claquer ses oreilles, on se frottait le bout du nez [...] 
Depuis, il s'est trouvé un "Monsieur" qu'irritaient les "dégâts des lapins". C'était un savant. Il a écrit à un autre savant, expert en microbiologie, spécialiste en ultra-virus. Un tout petit paquet est arrivé par la poste, et les lapins sauvages ont eu la myxomatose. 

Page 53 : C'est une épouvantable maladie, qui fait flamber et enfler la tête de ses victimes, leur tire les yeux hors des orbites [...]
Il m'est arrivé encore, en Sologne, d'avoir devant les yeux, par un beau soir, à la lisière d'une pinède et sur une lande fleurie de bruyères, le spectacle d'une ville de garennes sortie de ses terriers, sous le ciel. Tordus, contraints, perclus de tous leurs membres, de tous leurs reins,les lapins se traînaient, allaient au devant les uns des autres comme pour se prendre mutuellement à témoin, en appeler de leur souffrance, et peut-être implorer, des uns aux autres, un secours qui ne viendrait pas. 
Et soudain, l'un ou l'autre, il y en avait un qui hurlait. un cri perçant, vrillant, prolongé, qui venait du fond des entrailles. Cela, je l'avais entendu, au soir tombant, sur des champs de bataille meurtriers. Qu'un blessé vienne à crier ainsi, un autre crie, et bientôt, tous les autres. Et ces cris, mutuellement, s'exacerbent, tendent vers un paroxysme que l'on peut bien dire infernal, et que l'oreille ne peut plus supporter. 
La nuit tombait sur le bois, sur la lande. Je ne voyais plus les garennes. Mais toute la plaine continuait de crier." 

Oryctolagus cuniculus (European_rabbit) Wikimedia Commons Auteur Bj.schoenmakers.