vendredi 24 février 2017

NOTRE MAÎTRE VENT, LE CERS / L’itinéraire en Terre d’Aude / Jean GIROU 1936.


Je ne sais plus qui a évoqué le Cers en tant que plus vieux nom de vent en France. Je sais que nos commentateurs météo et leurs consœurs très charmeuses nous gargarisent trop de ces tramontanes venues de tous les horizons... Nous ne voulons pas les exclure mais seulement rendre une juste place à celui qui reste lié à l’Aude comme le Rhône l’est au Mistral... 

A propos de notre maître vent le Cers, tiré de L’Itinéraire en Terre d’Aude, extraits : 


(page 240) « ...Pour aller à Quéribus, il faut, de Cucugnan, monter vers le Grau de maury ; avant d’arriver au col, un sentier muletier part à gauche dans la pierraille de la garrigue, une demi-heure de marche et l’on arrive aux premières défenses du château. la montée en serait facile, si, d’ordinaire, un vent terrible ne vous fouettait, un cers violent, qui, après avoir parcouru à grandes foulées les terres hautes des Corbières, va se lancer dans la plaine d’Estagel, d’un bond de plus de 500 mètres.
Arrivés aux blocs de pierre de la première enceinte, il faut gravir un couloir d’accès; le vent, en rafale, vous plaque contre la muraille, vous abat vers la terre, avec une telle force et un tel acharnement que marcher devient une lutte; enfin une murette, on respire, un peu de repos et il faut repartir. le Cers vous reprend comme une proie, vous déshabille et vous soulève... /... Mais cette bataille avec le vent est récompensée par les beautés architectoniques de ce château et par son panorama exceptionnel... » 

Page 286, en parlant de la montagne d’Alaric : «... Les habitants de Montlaur, de Camplong et de Ribaute, bannières en main, montaient en chantant à San Miquel. L’ascension en plein Cers, sous le soleil de septembre, devait être déjà un sacrifice;.. » 


Page 301, dans la partie Narbonne : «... D’autres temples s’élevaient en ville, consacrés à Minerve... à Hercule, à Apollon, à Bacchus, à Cybèle, à la Concorde, à Saturne et à Circius le vent impétueux du Cers dont Caton disait : « Il se déchaîne avec violence; quand on parle, il vous remplit la bouche; il renverse un homme armé et une voiture chargée » ; de nos jours, le Cers a gardé la même fureur, certains jours de tempête, il enlève les toits, renverse en gare de La Nouvelle les wagons et, combien de fois n’a-t-il pas lancé contre un platane les automobilistes pris dans son tourbillon... » 


Page 323, pour l’étang de Bages et de Sigean : « ... Nous voici en bateau, l’on part par bon Cers du ponton de la Nautique;.. »

Dans son livre sur l’Aude, Jean Girou, nous le constatons, n’a pas manqué de mentionner le Cers... Plus de 300 mots pour du vent ! Et toujours, sauf une fois, avec la majuscule... Je ne me doutais pas que ma fantaisie n’avait rien d’original... En parlant de majuscule, remarquons les deux de "La Nouvelle" et la seule de "la Nautique". 

Crédit photos : 1. Château de Quéribus ; derrière le Grau de Maury ; au-delà le fossé du Fenouillèdes. Auteur Nidira.
2. Montagne d'Alaric, dernier pli des Corbières vers le nord. auteur Eric Andréoli.
3. Cathédrale St-Just-St-Pasteur Narbonne. Author Dennis Jarvis.
4. Port La Nouvelle. Auteur Joyce 11.  

mercredi 22 février 2017

LE MONT CANIGOU CHANTE SON NOM / Pyrénées, Roussillon...

La montagne sacrée chante son nom au vent d’Espagne mais voudrait garder le secret de son origine.
André Sordes, professeur d’anglais honoraire et piqué de linguistique pense raisonnablement qu’on peut faire remonter l’origine du nom « Canigou » aux Phéniciens, marins téméraires qui, vers 1200 av. J.C. parcouraient la Méditerranée. 

Comme « kan », le terme signifiant « montagne », ne rendait pas la majesté d’un sommet visible depuis la haute mer et les limites du Golfe (195 km), ces aventuriers venus de l'autre bord dirent « Kan kan », « Mont des Monts », dans l’esprit de « Roi des rois » ou « Siècles des siècles » (1).
« Kan kan » évoluera vers « kanikan » et les Grecs entendront « kanigon » avec l’idée de « cône » pour « –gon » (pas étonnant vu leur penchant pour la géométrie). 

 Si certains ont avancé la ressemblance avec un croc de chien pour « kunos » en grec et « canis » en latin, cela ne correspond pas du tout à la forme du Canigou. D’autres ont opté pour « canum jugum » (2), la « cime blanche », enneigée des Romains mais les règles de la phonétique infirment cette hypothèse. 

Ensuite il faut attendre un demi millénaire pour lire « Montis Canigonis » en 949, « Monte Kanigoni » au XIème et « Canigó » en 1300 qui donne, francisé « Canigou » après le Traité des Pyrénées (3) donnant le Roussillon à la France. 

Finalement, cette quête sur plus de 3200 ans entretient le charme mystérieux qui entoure le Mont des Monts et si je pardonne volontiers au plaisantin qui associe notre Canigou à une marque de croquettes, j’en veux davantage aux auteurs et responsables des cartes, dicos et atlas qui avec leur « Pic du Canigou » (4) n’ont rien à faire du respect dû à la montagne sacrée. 

(1) plus communément « l’as des as », la « der des ders », le «fin du fin » voire « bonbon ».
(2) Par ailleurs, « kan » signfierait « blanc » chez les Celtes...
(3) signé le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa.
(4) Qui en décida ? Quand ? Pourquoi ? Au nom de quelle conception spécieuse de la démocratie ?
Sources : 1. histoire-genealogie.com 2.andresordes.e-monsite.com 3. cactus 2000 pour la distance de l’horizon. 4. wikipedia pour infos générales et vérifications. 

Photos depuis l'embouchure de l'Aude aux Cabanes de Fleury : 
1. Aurait dû y être ! 
2. Peut-être là... à 100 kilomètres à vol d'oiseau !