vendredi 14 novembre 2014

Fleury en Languedoc / BOUH ! QUE SIOS LOUNG !

Si je n’ai pas trouvé trace d’un concert pour le Onze novembre, j’ai lu que des pièces de théâtre étaient programmées pour marquer le coup. A coup sûr, cela n’est pas pour rien dans ce dialogue avec un alter ego au moins aussi trufarèl que moi... 

Ne pas confondre Tufarel, la campagne ruinée et le trufarel, le moqueur, le taquin...

 
BOUH ! QUE SIOS LOUNG !

Oh ça va, eh ! si tu as du mal à suivre, moi je me comprends té, ça me fait penser à cette jolie parole notée sur le site d'un nommé Marsyas, un provençal très actif pour, entre autres, la parution de poésies en occitan, parce que tout est sous le signe de cette belle parole inscrite dans les mémoires depuis 1935 :

" ESCRIVI COUMO LOU POPLE PARLO, ES PER ACO QUE ME COUMPRENI."

Et c’est d’autant plus touchant qu’on la doit à Alexandre Macabiès (1881 - 1966), un pays, même si entre son clocher et le nôtre il y a le four à chaux et les oliviers. Courtier en vins qui vécut et mourut à Salles-d’Aude, Macabiès nous reste, en effet, pour avoir aimé et écrit en occitan (1).
Tu m’excuseras de passer par Salles alors que je me proposais de monter dans la garrigue pour lou verd-bouisset... Saves pas ço qu’es ? As qu’à agachar ço qu’ei escrit ièr dijou ! Nous en reparlerons sous peu, d’ailleurs, de nos amis Sallois, parce que, comme j’avais tant besoin de changer d’air pour avoir joué au méchant alors que je me vois plutôt en brave bougre... Eh ! je ne t’ai pas demandé de commenter ! Apréi diras que fau d’aloungui ! Qu’est-ce que je disais déjà ? Ah, que sur mes chemins de traverse j’ai encore croisé quelqu’un, un certain Sabarthès, veses un noum pla d’aici... Eh... Je te dirais plus tard qui c’était, un curé au départ... Bref, y’a de temps qu’i mort lo pauré mais en 1912, il a fait publier un DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE DU DÉPARTEMENT DE L’AUDE comprenant les noms de lieu anciens et modernes... "lieu" sans "X", soit dit entre nous... Tu te doutes que j’ai de suite noté, non, pas que le « X » mais des fois qu’on trouve le livre sur la toile... Et je te le donne en mille, tu ne devineras pas : en tapant les références, donc, je suis tombé sur le site de la Bibliothèque Nationale de France qui met gracieusement à notre portée les sept cents pages en gros de l’ouvrage... Tu vois que nos impôts ne sont pas toujours mal employés ! Et tu comprends que j’ai voulu aller voir ce qui était dit sur Fleury sauf que tout est barréjé et qu’il faut espépisser alphabétiquement de A jusqu’à Z... Et puis il y a des choses intéressantes sur les reliefs, la rivière et tout le département. Il y a même une commune qui s’appelle La Serpent, te rends coumpté ! et une, pour être précis qui m’a donné l’envie, à propos d'envie, tu savais qu'y en avait une, qui s’écrit avec la majuscule, à Limoux, une ancienne métairie aujourd'hui brasserie, enfin, censé, en 1912. Dé qué, tu parles de limonade ? Non, c'était à Alet, la limonade, tu sais dans les bouteilles exprès... exactement : comme celles du limoncello de cet été... oui avec le joint en caoutchouc, oui de la même couleur que celui des bocaux de tomata. Alors, tu me suis, j'ai vu « Labastide-Esparbairenque », puisque tu le demandes pas, d’où l’envie de chercher la commune qui comporte le plus de lettres ! Laquelle est-ce ? Je ne sais pas ! Cerquo bot toi-même ! Et puis il y a les voisins : Salles, Coursan, Vinassan, Armissan, Cuxac, Ouveillan et même Narbonne du moins pour tout ce qui touche la Clape... Pardon ? Et non, que la Clape, pas davantage... Je ne suis pas Narbonnais, ne m’embête pas avec ça parce que... la ville qui voudrait tout s’accaparer, tu sais que ça ne me plaît pas. N’oublie pas, que même pour le rugby, ils nous ont tiré dans les pattes, jaloux qu’ils étaient du Fleury Olympique... On n’en voit pas le bout, tu dis ? Le bout... ça me rappelle Marcel Pesqui, oui le vieux garçon de la rue du pré... le frère, c'est ça, de Pesqui à côté du café Billès... Et bien, pour les vendanges, l'après-midi, quand n'avio un sadoul, je demandais si le bout de la rangée était loin, et Marcel répondait invariablement " Lou bout ? es traoucat mais gardo lou qué lou cal pas jitar !" Tu vois il suffit d'une blague et tu gardes un sourire à jamais... Le bout ! le bout ! Et pardi, ne demande rien alors plutôt que de faire ouvrir toujours des parenthèses que tu ne laisses pas refermer ! Où j’en étais déjà ? Ah, aux trouvailles possibles sur le village et nos voisins aussi, qu’ils seraient capables de dire qu’on se prend encore pour le nombril du monde ! La suite, tu dis ? La suite au prochain numéro... si tu ne me coupais pas tout le temps ! Déjà midi ? Vite qu’il faut que j'aille au pain, que la boulangerie va fermer !

(1) merci aux Chroniques Pérignanaises qui le citent pour son poème « L’Uèlh Doç » De Pérignan à Fleury p. 207.

Photo : ne pas confondre Tufarel la campagne ruinée avec le trufarel, un moqueur, un taquin...

jeudi 13 novembre 2014

Fleury en Languedoc / MITHRIDATISÉ, OUI, MAIS A QUEL NIVEAU ?

    Certains prétendent que les gens de culture, commodément identifiés en tant qu’intellectuels, vivent plutôt sur une autre planète. Dans une vision grise de la chose, puisque le blanc et le noir intéressent surtout par leurs nuances (1), reconnaissons que l’Histoire et la culture, découlant trop souvent des rapports dominant-dominé, peuvent générer des prises de positions extrêmes. Entre les rêveurs et les virulents, se situent ceux qui, entre les deux, en arrivent à plonger les mains dans le cambouis, s’il faut.
    Ainsi, la diatribe contre Gallimard s’est avérée nécessaire à un moment et dans un contexte donnés. Le problème est qu’à l’image du cambouis sur la peau (2), l’agressivité recouvre la sérénité, les capacités à rêver, à se souvenir. Pour ne pas lâcher le fil qui doit me ramener, par la « Routo de Perpinya » de notre bon oncle Noé, par le biais de nos chansons occitanes, à nos racines, à notre identité, il m’a fallu prendre l’air. 

     Automne au pied de la garrigue. Diapo François Dedieu 1967. 
    
Après les chrysanthèmes, la fête du village et l‘hommage à nos poilus, l’instinct reste de saluer un automne d’avant, un vrai, avec un temps de Toussaint, avec la parenthèse souriante de l’estivet de la Sant Marti. Comme quand j’étais gosse, je me projette aussi vers la féerie promise de Noël, manière de faire l’impasse sur les heures sombres et les hautes fenêtres grillagées du collège. A partir du figuier d’Antoine et du poulailler de Georges, la garrigue appelle. Je veux aller voir, au fond de la combe magique, si le verbouisset rougit déjà ses boulettes de fête.
    Vous le connaissez le verbouisset (3) même si comme moi vous n’aviez pas idée de son nom occitan, même si, comme moi, vous pensiez que cette plante décorative, apparentée à l’asperge, porte des feuilles d’un vert sombre et verni alors que ce ne sont que des rameaux aplatis, des cladodes tordus à la base, terminés par un piquant et sur lesquels s’attache une petite fleur, à peine moins discrète que les feuilles insignifiantes, mais qui donnera la jolie baie rouge vif (4) qui plaît tant, en guise de houx, dans le Sud. 

                                               Petit-houx.
    
Etonnant, non ?
    Loin de vouloir contrarier feu Monsieur Cyclopède (Pierre Desproges) dans sa minute nécessaire, rien ne doit, malgré tout, nous surprendre... A propos, la chanson de l’oncle Noé connue aussi sous le titre " Lou Païs de Perpignan " ou " de Leridà " ou encore " païs dis amourous " sinon " Lou chibalier fidèl " aurait son origine dans une vieille chanson ardéchoise " Al camin del perboisset "  (Les Vans).
    Stupéfiant, non ?
    Finalement,  c’est si bon de pouvoir encore s’émerveiller en accédant à un monde où les vilenies liées au fric n'ont pas cours... 

(1) une pensée pour le « Carré noir sur fond blanc », tableau de Kasimir Malevitch.
(2) une pensée pour Sébastien Comparetti que j’imagine bien utilisant une mixture alliant de la sciure, du savon noir, de l’huile de lin...
(3) Frédéric Mistral, Tresor dòu Felibrige page 21103 : houx-frelon, le petit-houx « Dòu verd-bouisset lou poumet rouge « A. MATHIEU. Mistral ne mentionne pas « fragon ».
(4) Guide du Naturaliste dans le Midi de la France ,H. Harrant, D. Jarry, Delachaux & Niestlé 1982. Les Romains aimaient ses pousses tendres.