vendredi 3 octobre 2025

Aimons nous vivants...

J'en ai gros sur la patate, la deuxième quinzaine de septembre fut assez à la méditation, aux pensées moroses, ce qui, début octobre, ne s'arrange pas. Déjà de passer de l'été à l'automne... une lumière tiède, un peu dense encore, autre que celle, encore fraîche, légère, faisant passer, elle, de l'hiver au printemps ; celui-ci, de changement de saison, touchait beaucoup Hugo. 

« [...] Le vent fraîchit sur la colline 
[...] petit à petit l'été fond... »
                                        Voici que la saison décline. Victor Hugo. 

Victor_Hugo (1802-1885), photo de 1876  par Étienne_Carjat (1828-1906).
 
Le temps qui passe, inexorable, qui fait passer de la vie à la mort, qui fait défiler une litanie de prénoms en écho d'un autre monde, Christine, Gérard, Roland, Jean-François, Jérôme, Jean, Jean-Michel, René, Michel, Pascal, Joseph, Geneviève, Jean-Marie et Louis à présent, pour ceux qui, sans trop chercher, au nom de tous les autres, reviennent brusquer le quotidien, nous demander « Vous souvenez-vous de nous ? »... 

Georges Brassens (1921-1981) StudioHarcourt-1957 Domaine Public

Et Georges, 60 ans seulement, qui avait repris  « Pensées des Morts » de Lamartine : 

Avec « les feuilles sans sève », « le vent qui se lève », « l'errante hirondelle » sur « l'eau dormante des marais », 
« Voilà l'enfant des chaumières 
                    Qui glane sur les bruyères 
                        Le bois tombé des forêts... »

photo autour de 1865 d'Alphonse de Lamartine (1790-1869) Domaine Public Bibliothèque nationale de France

Parmi les proches de Lamartine, bien des disparitions peuvent motiver la nostalgie de l'auteur : son frère Félix de 3 ans, Julie Charles son amour “ du lac ” morte à 33 ans de tuberculose, un fils de moins de 20 mois, sa fille Julia, 11 ans, ses sœurs Césarine (25 ans), Marie-Sophie...  

Sortir d'une apnée dangereuse, contrôler ses pleurs aux coins des yeux, se contrôler en « ramasseur de larmes », tiens une autre chanson, Sardou en 1997... Il faut refaire surface, se gifler pour mettre en avant le positif. 
S'accrocher à la bouée pour un bol d'oxygène salvateur. Je le dois, une fois de plus, malgré Lamartine « [...] C'est l'ombre pâle d'un père qui mourut en nous nommant... » à papa qui par un bel hasard sait m'emporter sur un « bateau vanille » de Madagascar, la  goélette « Sabrina », manière de me redonner le moral puisque ses mots me le gardent vivant à jamais. 

Allons ! continuons le chemin ! Et cela sans changer le nom des vacances de Toussaint et de Noël, ce que voudraient des laïcistes intégristes, voudraient-ils effacer ceux que nos cœurs ont aimé...   

PS : 17h 20 à la radio... « Aimons-nous vivants » 1989, François Valéry.   

Fleury, le 2 avril 1998.

« Fleury-d'Aude, le 2 avril 1998. 

Bien chers Jean-François et Stani, 

Toujours rien de votre part au courrier, signe que tout doit aller bien en ce qui vous concerne tous deux. Nous vous envoyons bien des choses de Fleury où tout suit son cours normal. 

Carnet rose, un faire-part original : « Le voyage a été un peu long. Quand je suis arrivée, le 22 mars 1998, il y avait du bruit et de la lumière, mais quand on m'a mise dans les bras de maman, il n'y a plus eu aucun problème. Amandine. »

Pour les départs de ce bas-monde, l'autre jour, trois enterrements : la grand-mère de madame Julien, mère de Mme Figeac qui habite sur la terrasse, Denise Bolumar, qui avait quatre-vingt-dix-sept ans (c'est madame Chamayrac (96) qui prend le relais, et un inconnu de Saint-Pierre. Par la même occasion, j'ai appris la fin de Salvador Perucho à Fabrezan (mari de Cécile Huillet) et celle de sa sœur Louise, mère de Louis Sala le médecin : ils sont à Muret. 

[...] Après-demain aura lieu le « Repas de l'âge d'Or » dans le local municipal, Bd Général De Gaulle. Les mauvaises langues disent que s'il arrive malheur à quelqu'un, le cimetière est juste en face ! 

Commune de Fleury-d'Aude / IGN, merci Géoportail. 

Aujourd'hui, le temps est gris et n'invite pas aux sorties en campagne. Les forsythias ont toujours leurs belles fleurs jaunes, et ce sont à présent les arbres de Judée qui commencent à nous offrir leur belle couleur grenat, tandis que le marronnier du jardin public se pare de belles feuilles, de même que nos divers figuiers. 

Fleury-d'Aude, éclairage “ vieux village ”. 

À Fleury, les fils électriques aériens connaissent leurs derniers instants, et les hirondelles devront se contenter des antennes de télévision ou des rebords de toits. Les employés de l'E.D.F. continuent peu à peu leur travail. Notre rue a vu disparaître les fils (électricité et téléphone, les néons sont hors service en attendant leur dépose, et en compensation, deux jolis réverbères à lumière jaune, installés sur le mur d'en face, dispensent un éclairage plus puissant dès la nuit venue. Plus tard les poteaux de ciment seront enlevés. 

Le tri des déchets est également à l'honneur. De nombreux “ points bleus ” ont éclos sur le territoire du village, et chacun comporte trois conteneurs spéciaux : pour le plastique, le papier (enfin !) et pour le verre, le tout chapeauté par le SIVOM syndicat intercommunal. 

Vendredi 3 avril 1998. Vendredi dernier, 27 mars, c'était le Carnaval des Ecoles, Place du Ramonétage. Pierre-françois était déguisé en madame Sarfati, créature d'Elie Kakou, avec ses lunettes sans verres, son balai “ fatigué ”trouvé dans la remise et sa poitrine formée de deux moitiés de noix de coco de Mayotte, un chapeau de paille et de petites tresses noires. Il y avait une animation de quatre musiciens et une chanteuse ; l'incinération de Carnaval s'est produite au son du traditionnel « Adiu pauré Carnabal ». les confettis furent nombreux, l'assistance également. Ensuite toute la troupe a remonté la Rampe de la Terrasse pour aller goûter à l'école. 

Samedi, comme tu le sais, nous sommes passés dans la nuit à l'heure d'été. 

Voilà en gros nos petites nouvelles de la quinzaine écoulée. Stani aura sa fête le onze avril ; nous lui enverrons une carte “ se deux quiser ! ”

Nous vous embrassons bien fort tous les deux, 

Papa papy et maman mamie.