lundi 10 mars 2025

Le CARNAVAL (6) années 60 à Fleury (fin)

 Chacun à son tour, alors, enlève le masque un instant, et, objet de toute l'attention, dit son nom. Souvent c'est la fille, de la génération des mères qui complète, situe l'enfant dans sa famille : la mamé, plus à même de comprendre se laisse aller à tapoter gentiment une joue, laissant alors entendre sa satisfaction avec un « Ah c'est bien ! » ou une réaction du même ordre. Me concernant, en rapport avec le positif de la cohésion sociale du village, se prononce invariablement « C'est le fils de François ». Je me souviens précisément de cette scène avec Marinette, chez sa mère qui habitait une petite rue derrière la pharmacie et le cinéma. 

Masque à Fleury 1969 diapositive © François Dedieu... simplement à mentionner en cas d'emprunt. 

«... Les enfants rient sous cape de ces aïeules d'autant plus curieuses qu'elles sont âgées. Ils ne savent pas. Comment se douteraient-ils qu'à l'automne de leur vie, les mamés ne se lassent pas des joues fraîches, des fossettes, des sourires neufs des petites, des petits ? Elles tiennent surtout à meubler leurs mémoires du visage de la vie qui continue et saura les perpétuer, une espérance secrète, pudique, indicible... ». 
Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, 2008, JFDedieu. 

« Les grands-mères, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais mais c'est fragile. »
Marcel Pagnol, Naïs, 1945. 

Non les enfants ne sont pas en âge de comprendre cette sollicitude exclusive qui anticipe qu'ils vont grandir trop vite, quitter le nid, s'émanciper d'une promiscuité d'amour devenant tutelle. Encore enfants, pour carnaval, ils comptent leurs sous. Chez Antoinette, pour un goûter de fête changeant de la tartine de margarine saupoudrée de sucre, ils vont acheter des petits beurres, des barres de chocolats pralinés Malakoff dans des papiers cuivrés, des nougats et pâtes de fruits Dumas de Pézenas, des bananes moins communes que de nos jours. 

Maskenball Bal masqué en Allemagne, agglo de Mayence, février  2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Germany license Author Gonseheimer Carneval-Verein 1892 e V
Faute de photo disponible pour la salle des fêtes de Fleury, celle-ci, avec une orientation de la salle similaire et une taille comparable donne au moins une idée du lieu où tous nos bals se déroulaient.  

« ...La jeunesse, elle, attend avec impatience le bal de carnaval. Elle n'a pas dansé depuis la Saint-Martin sauf pour ceux qui sont partis à pied à la fête de Salles-d'Aude, le premier dimanche de janvier. La voiture donnera, certes, la liberté de vadrouiller, le samedi venu, dans les villages alentours, mais chère et précieuse, elle reste, entre 1960 et 1965, du domaine du rêve pour une grande majorité de jeunes dont quelques uns seulement apprécient d'avoir troqué la bicyclette pour la mobylette. 
les masques, les vrais et les faux couples, les célibataires, les jeunes ménages, les festéjaïres se retrouvent à la salle des fêtes pour une soirée exceptionnelle, où les déguisements les plus réussis recevront un prix sur la scène. ce bal de carnaval, organisé par la mairie, correspond plutôt à la date de Mi-Carême... » 
Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, 2008, JFDedieu. 

dimanche 9 mars 2025

CARNAVAL (5) années 50 et 60 à Fleury

Alors, à Fleury, village du bout de l'Aude, d'un bout du monde, le carnaval ? Vague souvenir, peut-être seulement apporté par les dires d'un aîné, de Carnaval sur le charreton des jeux du 14 juillet, jugé depuis l'estrade et voué au bûcher déjà en place sur la place du marché. Sinon, la cavalcade, plus éloignée dans sa portée bien que s'agissant de fêter l'installation de la belle saison (suite à la fin de la guerre, carnaval et cavalcade se sont confondus, le précédent article en témoigne). Plus communément, toute la mise en scène du cortège puis du jugement n'était-elle qu'une survivance ponctuelle puisque cette fête restait avant tout l'affaire de chacun et plus particulièrement des enfants impatients d'être quelqu'un d'autre derrière un masque et un déguisement. 

Deux cas de figure se présentent, soit c'est une cavalcade programmée de longue date, soit et c'est l'expression à laquelle nous nous sommes attachés, il s'agit simplement de petits groupes masqués visitant les habitants. 

Masques 1961


Les parents ont donné de quoi acheter un masque chez Odette ou madame Zan, les buralistes, sans quoi, entre cousins, on échange si ceux des années passées ont été gardés. De même pour le déguisement, de vieux habits jusqu'aux fripes et oripeaux feront l'affaire. À l'exception du rouge à lèvres et du noir de fumée, rien d'autre pour le maquillage. Armés d'uno padeno, d'une poêle (en fer de l'époque rappelant, qui sait, un temps où des nourritures roboratives étaient prisées ?), de petits groupes arpentent le village. À croiser les autres bandes, ils restent froids, silencieux : c'est que la concurrence est rude quand il s'agit d'éprouver la largesse limitée des concitoyens. Heurtoirs, cloches, en toquant, il faut sonner chez les gens, saluer, présenter la poêle en disant « Vingt sous dins la padeno ! », vingt sous dans la poêle (mon père relevait « Un sou a la padeno »... avant l'inflation sûrement... ). Cinq, dix, parfois vingt centimes (à titre de comparaison, vers 1960, la place de cinéma coûtait 70 centimes). Certaines, parce que ce sont souvent les femmes qui ouvrent, la plupart du temps la mère et la fille ; la mamé, tenant la pièce du bout des doigts, demande « Qui es-tu toi ? ». 
 
masques 1961

Masques 1961

Mes fils à Fleury 1980