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lundi 6 octobre 2025

1968 Samedi soir sur la Terre.

De vieilles lettres, de papa surtout et là dans les miens de vieux papiers, deux brochures « Labastide-Rouairoux » récoltées certainement lors d'un passage, sûrement en 86 puisqu'une des publications présente les « Grandes Fêtes de la ST Jean 1886 - 1986 Centenaire 20, 21, 22 juin ». 1986 je suis passé, j'ai vu, j'ai pris sans arrière-pensée, dans l'occultation la plus complète. Il en va ainsi avec deux enfants adolescents, une épouse, un nid à garnir pour la famille tant que tout semble aller. Peut-être voulions-nous seulement acheter ; des habits ? du cuir ? Toute cette vallée du Thoré était réputée pour ces productions. 


2025, ne voulant pas les oublier plus longtemps dans une pile, ces deux brochures je les mets de côté; 2025, parce que ma vie s'est poursuivie sur d'autres chemins, parce que l'âge aussi libère de l'astreinte conjugale, du moins c'est comme ça que je me l'explique, ces deux brochures accrochent ma mémoire... 

Saint-Pierre-la-Mer. L'été. La nuit. 1968, qui sait ? Le bal quasi quotidien. Les filles autour à inviter ou regarder de loin, quand on refuse l'obstacle suite à un non. Cette fois un oui. Un slow. C'était une brunette, cheveux mi-longs, pas petite mais latine de type, yeux marron. Un slow pour faire connaissance... et moi, les filles et la géographie ça va de pair. Pour les amis, la curiosité, mon vécu, il en va de même. De Labastide-Rouairoux elle était. Son prénom ? Mais où ai-je bien pu fourrer les trois carnets intimes retrouvés tant d'années après, confisqués dans le non-dit, d'autant plus séquestrés qu'ils étaient par mon père qu'en tant que jeune adulte, l'âge met de côté pour un temps ce qui précède d'une élucubration fluctuante mais constructive de la personnalité. 

Ouf ! Des livres avant tout mais également les cahiers de classe, des photos, des cartes postales, des écrits, faisaient l'objet de sa part, disons-le, d'une véritable kleptomanie... Que ne pardonnerait-on pas, imparfaits que nous sommes, aux cœurs qui nous aimaient... Imperfection ? pire me concernant, plein de gros travers à me chercher, de fautes, d'une inconduite qui auraient pu mal tourner... que ce soit dit et assumé après en avoir longtemps rejeté la responsabilité sur mes parents... Elle me dit qu'elle est de Labastide-Rouairoux, qu'elle a fini sa troisième au collège, qu'ils viennent tous les ans pour un mois à Saint-Pierre, qu'elle ne danse pas le twist. Et puis ? Hormis le cacolac offert sur la terrasse de l'Hôtel des Pins, j'ai oublié. Un soir ou plus ? Nous avons flirté, bécoté, rien de plus. nous avons un même accent, cela me fait toujours drôle, pays de vignes, de garrigue, de rugby, assez catholique, de partager avec des coins d'ardoises sur les pignons ouest, de forêts, de prairies, de football, de vaches sinon de volailles, d'usines, assez protestant... 

 

D'elle ne me restait que la géographie, cette vallée du Thoré si active jusqu'à Mazamet de son activité du textile notamment, développé au XIXème. 3200 habitants vers 1968, 2400 environ en 1986 et plus que 1400 en 2022. Et malgré cela l'économie semble se maintenir.  

Et cette brunette d'un soir ou deux me fait virer sur une interprétation moins engagée des paroles de Cabrel dans « Samedi soir sur la Terre ». 

Je me suis pointé, elle m'a vu certes, elle a juste dit « oui », ses yeux n'ont pas fait le reste, elle ne s'est pas arrangée pour mettre du feu dans chacun de ses gestes, je veux bien que ce ne soit seulement qu'une histoire classique, elle n'a rien fait de ses cheveux, la musique ne l'a pas collée contre moi ; nulle préméditation, sans phrases toutes prêtes, peut-être que ce n'était que pour impressionner les copains ; c'est à peine si nos regards se sont croisés lors de l'échange, même si c'était mieux pour prendre un verre ; une histoire d'enfant, une histoire ordinaire, froide d'un désir réciproque, à se parler sans se frôler, sans sortir du bal, sans siège arrière d'une voiture. Pas la peine d'en dire davantage, cette histoire est déjà finie, et ce serait la même si c'était à refaire, elle presque quinze ans moi à moitié vers mes dix-huit... Tout simplement un samedi soir sur la Terre. 

Il me faudra pourtant éplucher la grosse boîte de biscuits Lu où dorment des lettres blanches ou roses... 


 

lundi 10 mars 2025

Le CARNAVAL (6) années 60 à Fleury (fin)

 Chacun à son tour, alors, enlève le masque un instant, et, objet de toute l'attention, dit son nom. Souvent c'est la fille, de la génération des mères qui complète, situe l'enfant dans sa famille : la mamé, plus à même de comprendre se laisse aller à tapoter gentiment une joue, laissant alors entendre sa satisfaction avec un « Ah c'est bien ! » ou une réaction du même ordre. Me concernant, en rapport avec le positif de la cohésion sociale du village, se prononce invariablement « C'est le fils de François ». Je me souviens précisément de cette scène avec Marinette, chez sa mère qui habitait une petite rue derrière la pharmacie et le cinéma. 

Masque à Fleury 1969 diapositive © François Dedieu... simplement à mentionner en cas d'emprunt. 

«... Les enfants rient sous cape de ces aïeules d'autant plus curieuses qu'elles sont âgées. Ils ne savent pas. Comment se douteraient-ils qu'à l'automne de leur vie, les mamés ne se lassent pas des joues fraîches, des fossettes, des sourires neufs des petites, des petits ? Elles tiennent surtout à meubler leurs mémoires du visage de la vie qui continue et saura les perpétuer, une espérance secrète, pudique, indicible... ». 
Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, 2008, JFDedieu. 

« Les grands-mères, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais mais c'est fragile. »
Marcel Pagnol, Naïs, 1945. 

Non les enfants ne sont pas en âge de comprendre cette sollicitude exclusive qui anticipe qu'ils vont grandir trop vite, quitter le nid, s'émanciper d'une promiscuité d'amour devenant tutelle. Encore enfants, pour carnaval, ils comptent leurs sous. Chez Antoinette, pour un goûter de fête changeant de la tartine de margarine saupoudrée de sucre, ils vont acheter des petits beurres, des barres de chocolats pralinés Malakoff dans des papiers cuivrés, des nougats et pâtes de fruits Dumas de Pézenas, des bananes moins communes que de nos jours. 

Maskenball Bal masqué en Allemagne, agglo de Mayence, février  2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Germany license Author Gonseheimer Carneval-Verein 1892 e V
Faute de photo disponible pour la salle des fêtes de Fleury, celle-ci, avec une orientation de la salle similaire et une taille comparable donne au moins une idée du lieu où tous nos bals se déroulaient.  

« ...La jeunesse, elle, attend avec impatience le bal de carnaval. Elle n'a pas dansé depuis la Saint-Martin sauf pour ceux qui sont partis à pied à la fête de Salles-d'Aude, le premier dimanche de janvier. La voiture donnera, certes, la liberté de vadrouiller, le samedi venu, dans les villages alentours, mais chère et précieuse, elle reste, entre 1960 et 1965, du domaine du rêve pour une grande majorité de jeunes dont quelques uns seulement apprécient d'avoir troqué la bicyclette pour la mobylette. 
les masques, les vrais et les faux couples, les célibataires, les jeunes ménages, les festéjaïres se retrouvent à la salle des fêtes pour une soirée exceptionnelle, où les déguisements les plus réussis recevront un prix sur la scène. ce bal de carnaval, organisé par la mairie, correspond plutôt à la date de Mi-Carême... » 
Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, 2008, JFDedieu. 

mardi 20 novembre 2018

LA SAINT-MARTIN, FÊTE DU VILLAGE / Fleury d'Aude en Languedoc

10 novembre au soir. Si le 11 tombe un dimanche, l'affluence s'en ressent puisque le 12 c'est fini avec la semaine qui nous impose son lundi. 
Alors le 10 c'est l'euphorie : le meilleur des orchestres a été retenu pour marquer le millésime. L'avenue pas plus François que Mitterand puisque c'est l'avenue de Salles, voit un public nombreux se croiser. De la salle des fêtes on revient vers la mairie avec, au pied de l'église, le confiseur, le manège, le tir, la loterie des poupées, celle des canards vivants. Vers 10-11 heures (22-23h), quand il n'y a plus de petits pour attraper le pompon, que les coups de carabine s'espacent et que les micros gouailleurs cessent de crachoter, avec les lumières qui s'éteignent, c'est au ramonétage que la fête continue avec les auto-tamponneuses qui occupent toute la place. Vers minuit, le ramonétage s'endort. Les va-et-vient vont désormais entre le bal et les deux cafés, plus nombreux au moment de la danse d'invitation même si quelques couples se perdent dans la  nuit protectrice des rues adjacentes. A côté de la salle de bal, la baraque de la roulette, enfumée : les patrons laissent à disposition des paquets de Disque bleu et de Gitane maïs. Des acharnés de la martingale tentent leur chance "Rien ne va plus !" mais une limite annoncée ne permettrait pas, au cas où un professionnel se pointerait, de faire sauter la banque.       

2018. 10 novembre au soir, après le match de rugby. Dans les rues autour de la fête, pas de voitures qui s'attouchent ou à l'affût d'une place qui se libère. Au ramo, en sourdine la musique des autos tamponneuses, la dernière attraction encore ouverte. 
Mais à la salle des fêtes, un 10 novembre au soir, il doit y avoir un orchestre. Pas la peine de consulter un programme ! Méchanto limonado, l'avenue de Salles est vide de véhicules garés. Approchons quand même. L'espace est inondé de lumière anti-moustiques mais rien ne papillonne sinon ce fantôme marchant vers des ombres qui au fond apprécient les cuivres et les belles gambettes qui gambillent un paso sur la piste. Personne ! Le vide du halo de lumière jaune dans la nuit... 
Suis-je bête ! Dans ce Fleury de 2018, ce doit être au hangar municipal, plus spacieux ! Passons par l'Horte. En approchant on devrait entendre les flonflons ! Mais rien sinon le silence de la nuit, la quiétude pour le voisinage et le cimetière en face. Le fantôme n'a plus qu'à repartir vers son repaire. Il passe devant le café Mestre enfumé et bruyant ; deux couples à l'écart, sur les banquettes, pour un semblant d'intimité, sous l’œil goguenard des francs-tireurs qui sinon trinquent et chahutent à la santé des copains retrouvés. Au café Billès, à l'abri des brumes portées par le marinas, on attend aussi l'affluence après la danse d'invitation; Les habitués ont laissé le tapis, les jetons et les cartes sur la table à côté du poêle. Dans la salle de billard, des solitaires, des grands Meaulnes attardés, se complaisent à suivre la trajectoire feutrée de la blanche vers la carambole. La fumée des Bastos se perd dans le clair-obscur marqué par la suspension...

 Mais non, des ombres seulement, un revenant hanté par les mânes du passé dans un village deux fois plus peuplé mais combien de fois plus vide ! Un Fleury combien de fois plus éclairé mais sans une loupiote passée une certaine heure et jusqu'au petit matin... En ce troisième millénaire, un séjour de morts-vivants... C'est peut-être le fait à noter quand quelques jours avant, dans l'indécence de la Toussaint dévoyée, une fête de citrouilles vides affichait le grotesque de sa mascarade anachronique !