10 novembre au soir. Si le 11 tombe un dimanche, l'affluence s'en ressent puisque le 12 c'est fini avec la semaine qui nous impose son lundi.
Alors le 10 c'est l'euphorie : le meilleur des orchestres a été retenu pour marquer le millésime. L'avenue pas plus François que Mitterand puisque c'est l'avenue de Salles, voit un public nombreux se croiser. De la salle des fêtes on revient vers la mairie avec, au pied de l'église, le confiseur, le manège, le tir, la loterie des poupées, celle des canards vivants. Vers 10-11 heures (22-23h), quand il n'y a plus de petits pour attraper le pompon, que les coups de carabine s'espacent et que les micros gouailleurs cessent de crachoter, avec les lumières qui s'éteignent, c'est au ramonétage que la fête continue avec les auto-tamponneuses qui occupent toute la place. Vers minuit, le ramonétage s'endort. Les va-et-vient vont désormais entre le bal et les deux cafés, plus nombreux au moment de la danse d'invitation même si quelques couples se perdent dans la nuit protectrice des rues adjacentes. A côté de la salle de bal, la baraque de la roulette, enfumée : les patrons laissent à disposition des paquets de Disque bleu et de Gitane maïs. Des acharnés de la martingale tentent leur chance "Rien ne va plus !" mais une limite annoncée ne permettrait pas, au cas où un professionnel se pointerait, de faire sauter la banque.
2018. 10 novembre au soir, après le match de rugby. Dans les rues autour de la fête, pas de voitures qui s'attouchent ou à l'affût d'une place qui se libère. Au ramo, en sourdine la musique des autos tamponneuses, la dernière attraction encore ouverte.
Mais à la salle des fêtes, un 10 novembre au soir, il doit y avoir un orchestre. Pas la peine de consulter un programme ! Méchanto limonado, l'avenue de Salles est vide de véhicules garés. Approchons quand même. L'espace est inondé de lumière anti-moustiques mais rien ne papillonne sinon ce fantôme marchant vers des ombres qui au fond apprécient les cuivres et les belles gambettes qui gambillent un paso sur la piste. Personne ! Le vide du halo de lumière jaune dans la nuit...
Suis-je bête ! Dans ce Fleury de 2018, ce doit être au hangar municipal, plus spacieux ! Passons par l'Horte. En approchant on devrait entendre les flonflons ! Mais rien sinon le silence de la nuit, la quiétude pour le voisinage et le cimetière en face. Le fantôme n'a plus qu'à repartir vers son repaire. Il passe devant le café Mestre enfumé et bruyant ; deux couples à l'écart, sur les banquettes, pour un semblant d'intimité, sous l’œil goguenard des francs-tireurs qui sinon trinquent et chahutent à la santé des copains retrouvés. Au café Billès, à l'abri des brumes portées par le marinas, on attend aussi l'affluence après la danse d'invitation; Les habitués ont laissé le tapis, les jetons et les cartes sur la table à côté du poêle. Dans la salle de billard, des solitaires, des grands Meaulnes attardés, se complaisent à suivre la trajectoire feutrée de la blanche vers la carambole. La fumée des Bastos se perd dans le clair-obscur marqué par la suspension...
Mais non, des ombres seulement, un revenant hanté par les mânes du passé dans un village deux fois plus peuplé mais combien de fois plus vide ! Un Fleury combien de fois plus éclairé mais sans une loupiote passée une certaine heure et jusqu'au petit matin... En ce troisième millénaire, un séjour de morts-vivants... C'est peut-être le fait à noter quand quelques jours avant, dans l'indécence de la Toussaint dévoyée, une fête de citrouilles vides affichait le grotesque de sa mascarade anachronique !