vendredi 13 décembre 2024

PROVENCE du RHÔNE (20) Nostradamus, Marie Mauron, Charloun Rieu.

François qui s'enquiert si souvent de ce que dit « Lou Tresor dou Felibrige », le dictionnaire monumental de Frédéric Mistral, lui-même phare de notre vieille langue, à l'image des tours pour les marins, à distance les unes des autres sur la courbe du Golfe mais plus nombreuses qu'on ne croit à suivre la côte plus en détail, digère mal sa frustration si sa page dédiée au maître de Maillane reste étique. À chacun, finalement, d'approfondir ou non... François, se fourvoierait-il dans sa façon de revisiter cette Provence du Rhône, a fait sien le proverbe gitan « Ce n'est pas le but du voyage qui compte, c'est la route », une route qui conduit non loin, à Saint-Rémy-de-Provence. 

Saint_Remy_Les_Antiques 2006  under the Creative Commons Attribution 3.0 Unported license. Author Marc Ryckaert


Un mot sur le site riche des ruines romaines des Antiques et des vestiges archéologiques de la cité de Glanum, il y a tant à voir et à dire en suivant le Rhône. C'est toujours le cas avec, en prime, des vies remarquables. 

Nostradamus portrait Domaine public Source Croatian Wikipédia



La vie de Michel de Nostredame dit Nostradamus (1503-1566) demeure impactée par les pandémies de peste (1520 et vers 1535, il perd sa première femme et ses deux enfants certainement en raison de ce mal). En 1544, il étudie la peste à Marseille puis est appelé à Aix pour aider contre la contagion. Vers 1547, en prévention de la maladie, il met au point un médicament à base de plantes, non sans résultat ; on l'appelle là où le mal sévit. 
À partir de 1550, il publie ses premiers almanachs (calendriers, conseils de santé, de beauté, recettes de fruits confits, prévisions météorologiques, prédictions astrologiques). 
1555, publication de son « Traité des fardements et confitures » mais ce sont les « Prophéties » qui assurent sa célébrité. 
Alors ces prophéties ? Entre les termes souvent ambigus sinon énigmatiques de l'auteur, les coquilles des imprimeurs, les interprétations divergentes, l'inspiration de faits passés, les emprunts à des auteurs antérieurs, la voyance de Nostradamus prête à bien des interrogations. 

Marie_Mauron_lisant_en_son_verger_1970 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Zoé Binswanger Zürich

Plus proche de nous, plus les pieds sur terre tant l'amour de son pays demeure exclusif, Marie Mauron (1896-1986), née Roumanille, institutrice, bien que démissionnaire en 1941, d'un temps où on pouvait rester auprès des siens. Surnommée la « Colette provençale », à ses dires, elle n'aurait jamais pu vivre à Paris. Tous ses livres sont bilingues, français-provençal. Née et décédée à Saint-Rémy comme tous ses ascendants depuis que les registres existent (autour de 1600), du roman à la monographie en passant par la poésie, les contes et légendes, les biographies, les monographies, elle chante surtout sa Provence dans plus d'une centaine de ses œuvres, depuis le Rhône jusque dans les alpages de la transhumance. Majorale du Félibrige en 1969, ses derniers livres font montre d'un engagement souvent jusqu'à la révolte contre la synergie dangereuse des puissances d'argent, des investisseurs à tous crins, impliquant même l'État. 

« Mais quel péché véniel, dans le Midi, d’exagérer un peu pour l’amour du pays ! » Marie Mauron. 
 

Pour dire combien cette basse vallée du fleuve est féconde, un de ses livres de 1949 honore un compatriote, du Paradou, non loin de Fontvieille et à onze kilomètres à peine de chez elle par les Alpilles (392 m.), « Charloun Rieu » (1846-1924) , agriculteur toute sa vie dans les oliviers, poète conteur attendu pour ses chansons dans les villages qu'il parcourait à pied.  

Vincent_van_Gogh_-_Landscape_from_Saint-Rémy_-_Google_Art_Project 1889 Domaine public Collection Ny Carlsberg Glypotek


samedi 7 décembre 2024

PROVENCE DU RHÔNE (19) Frédéric Mistral.

Mas_du_Juge_à_Maillane 2011 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license Auteur Renaud Camus. Dans la cour, est-ce la table en pierre sur laquelle le neveu de Mistral se serait tué (1862) ? 


Maillane, village typique du Midi, peut se visiter sur les traces de Frédéric Mistral : le Mas du Juge pour son enfance et sa jeunesse, la Maison du Lézard, jusqu'à son mariage, le mas revenant à son aîné suite au décès du père, sa villa qu'il construisit devant. À 46 ans il y emmena Marie-Louise-Aimée, fraîchement épousée.  

Museon_Frederi_Mistral_dans la villa de Mistral à_Maillane 2011 under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Auteur Renaur Camus.

Miréio, son long poème d'amour contrariée, paraît en 1859, Prix Nobel de Littérature en 1904, traduit en une quinzaine de langues dont le français par Mistral lui-même, offrit au Provençal une reconnaissance universelle. L'essentiel de ses efforts allait toujours dans ce sens avec la création du Félibrige à fins de faire renaître le Provençal (voir si nécessaire les articles précédents).  


Mistral a surtout travaillé près d'une dizaine d'années à son « Tresor dou Felibrige » (1878-1886), grand dictionnaire de la langue d'Oc comprenant l'essentiel des variantes locales déclinées avec auteurs, citations, dictons et proverbes. (Si souvent ouvert dans le cadre de cette quadrilogie...).  

Parmi ses autres œuvres, « Lou Pouèmo dou Rose » 1897, le poème du Rhône, des bateliers de Condrieu descendant jusqu'à la foire de Beaucaire ; une inspiration plus tard partagée par Bernard Clavel (1923-2010), avec « Pirates du Rhône » 1957, « Le Seigneur du Fleuve » 1972, « La Guinguette » 1997, « Brutus » 2001... 

Portrait Frédéric Mistral 1907 Source Les Prix Nobel Domaine public Auteur inconnu

À propos de « L'Arlésienne », on raconte que Mistral se serait fâché avec Daudet rendant publique la confidence du Maître de Maillane sur ce neveu suicidé d'amour au Mas du Juge (1862)... Méfions-nous des “ on raconte que...” et ce n'est pas la lecture du « Poète Mistral », dans « Les Lettres de mon Moulin » qui nous dévoilerait le moindre grain de sable enrayant leur amitié. Le portrait d'abord, plus qu'avenant 

«...sa rouge taillole catalane autour des reins, l'œil allumé, le feu de l'inspiration aux pommettes, superbe avec un bon sourire, élégant comme un pâtre grec... »,   

C'est la fête du village avec fifres et tambourins dans la rue, l'aubade au conseiller municipal, des bouteilles, des verres ; l'après-midi, la procession des saints de bois « dédorés », qu'accompagnent les confréries de pénitents blancs, bleus, gris, cagoulés, de filles voilées ; ensuite, bien qu'en hiver, les taureaux, les jeux sur l'aire puis, autour d'un grand feu devant le café de Zidore, une farandole devant durer tard dans la nuit. 
La « Lettre » de Daudet se termine par un hommage, l'image de ruines majestueuses sans toits ou pétassées en remises, basses-cours ou étables (comme après la révolution) et qu'un jour un fils de paysan est déterminé à restaurer « ... Ce fils de paysan, c'est Mistral. », ces ruines, la langue provençale. 

D'après « Le Poète Mistral », « Les Lettres de mon Moulin », recueil de 1869, Alphonse Daudet.