mercredi 24 mars 2021

NISSAN-lez-Ensérune (3), la colline percée, les tunnels du Malpas.

Carte topographique IGN


Photographie aérienne IGN

 Après les hauteurs d'Ensérune (dit aussi un temps Ensédune peut-être en référence à "dunon" le nom celte et préromain signifiant à la fois, "citadelle fortifiée" et "mont, colline, hauteur"), l'importance des lieux extérieurs à l'enceinte du village s'impose et d'abord l'accès au site historique, un isthme en quelque sorte, permettant à la route qui monte à "l'oppidum" d'être déjà à 50 mètres par rapport aux 20 m. de l’Étang de Montady au nord et à la trentaine de mètres, côté Nissan. L'endroit, pourtant, porte le nom de Malpas, le mauvais passage !

Nissan Malpas_tunnel_in_the_Canal_du_Midi,_western entrance panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


 
Nissan Malpas_tunnel panoramio wikimedia commons Author Satyam

Nissan Malpas_tunnel_-_panoramio wikimedia commons Author Satyam

Justement, lors du creusement du Canal Royal de Languedoc, fin 1679, il se confirme que c'est un mauvais passage quand Pierre-Paul Riquet bute sur ce mur d'une pierre friable et sujette aux éboulements ! Il est dit que Riquet a engagé ses deniers personnels et même que ses héritiers durent payer pour son idée or l'épisode d'Ensérune vient nous rappeler que l'exécutif avait la main sur le projet. Rapidement informé des difficultés, Colbert envoie ses commissaires et en attendant leurs rapports, fait arrêter le chantier (1). Passant outre, Riquet demande au maçon Pascal de creuser discrètement une galerie... ce qui fut fait, en huit jours. Paul Riquet invite alors l'intendant décisionnaire à  se rendre compte de la réalisation : les travaux reprennent. Au bout de quelques mois (automne 1680) le creusement du premier tunnel-canal au monde est réalisé (173 m. de long, 6 m. de large, 8,5 m. de haut, 30 arches de soutien). 

Le Malpas devant son nom à la mauvaise réputation de l'endroit (2) était déjà percé depuis le XIIIe siècle (charte en date de 1247) par un aqueduc souterrain destiné à vidanger l’Étang de Montady enchâssé sans exutoire naturel mais si esthétique pour sa géométrie originale, à cause de cette contrainte. Creusée à moins 30 mètres, cette conduite de 1,364 km de longueur débouche de l'autre côté prenant le nom de Mayre (merci de prononcer séparément le "y", comme un i tréma) ; elle a nécessité 20 ans de travaux. La carte topographique indique une source à l'altitude de 20 mètres, est-ce la sortie de l'aqueduc ? Le ruisseau intermittent de Notre-Dame conflue aussi dans le secteur mais les tirets bleus de son cours butent mystérieusement sur la ligne de chemin de fer et la source de la Mayre sur la carte ainsi que les vues IGN n'apparaissent pas sur Google Earth où le débouché d'une canalisation est néanmoins manifeste. Moralité : faut y aller ! 

Étang de Montady Hérault France Seen from the hill over the Malpas tunnel in the Canal du Midi panoramio wikimedia commons Author Maarten Sepp


A deux mètres seulement sous le Canal du Midi (- 10 m) et au-dessus du drain de l'étang (- 30 m) a été aussi creusé le tunnel de la voie ferrée Bordeaux-Sète ( - 20 m) (ligne ouverte en 1857).  

(1) Le chantier aurait néanmoins été mené à bout avec son passage à Béziers puisqu'il ne reste plus qu'à joindre le tronçon déjà prêt (1675) entre la ville et Marseillan sur l’Étang de Thau. Par ailleurs, la décision avait été prise de faire aboutir la voie d'eau à la ville nouvelle de Cette (1666 première pierre). L'ancien cours de l'Aude et le passage par Narbonne (aujourd'hui la Robine) offrait une possibilité vers la mer mais Port-la-Nouvelle n'était pas encore sortie des sables et la traversée du fleuve trop inconstant posait problème. Le tracé aurait pu rallier les étangs (Capestang, Lespignan, Vendres) mais là encore en craignant les caprices de l'Aude tout proche. Et puis, comment concevoir qu'après Narbonne, Béziers, ville natale du concepteur de l'ouvrage qui plus est, ne soit pas desservie ?  

(2) A Cuxac-d'Aude, un dicton disait "Sios fait quand passes lou pount qu'es veit ouros !" (tu es fait si tu passes le pont et qu'il est huit heures).

samedi 20 mars 2021

L’abbé Joseph GIRY, Nissan-lez-Ensérune (2) / nos voisins nissanots !

 
Spéléologue : à 13 ans déjà, il explore des grottes. Plus tard il est membre du spéléo-club de la Montagne Noire et de l’Espinouse ainsi que du Spéléo Club de France. 
 
La Devèze Courniou Grotte_de_roquebleue wikimedia commons Author matthias loiseau

* En 1929, à Courniou, dans la grotte de La Devèze, il découvre les plus belles galeries ainsi qu’une magnifique salle couverte de concrétions. En 2002, une plaque lui rendant hommage a été inaugurée dans la grotte. 

Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) Source du Jaur wikimedia commons Author GilPe

* L’abbé a participé aussi à l’exploration des sources du Jaur à Saint-Pons-de-Thomières (réseau de galeries et de plans d’eau).

* A la Vacquerie (grotte de Maurous) il trouve des vases et des jarres de l’âge du bronze.


Archéologue :  

Lodève_Musée_Stèles_discoïdales_d'Usclas_du_Bosc wikimedia commons Author Henri Moreau

 

* fouilleur et inventeur de la nécropole d’Usclas-du-Bosc (54 stèles tombales discoïdales «données au musée de Lodève... la municipalité dirait plutôt «confiées» par souci de conservation. Des moulages de quelques unes figurent dans le cimetière d’Usclas.

* découvreur de la nécropole Saint-Julien (Pézenas) (210 tombes étrusques). 

La plaine de l'Aude depuis la "colline de Vivios" / Au fond La Clape et le village de Fleury.

* acquéreur de la vigne de Vivios à Lespignan pour les bases de la villa romaine qui s’y trouvent «un ensemble important et intéressant qui pourrait être un port» (sur le rebord de la plaine de l’Aude) (il répertoria 62 autres villas romaines) . 

Chapelle_de_Centeilles Siran wikimedia commons Author ArnoLagrange

* acquéreur de la chapelle à murs peints de Centeilles transformée en bergerie (Siran)(donnée en 1961 à l’association diocésaine). 

Abbaye Sainte-Marie de Fontcaude wikimedia commons Author Fagairolles 34

* acquéreur en 1958 de l’abbaye de Fontcaude auprès des onze propriétaires, ensuite restaurée et dotée d’orgues puis donnée aux «Amis de Fontcaude».

* empêche la destruction de la chapelle wisigothique Saint-Vincent-de-Savignac (Cazouls-les-Béziers) et en sauve plus d’une vingtaine.

* participe à la prospection de Fontlaurès, autre colline forte préromaine au nord de Narbonne.

* crée un musée archéologique, un musée d’art sacré, lègue aux villes de Nissan et Béziers. 

Nissan Chapelle_Saint-Christol wikimedia commons Author Tylwyth Eldar

* sauve et restaure la chapelle Saint-Cristol, aussi appréciée que sa situation dominant la zone humide de La Matte, autre épanchoir du trop-plein des crues de l’Aude (si vous avez lu jusque là, je peux vous dire qu’on y trouve des jonquilles du côté de la Muscade... Côté Nissan de cette zone humide, «Cantogragnotos», en entend-on seulement aujourd’hui... encore un nom de lieu qui chante... c’est le cas de le dire...).

Dans son discours de réception à l’Académie des Sciences et Lettres, éloge à l’abbé Giry, son prédécesseur au fauteuil 15, Jean Billiémaz a cru bon de noter «... Il eut comme tout homme d’action ses détracteurs, ses médisants, et ses jaloux. Il s’en étonnait parfois. Cela le peinait beaucoup mais sa miséricorde l’emportait...» C’était faire bien trop d’honneur à ces grincheux qui ne nous firent point l’honneur d’apprécier leurs noms, de ceux, certainement,de la caste des esprits bornés, petits de traiter un homme de culture formidable, d’archéologue amateur.

Ce billet n’aurait pas été possible sans le concours d’immigrés nissanots à Fleury... c’est vrai qu’aujourd’hui je n’ai plus l’âge de leur reprocher de venir marier nos filles... Plus sérieusement, c’est aussi amicalement que spontanément qu’ils m’ont transmis le n° 53 (2002) des Amis de Nissan, si actifs depuis 1945 malgré une faiblesse pour informatiser des données si attendues au-delà de leur territoire.

* les photos de l'abbé empruntées pour l'article proviennent aussi de ce numéro 53.