"... Cerises d'amour aux robes pareilles Tombant sous la feuille en gouttes de sang..."
Les
mots portent d'autres résurgences, celle de la lutte des défavorisés,
celle des barricades, celle de la répression, de l'appareil d’État
légaliste avant tout, la légalité dût-elle être illégitime.
Et toujours les mêmes perdants :
"... J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte
Et Dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saura jamais calmer ma douleur
J'aimerai toujours Le Temps Des Cerises
Et le souvenir que je garde au cœur..."
Et
c'est en tant qu'hymne des miséreux, des déshérités, des las-de-vivre,
des pressurés du productivisme et pour être actuel, des "sans dents"
(Hollande), des "qui ne sont rien" (Macron), que le Temps des Cerises reste
d'une grande modernité quand le néolibéralisme nous ramène au XIXème
siècle.
En 1882, soit onze ans après la Commune de Paris (1871), J.B. Clément dédiait sa chanson :
À la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 28 mai 1871.
À la fin des paroles, il explicite cette dédicace :
« Puisque cette chanson a couru les rues, j'ai tenu à la dédier, à
titre de souvenir et de sympathie, à une vaillante fille qui, elle
aussi, a couru les rues une époque où il fallait un grand dévouement et
un fier courage ! Le fait suivant est de ceux qu'on n'oublie jamais : Le
dimanche, 28 mai 1871
[…]
Entre onze heures et midi, nous vîmes venir à nous une jeune fille de
vingt à vingt-deux ans qui tenait un panier à la main.
[…]
Malgré notre refus motivé de la garder avec nous, elle insista et ne
voulut pas nous quitter. Du reste, cinq minutes plus tard, elle nous
était utile. Deux de nos camarades tombaient, frappés, l'un, d'une balle
dans l'épaule, l'autre au milieu du front… »
« Nous sûmes seulement qu'elle s'appelait Louise et qu'elle était
ouvrière. Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les
las-de-vivre. Qu'est-elle devenue ? A-t-elle été, avec tant d'autres,
fusillée par les Versaillais ? N'était-ce pas à cette héroïne obscure
que je devais dédier la chanson la plus populaire de toutes celles que
contient ce volume ? »
Dans "La Commune Histoire et souvenirs (1898), Louise
Michel rappelle cette dédicace ; elle n'est pas la Louise du Temps des
Cerises :
« Au moment où vont partir leurs derniers coups, une jeune fille venant de la barricade de la rue Saint-Maur
arrive, leur offrant ses services : ils voulaient l'éloigner de cet
endroit de mort, elle resta malgré eux. Quelques instants après, la
barricade jetant en une formidable explosion tout ce qui lui restait de
mitraille mourut dans cette décharge énorme, que nous entendîmes de Satory,
ceux qui étaient prisonniers ; à l'ambulancière de la dernière
barricade et de la dernière heure, J.-B. Clément dédia longtemps après
la chanson des cerises. Personne ne la revit. […] La Commune était
morte, ensevelissant avec elle des milliers de héros inconnus. » (Extrait de la page Wikipedia).
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Jean_Ferrat Wikimedia Commons Auteur Bibokenobi Joelle_Chen |
En1985, Jean Ferrat rappelle le printemps pourri, la Commune de Paris et pourtant le temps des cerises :
"...
Ah qu'il vienne au moins le temps des cerises avant de claquer sur mon
tambourin, avant que j'aie dû boucler mes valises et qu'on m'ait poussé
dans le dernier train..."
https://www.youtube.com/watch?v=88dinRZc978
Alors, avec l'inconscience et l'esprit de provocation liés à l'âge,
autant se retrouver derrière l'Horte, vers 1966 ou 67, quand les cerisiers des Quatre
Chemins nous font signe... J'aimerai toujours le temps des cerises...