mercredi 14 février 2018

DENIS, LE DOIGT SUR LA COUTURE ! / La déséducation nationale à Mayotte.


De nouvelles têtes montent au front au vice-rectorat. C’est d’autant plus compréhensible qu’il semblerait qu’il y ait eu un départ à la retraite, peut-être en septembre dernier… forcément discret quand on constate la défiance des administrés à l’encontre d’une administration administrant en rond, déphasée, toujours plus éloignée des préoccupations citoyennes, légale certes mais à la légitimité très contestable. 

La webzine « Vousnousils (1) » nous en informe le 29 juin 2017 lors de l’interview de Denis Lacouture encore secrétaire-général du vice-rectorat de Mayotte.
Restez assis ! Ne vous étouffez pas ! 

Constatant que le premier des problèmes « …est d’enseigner en français à des élèves dont ce n’est pas la langue maternelle… » le haut-fonctionnaire tempère avec des résultats au bac « … Nous avons un baccalauréat qui est strictement le même qu’en métropole, avec des résultats tout à fait convenables. Des résultats qui s’améliorent même au fil du temps… »
Deuxième problème :  « une très forte pression démographique »
Autre problème : «  … que nous partageons un peu avec l’Académie de Créteil […] à peu près 50 % de professeurs contractuels […] Plus le nombre de contractuels augmente, c’est-à-dire moins on a de volontaires pour venir travailler à Mayotte, plus les enseignants ont des revendications sur les salaires et les carrières. Les quelques inspecteurs qui soutiennent ce mouvement, à une exception près quittent le territoire ou partent à la retraite. Un peu d’amertume sans doute… »
Sa solution : «… La véritable réponse consiste, par la formation professionnelle, initiale et continue, à faire émerger de Mayotte les forces vives en terme d’éducation. Nous ne pouvons pas tout attendre de la métropole ! Les jeunes Mahorais doivent très rapidement embrasser les carrières d’éducation grâce à la formation puis grâce à l’université, qu’elle soit à la Réunion ou en métropole et qu’ils reviennent ensuite pour enseigner à Mayotte… »
Son bilan à Mayotte : « … Je garderai l’impression d’avoir été utile comme j’ai pu l’être au Niger, par exemple, où j’ai participé, en cinq ans, à l’ouverture de 180 écoles. À Mayotte j’ai eu l’impression d’être utile car des enfants nous arrivent toute l’année, nous avons le challenge de scolariser tous les enfants. J’ai participé à cela et j’en suis fier.
 Le rapport du métropolitain en responsabilité sur un territoire aussi lointain et aussi différent est compliqué au regard de l’histoire. Vous avez parfois l’impression d’imposer à des gens, même s’ils l’ont demandé, même s’ils se sont exprimés pour être Français, un mode de fonctionnement, de pensée et un système éducatif qui pourraient ne pas être le leur. Il manque un dessein politique pour Mayotte. J’aimerais voir dans les années à venir une vraie réponse politique au problème mahorais. Il y a tellement de retard, c’est difficile à combler… » 

C’est bien dans la logique de ces tristes personnages qui se disent « grands commis », « serviteurs de L’État » mais qui en réalité servent avant tout les intérêts de leur caste, véritable Etat dans l’Etat ! Tançons-le, point par point.  

1)      Le problème du français n’en serait pas un, les résultats au bac en attestent. Il eût été plus intelligent de relever dans notre plurilinguisme la capacité d’apprentissage d’autres langues étrangères.

2)      « UNE FORTE PRESSION DÉMOGRAPHIQUE » Comme c’est dit en se pinçant le nez ! Toujours ce parti pris d’enfumage, ce dessein malhonnête de camouflage de la réalité ! Rien bien sûr sur le problème de l’immigration clandestine  massive ! C’est que « chez ces gens-là », l’honnêteté, le courage ne sont pas des vertus. A côté de ces lâches, il faut citer par exemple ces généraux tels Pierre Renault, viré pour avoir dénoncé l’état déplorable des matériels de la Gendarmerie, ou encore le général Bertrand Soubelet auteur de « Tout ce qu’il ne faut pas dire » versé d’abord par mesure disciplinaire à l’Outre-Mer (!), finalement viré ou mis à la retraite d’office et qui en a conclu : 

« Pour être mis à l’écart dans ces conditions, j’ai l’impression de constituer un danger pour mon pays, ce qui m’amène à réfléchir à mon avenir immédiat et à la manière dont je vais continuer à servir la France. […] Je tire la conclusion que L’État a suffisamment de compétences et de talents pour payer des responsables d’un certain niveau à ne rien faire. » (source Le Monde avril 2016)

Un inspecteur ne m’a-t-il pas dit « Entre sa sécurité et son honnêteté un fonctionnaire doit choisir sa sécurité ! » Fermez le ban ! 

3)      Quant à partager « un peu avec l’Académie de Créteil », c’est toujours cet aplomb à minimiser les problèmes, le pourcentage de contractuels, cette posture à se rattacher à une relative normalité. Et ces inspecteurs historiquement au pli et qui, fait unique, se sont rebiffés, notre Denis le doigt sur la couture, les rabaisse, lui, en tant que velléitaires partant ailleurs ou prenant la retraite. 
Oui, certains retraités tiennent à partir en se rachetant un peu ce qui n’est visiblement pas le cas de Lacouture ! 

4)      Sa solution ! Que les Mahorais se forment et viennent enseigner aux Mahorais ! Il aurait lâché « Que l’Afrique se prenne en main ! » l’effet n’aurait pas été autre ! C’est qu’il la connait l’Afrique, Lacouture ! 16 ANS ! rendez-vous compte dont le Niger et la Mauritanie avec des traitements avantageux pour les coopérants, sans doute pour encaisser aussi les manquements aux droits de l’Homme liés à ce pays, dont l’esclavage… Ses assertions sur le statut a minima des enseignants mahorais va complètement à l’encontre des principes républicains ! Et puis, que n’a-t-il laissé sa place de secrétaire-général à un local ! Croit-il que le résultat eût été pire ?

5) SON BILAN. Enfin ramené à plus de modestie il n’a que L’IMPRESSION d’avoir été utile. Pourtant, il est FIER, le bougre, d’avoir entassé des enfants quel que soit leur nombre, au cours de l’année scolaire !
Que va-t-il nous chercher «…un territoire aussi lointain et aussi différent… » ? La France ne doit-elle pas assumer son Histoire ? Ce ne sont quand même pas les Mahorais qui sont partis coloniser un territoire aussi lointain et différent du leur que la France ! On croirait encore entendre monsieur Françafrique, chevalier de la Légion d’honneur s’il vous plaît ! Évidemment que les Mahorais veulent la même éducation qu’à Pétaouchnok, que partout en France ! Mais il y a tellement de retard, monsieur Lacouture, surtout à cause de L’État et des hauts fonctionnaires qui tablent plus sur leur sécurité, leur rente de situation, que sur l’intérêt général ! 

On ne se rebiffe pas, monsieur, parce qu’il faut faire un mur tant l’insécurité est grande (2) ! 

On n’impose pas, monsieur, une lamentable et véreuse réforme des rythmes alors qu’on cherche encore les 600 classes promises par Hollande et que 80 % des établissements ne sont pas aux normes, ce dont vous êtes responsable, monsieur, en tant que "grand commis" de l’État ! 
     
Hier à Questions pour un Champion, l’animateur était impressionné par la formule de Cicéron « L'éloquence est la lumière qui fait briller l'intelligence ». C’est vrai que les bons orateurs nous feraient prendre des vessies pour des lanternes et sur ce plan là, la vice-recteur n’en est qu’à la breloque de base (la légion d’honneur). Néanmoins, pour tout dire, votre éloquence n’est que l’art d’embellir votre logique (3) sauf que votre logique si asociale ne peut que rester vilaine… 

Il y a plus d’humanité, monsieur, dans la vérité d’un général viré que dans la vilénie d’un renégat ravi.  


(1) « Vousnousils » webzine gratuite donc dépendante de nos impôts, donc forcément propagandiste… 
(2) Alors que Lacouture avait rétorqué qu'il n'était pas là pour construire des murs, après Kahani, Tsararano, nous apprenons ce matin même que les personnels du collège de Bandrélé exercent leur droit de retrait suite à des violences au sein de l'établissement.
(3) "L'éloquence n'est que l'art d'embellir la logique." Denis Diderot
 

samedi 10 février 2018

STEVENSON et MODESTINE / Jammes et Rostopchine




Les Cévennes ne se déclinent pas seulement à travers la beauté sévère des reliefs, la foi austère des protestants très présente dans une littérature inspirée par l’Histoire. A la rudesse des hauteurs répond aussi la douceur des vallées protégées où les oliviers n’ont pas péri suite au grand gel de 1956. La mentalité des gens, elle, loin des a-priori et des archétypes imputables aux développements historiques justement, se présente ouverte, solidaire… la chaleur du Midi, toujours.   

Corniche des Cévennes, Barre-des-Cévennes, encore des itinéraires, des lieux aux noms qui parlent de points de vue, de randonnées liées néanmoins dans sa tête au tragique destin de Pauline Lafont, fille de Bernadette, actrice attachante comme elle, tant sur le fond que sur les formes[1], retrouvée par un agriculteur, des mois après sa disparition, à l’état de squelette au fond d’un ravin[2]…  
Saint-Jean-du-Gard, capitale des camisards, n’est pas loin. C’est ici que finit le voyage de Robert-Louis Stevenson[3] (1850–1894) accompagné de son ânesse Modestine et venu se consoler en parcourant les monts et vallées marqués par la lutte des camisards. A vingt-huit ans seulement et bien que protestant de naissance (mais de peu de foi, ce qui scandalisa son père !), son propos sur un conflit religieux rappelant la situation en Ecosse, reste celui d’un observateur neutre, mesuré.
Il donne libre cours, par contre, au plaisir qu’il a d’admirer « l’arbre à pain » des Cévenols :


« … sur les terrasses j’essayai vainement de rendre avec un crayon le port majestueux des châtaigniers soutenant leur dôme de verdure. Par moments, un vent léger s’élevait et les châtaignes tombaient tout autour de moi sur l’herbe avec un son faible et sourd […] mon âme y mêlait un sentiment de sympathie à l’idée de la récolte qui s’amassait pour la plus grande joie des fermiers… » « Voyage avec un âne dans les Cévennes » 1879. R.-L. Stevenson (journée du 2 octobre 1878).



Sa relation avec Modestine permet de réfléchir à la place des animaux dans le temps. Les bêtes de somme, de travail, portant ou tirant, traités durement, menaient une vie rude. La mentalité de Stevenson est presque, à cet égard, celle de presque tout le monde aujourd’hui. Chez ses contemporains, par contre, seule une minorité, surtout de privilégiés cultivés dont Stevenson et ceux qui n’avaient pas à gagner leur vie, partageaient une tendresse particulière pour les ânes. La comtesse de Ségur née Rostopchine (1799-1874) avec « Les mémoires d’un âne » pour tous ceux qui aiment Cadichon, l’amour extrême du poète Francis Jammes au point de désirer un dernier repos au paradis des ânes, le manifestent avec ferveur [4].      


« … Je décidai de vendre ma jeune amie et de partir (pour Alès) par la diligence de l’après-midi […] ce fut seulement lorsque je fus bien installé, à côté du conducteur sur une diligence qui roulait avec fracas dans une vallée rocheuse remplie d’oliviers nains que j’eus conscience de ce qui me manquait : j’avais perdu Modestine. Jusqu’à ce moment j’avais cru la détester mais à présent elle s’en était allée. Hélas ! quel changement pour moi ! Pendant douze jours, nous avions été des compagnons inséparables, nous avions parcouru plus de cent-vingt milles, gravi des hauteurs respectables et suivi notre petit bonhomme de chemin, sur nos six jambes, à travers rochers et marécages. Elle me portait un peu sur les nerfs, sans doute, et j’avais parfois, vis-à-vis d’elle, des manières de grand seigneur. Après le premier jour, je sus conserver mon sang-froid et pour elle, pauvre âme, elle était patiente, elle avait des formes élégantes, une couleur d’un charmant gris souris et sa taille était petite à souhait. Ses défauts étaient ceux de sa race, ses vertus étaient bien à elle. Adieu, et… si c’est pour toujours… Le père Adam avait pleuré quand il me l’avait vendue. Après l’avoir vendue à mon tour, je fus tenté de suivre son exemple. Et comme je me trouvais seul avec le conducteur de la diligence […], je n’hésitai pas à me laisser aller à mon émotion. » « Voyage avec un âne dans les Cévennes » 1879. R.-L. Stevenson (journée du 2 octobre 1878).  




[1] « L’été en pente douce » 1987.
[2] Disparue le 11 août 1988 au cours d’une randonnée pédestre, retrouvée le 21 novembre au lieu-dit l’Adrech, morte sur le coup suite à une chute de dix mètres, identifiée grâce à sa bague et à sa denture. (wikipedia).
[3] De faible constitution, toujours malade dès son plus jeune âge, Stevenson qui écrira plus tard « L’île au trésor » et « L’étrange cas du docteur Jekyll et M. Hyde », affecté qui plus est par un gros chagrin d’amour, part sur les traces de George Sand au Puy-en-Velay puis décide de faire son « Voyage avec un âne dans les Cévennes » (1879), 230 kilomètres pour celui qui fut un enfant chétif ne pouvant pas jouer avec les autres ! Sa santé déficiente n’empêcha pas ses nombreux voyages dont celui pour retrouver Fanny, la femme aimée, aux Etats-Unis. La tuberculose eut raison de lui chez les Samoans qui l’avaient intronisé comme chef de tribu (« Tusitala », conteur d’histoires) pour le soutien apporté contre les Allemands. Il n’avait que 44 ans.    
[4] « J’aime l’âne si doux marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles et bouge ses oreilles… » « J’aime l’âne si doux ». Francis Jammes (1868 – 1938)
Plus près de nous :
« … Au temps des transhumances
Il s'en allait heureux
Remontant la Durance
Honnête et courageux […] Mais un jour de Marseille
Des messieurs sont venus
La ferme était bien vieille alors on l’a vendue… » « Le petit âne gris. » (1968) Hugues Aufray (1929). 

Photos autorisées : 
1. wikimedia commons Corniche des Cévennes entre Saint-Jean-du-Gard et Florac Auteur Henri MOREAU
2. pxhere Cévennes terrasse attribué à selengkapnya
3. wikimedia commons Robert_Louis_Stevenson Author Rls-pc1jpg Knox series derivative work Beao
4. wikimedia commons Cévennes Ane Author KoS