samedi 8 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (4) / Presser les grappes et les corps...

A lire :  http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_030_w.pdf

Approche des vendanges. Le Corse éclaircit la végétation : 

« ... De ses mains et de ses pieds, il écartait les longues ramures des ceps bien nourris de terre grasse et d’eau claire. Leurs bras montaient haut, quelquefois à hauteur d’homme, se terminaient par les petites mains pâles des feuilles nouvelles... »  

« ... L’hiver, elles suffisaient, ces lignes (roseaux), à lacérer le vent en mille bandes hurlantes. Et son poing lourd à assommer un bœuf, à arracher un arbre, passait au travers. Et il en ressortait mille petites mains d’enfants, pleines de remous qui ne faisaient qu’agiter les feuilles... »

« ... Seule, la charrette, au beau milieu, attestait du vieillissement du matériel avec les rayons de ses roues où la boue collait et ses brancards abattus comme des pattes paralysées où les harnais avaient fait des évidements luisants... » 


 
Dans ce nouvel épisode, si on peut voir des pieds, des bras, un poing, des mains, des pattes, nous voyons le Corse travailler dans la plaine où les haies de roseaux forment des coupe-vent efficaces. L’auteur le dit plus à l’aise dans les Aspres. Cette petite région naturelle qui forme le contrefort oriental du Canigou, entre le Conflent et le Vallespir, éloigne d’autant plus des Corbières qu’après le sillon de la Têt, se dresse encore le Fenouillèdes. Il est question d’un canal certainement d’irrigation dans cette plaine fertile où deux villages en bordure se nomment Corbère et Corbère-les-Cabanes.

Le Corse a donné rendez-vous à une femme ; le lecteur comprend vite qu’il s’agit d’Adoracion ; il apprend aussi qu’elle est belle, avec un corps superbe.

Préparation des vendanges : « ... Les comportes s’épaulaient, alignées, le long des façades, ou s’empilaient autour de l’humidité des pompes. On défaisait les seaux rentrés les uns dans les autres et collés ensemble depuis la dernière vendange. Avec les "masses", faites d’une branche de chêne prise avec un nœud terminal, et la collerette de fer blanc dont on pare les comportes pour les remplir, c’était, à peu près, tous les instruments du sacrifice... » 

On vendange en chapeau, et pour ma grand-mère, avec la caline.
 
Hormis la masse, plus "manufacturée", pour quicher le raisin et cette collerette de fer blanc, la préparation des vendanges au début des années 60 ressemblait beaucoup à celle décrite par François Tolza. 


Petite vendangeuse qui quiche !

jeudi 6 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (3) / 1907. Hauts et bas dans la viticulture.

Lucien a fait ses études à la ville (l’auteur craint de la nommer... Perpignan ?). Il prête ses livres à Claire, d’une instruction comparable, qui est bien la seule à fréquenter dans le village. Tolza dresse un tableau de la société, des quelques riches qui ont peur de tous ces pauvres, des pauvres qui, une fois les élections passées, sont trop pris par la vie qu’ils endurent pour avoir l’idée de se révolter, ces mêmes pauvres qui ne supportent pas qu’un des leurs réussisse.  

«... La vigne les pliait à nouveau vers la terre ingrate, nouait leurs genoux, durcissait leurs cœurs. Leurs vies puisaient à la même source de misère et leur consolation se contentait de peu... /... Il y avait eu, dans le temps, des années de désastres. Le phyloxera d'abord qui avait jauni les vignes comme un mauvais vent. On en gardait le souvenir d'un combat à armes inégales ou d'une malédiction. Peu à peu, les ceps avaient dépéri, toutes feuilles ratatinées comme celles des choux montés. Il avait fallu tout arracher, tout replanter, attendre les premiers rendements... Puis vinrent les années de vin aigre. Ç'avait été, durant des semaines, des vendanges sous la pluie, dans un demi-jour morne. La récolte abondante commençait à sortir des tonneaux que, comme un feu follet, le cri naissait au fond des caves :
- Le vin se pique ! Le vin se pique !
Les rigoles, pendant des mois, déversèrent vers le Daly un flot rouge où les moisissures faisaient des îles de corail. Jusqu'à la dernière cuve, la vendange coula, narquoise au seuil des portes, vomie comme un vin mal digéré. Aux approches du village, la même senteur veillait... »  


  L’auteur situe son intrigue au début du XXme siècle, peut-être évoque-t-il 1907 :
 

«... Puis il y eut de longs cortèges dans tous les pays de vignobles ; de grands drapeaux rouges battirent aux vents leur protestation contre le vin à deux sous... /... Elle avait le souvenir des trains pris d'assaut par des troupes que la misère enrôlait sous les mêmes oriflammes... /... Il y eut des années maigres et des années d’abondance, des hauts et des bas, des hauts surtout qui donnèrent le coup de grâce... »  

  

En ces temps troublés, quelques uns achètent des vignes à bas prix, quitte à emprunter, rendant jaloux les plus frileux qui en arrivent à leur souhaiter une mauvaise récolte.

  

Tolza présente ensuite Adoracion, de son vrai nom Angélique, née de vendangeurs espagnols qui n’avaient pas voulu repartir chez eux. Le père, ivrogne, finira mal :
«... Une nuit de mars, une auto le faucha à la sortie du café dont la porte s’était refermée rapidement sur le froid de la route... ».

Chez le percepteur, madame Bastide incite celui-ci à se débarrasser de son employé, après ce qui est arrivé.
Quelques traits sur le percepteur :le village raconte qu’il décolle les timbres non oblitérés pour les réutiliser
«... En lui subsistait la parcimonie du « montagnol » ariégeois... »