A lire dans http://garae.fr/Folklore/R52_025_12_1941.pdf,
une chronique de Madame Tricoire, institutrice à Lavelanet dans les années 30.
Pour les paysans c’est la plus
belle fête de l’année. On fait bouillir l’eau dans la « païrolo beuralhèro »,
la grosse marmite où se cuisait la pâtée du cochon, celui-là même que le « mangounhè »
va saigner de son grand coutelas. Le réveil de la bête qu’il faut sortir de
force de la soue n’est pas sans rappeler celui du condamné à la guillotine… Pour
lui, c’est la maie qu’on a renversée…
« « Pauro bestio »
dit la Margadido et c’est toute l’oraison funèbre du supplicié. »
Elle passe sur le sang recueilli.
Le porc est ensuite couché dans la maie retournée sur deux chaînes qui
permettront de le tourner sans se brûler en enlevant les soies. L’un arrose,
les autres raclent et rasent.
« Le porc […] est bientôt
blanc et lisse comme une joue d’enfant. »
On lui passe le « cambalhot »,
la pièce de bois qui va le suspendre, dans les jarrets.
La tête est coupée. On ouvre la bête ;
on enlève tous les viscères. Les boyaux fumants sont gardés au chaud dans un
linge. Les femmes lisent les tripes (enlèvent le gras accroché) et vont les
laver au ruisseau.
Les hommes rangent les outils. La
carcasse reste pendue là. Les femmes ont dû revenir : l’institutrice parle
de se mettre à table.
Au menu : une grande
soupière du bouillon d’un gros morceau de bœuf et d’une poule farcie.
Un civet
de lapin bien parfumé de thym et de laurier.
Une salade d’endives.
En dessert,
une crème épaisse aux œufs (un flan ?),
le feuilleté d’une croustade aux
pommes,
la corbeille d’ « aurelhous roux comme des oranges et
saupoudrés de sucre » accompagnés de muscat.
On parle du porc :
« Le que n’a pos un porc, un
oustal et un ort, dit Polyte, tant bal que sio mort. »
(Celui qui n'a ni porc ni maison ni jardin, autant qu'il soit mort)
On critique le gouvernement et la
discussion échauffe les esprits. Tant vaut-il inviter Fantilh à chanter en
premier sa chanson.
Si l’institutrice a oublié de
parler des vins à table (et surtout de ce que devient la carcasse dans la
remise), ne manquaient ni le café arrosé
de marc, la liqueur de « génibre », les cerises à l’eau-de-vie !
Les oreillettes qui nous donnent
une idée de la date, autour de carnaval, en février. Cette fête, la plus belle
de l’année pour ces paysans, compterait plus que celles de Noël ou de Pâques
même si les convives se quittent avec un « A l’an que bé, si Diu at bol. »
comme pour la nouvelle année !
Notes : Lavelanet du Pays d’Olmes, riche d’un passé textile ancien, tient son nom des noisettes, « avellana » en latin… une pensée pour Momon Abelanet, le professeur de français à Victor Hugo (Narbonne) qui a mal tourné (principal à Coursan) !
Un salut cordial à Jean-Patrick Moras qui fut proviseur du lycée professionnel de Lavelanet et qui fut mon patron (bon, vous l'aurez compris !) entre 2002 et 2006 au collège de Bandrélé !
Photos autorisées commons wikimedia :
1. Civet_de_lapin_de_garenne_des_Baronnies Author Varaine.
2. Chapon de Saint-Christol rôti sur ses pommes de terre sautées.
3. Oreillettes à Fleury.