Qui, mieux que Paul Valéry, et avec quelle modestie, sut insister sur la grande influence des origines géographiques dans la convergence des forces qui comme par l’effet d’une chimie magique et inexplicable, arrive à précipiter le génie, l’art et l’esprit dans une enveloppe humaine ? (1)
Comment ne pas imaginer le poète, depuis le Mont-Saint-Clair, adressant sa soumission et sa révolte d’Homme à la Mer tant aimée, un jour de Grec et de marinade (vent de NE et embruns)...
Comment ne pas imaginer le poète, depuis le Mont-Saint-Clair, adressant sa soumission et sa révolte d’Homme à la Mer tant aimée, un jour de Grec et de marinade (vent de NE et embruns)...
Ce ne sont pas les éclats de Stentor mais la voix est sûre, charpentée, bien que soumise aux forces d’une nature faisant si peu de cas de notre espèce, mais mue aussi par une énergie propre à arrêter la vague au moment où sa transcendance ne peut que déferler... Je veux croire que la tessiture n’est pas plus emphatique que datée... Ce n’est pas le ton affecté de la culture, travaillé pour se fondre dans un milieu de précieux, riches et oisifs, de conserve avec un monde définissant non sans prétention un who's who des arts et des lettres à son image. Ce n’est pas le débit haché, souvent coupé par la toux (il roulait ses cigarettes), de l’écrivain devant travailler pour vivre, mal à l’aise parmi les rentiers.
Sa voix est celle de la nature, de la naissance dans une famille modeste, méridionale avant tout. L’accent n’a pas encore trahi le Sud, ne dépareillant pas au berceau méditerranéen : le père est corse, la mère génoise, ils vivent à Sète... Et puis, quelle sincérité peut-on exprimer si on parle parisien à la Mer originelle, matrice de civilisations ? Aussi, c’est sûrement par rancœur que Paris continue de phagocyter et d’assimiler la province. A moins que ce ne soit l’amertume refoulée d’un esprit trop rebelle et indépendant qui me fait digresser à ce point... On se veut comme les autres mais différent, sociable mais solitaire... et on ne fait qu’imiter Valéry qui eut l’occasion de se définir ainsi...
Il n‘empêche, l’autre jour à Sète, face au môle Saint-Louis, au pied du cimetière marin où il repose, c’est un pays, un Sétois, un Paul Valéry proche, loin de la pompe de la capitale que je retrouve. Au milieu du rond-point, les mots, le ton intime, à l’opposé d’autres, somptueux mais d’une froideur de pierre tombale, témoignent de l’amour insondable d’un enfant bien de « l’île singulière » pour notre mer glorieuse :
« ... je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par son premier chaînon à quelqu'un de ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L'autre bout est dans mon cœur... »
Discours au collège de Sète à l’occasion de la distribution des prix / 13 juillet 1935 / Œuvres T. 1 p. 1438 / Paul Valéry.
(1) Sont-ce les imbéciles heureux qui sont nés quelque part comme le chanta, de façon univoque, un autre Sétois célèbre, Brassens ?
Note : cette interprétation n'engage que son auteur...
photos autorisées commons wikimedia :
1. Portrait Paul Valéry.
2. Sète, le môle Saint-Louis auteur Christian Ferrer.
3 & 4. Sète, Monument à Valéry, rond-point du môle. Author Fagairolles 34.
5. Sète / Lycée Paul Valéry / Author Fagairolles 34.