Revenons dans les Pyrénées Orientales, le Vallespir des premières cerises de l’année[1], les Aspres rocailleuses qui tombent sur le Ribéral, la terre fertile de la vallée irriguée de la Têt. Avec le Fenouillèdes, la Salanque, elles forment le cadre d’un petit roman « Adoracion », une petite perle, d’un auteur dont on ne sait rien sinon le nom, François Tolza.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/11/raisin-vendanges-adoracion-francois.html
Les pêchers en fleur avec le Canigou (la montagne sacrée des Catalans,
nous en reparlerons aussi) enneigé au fond : une carte postale du
Roussillon depuis les étangs, à l’occasion des allers matinaux vers Perpignan
puis Rivesaltes, pour le boulot… Non, pas Le Boulou, ses bouchons vers le
Perthus et la Jonquera où le prix du beurre, des cochonnailles, du pastis, du
touron, des cigarettes valaient le déplacement[2]… Les Ducados… du temps où il vivait comme une
bête, qu’il était fumeur… le paquet bleu l’émeut encore, sans doute une
nostalgie de jeunesse !
La gouttière du Conflent, Villefranche défendue par le Fort Liberia de Vauban, avec le petit Train Jaune facilitant les échanges entre les pays perchés et la plaine littorale, apportant l’usage du français dans une vallée jadis plus versée vers la Catalogne… Ce Mas Py[3] bien au-dessus du confluent de la Rotja avec la Têt, où une famille du même nom demeurait encore à élever des vaches… Son père était très lié avec Henri, le fils : l’exil du travail obligatoire (STO) à Dresde, l’évasion en Bohême nouent des amitiés fortes. Les vieux parents et le frère, Marcel, toujours célibataire, les avaient reçus comme dans la nouvelle « Les Vieux » de Daudet, avec l'absent si présent… Un tel accueil, ça vous donne de l’importance !
La voie étroite permettant des courbes plus serrées, la traction électrique en continue, hissent le train jusqu’à 1592 mètres d’altitude avant de redescendre l’accueillant plateau ensoleillé de Cerdagne…
«
Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe
Sabine, un jour,
A tout vendu, sa beauté de colombe,
Tout son amour,
Pour l'anneau d'or du comte de Saldagne,
Pour un bijou...
Le
vent qui vient à travers la montagne
M'a
rendu fou… » Guitare. Victor Hugo.
Chantée par Georges Brassens, encore
un air portant sa part de rêve sauf que le pêcheur de tenilles a toujours cru
entendre « Cerdagne » pour « Saldagne » ! Pas si faux en
fin de compte puisque la Cerdagne[4]
des Kérètes aux jambons réputés, le comté de Guifred le Velu, figurent dans la
strophe qui suit (mais pas dans l’interprétation de Brassens) :
« … Avec ce comte elle s'est donc
enfuie !
Enfuie, hélas !
Par le chemin qui va vers la Cerdagne,
Je ne sais où ... »
Dans ce poème, Guitare, qui n’est
pas sans rappeler « Se canto » de Gaston Fébus[5], Victor Hugo dont le père connut la
déconfiture napoléonienne en Espagne…
« Mon père, ce héros au sourire si doux… », semble très inspiré
par une certaine idée de l’Espagne. N’a-t-il pas écrit Hernani, Ruy
Blas ? Aussi exprime-t-il, à cœur
ouvert, un attrait exotique se traduisant dans le vocabulaire, les intonations,
l’accent castillan même si l’époque lui fait franciser le tilde
« ñ » : doña Sabina ma señora, Saldaña[6]… Andalucía, Castilla-la Mancha, Castilla y León, Cerdagne… Son lyrisme n’a que faire d’une quelconque cohérence
géographique.
Derrière le col de la Perxa[7] (1581 m.), laissons le grand soleil de la
haute vallée de Cerdagne, primordial pour les jambons des Cerretains et les
fours solaires. A main droite, après La Llagonne, le col de la Quillana (1710
m.) ouvre l’horizon sur le rude Capcir, aussi, jadis, du comté de Cerdagne. Pays perché, pays de neige…Les premières sorties au ski, à la station des Angles,
en autocar, le dimanche, avec le Foyer Leo Lagrange de Coursan, vers 1968...
Au fond, en suivant un torrent tombant du lac de Puyvalador et qui
compte tant pour notre identité, la vallée ombreuse et obscure de l’Aude longe
le Donezan, tranche de ses gorges (St
Georges) un Pays de Sault déjà coupé par le Rébenty avant que les eaux de
montagne ne butent contre les Corbières.
[1]
De Céret (Céretans) d’où est originaire Martin Fourcade, double champion olympique de
biathlon à Pyeongchang 2018. Jusqu’à l’âge de 15 ans, il habita à La
Llagonne,dans le Haut-Conflent, entre Cerdagne et Capcir.
[2]
2018… ce trafic ne sera-t-il pas encouragé par les hausses intempestives du
tabac, des carburants… comme quand l’Europe encore bégayante balbutiait ? Un demi-siècle plus tard, est-ce la solidarité promise entre les peuples ?
[3]
Vendue, la ferme fut un temps promue par une bergère peut-être pour ses
produits du terroir. Plus une indication aujourd’hui sur le Net.
[4]
Le Traité des Pyrénées (1659) laisse Llivia, alors capitale, à l’Espagne. Elle
forme toujours une enclave reliée par une route neutre.
[5]
« Aquélos mountanhos Qué tan nautos soun M’empachoun de veïre Mas amours
ant soun… » (Ces montagnes si hautes m’empêchent de voir où sont mes
amours… Était-elle partie ? L’avait-il répudiée ?
[6]
« Gastibelza… le mont Falù… la vieille maugrabine d’Antequera… le pont de
Tolède… l’infant don Ruy… »
[7]
Respectivement cols de la Perche et de la Quillane… si on francise…
Photos autorisées Wikimedia Commons :
1. Mont Canigou Author Robert66
2. Pays des Pyrénées Orientales_Conflent Author Babsy
3. Train Jaune Author Herbert Ortner, Vienna, Austria
4. Trains_de_Cerdagne_1985 Author trams aux fils
5. Labour, carte post ancien, Cerdagne Author Labouche frères
6. Capcir Formigueres chapelle de Villeneuve Author Jack ma
7. L'Aude à Axat Author lijjccoo
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