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jeudi 6 mars 2025

CARNAVAL, pauvre CARNAVAL ! (2)

Mamoiada_-_Costume_tradizionale_(12) 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Author Gianni Careddu

Au milieu de masques rassurants seraient-ils de diables et diablotins, plus inquiétants, faisant remonter l'angoisse existentielle des temps obscurs, plongeant dans les mystères mythologiques, couverts de peaux de bêtes, des êtres mi animaux mi hommes, créatures fantastiques... Justement les musiciens suivent affublés de boucs de sorcières, ce qui n'est pas sans assimiler les forces du mal à la mauvaise saison, à l'obscurité dominante autour des chaumières terrifiées par des monstres imaginaires, comme, en Sardaigne, ces Mamuthones de Mamoiada dans la Barbagia montagneuse, aux effrayants masques noirs, lestés de cloches sur le dos. Cela n'impressionne pas les gamins qui jettent des pétards dans les jambes et les plus petits si bien grimés et costumés passent plus loin dans la carriole de l'âne.  

Pétassou sur son bûcher de palettes Périgueux 2022 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur MOSSOT
 

Plutôt que cet aspect devenu anecdotique, le carnaval sert d'exutoire aux misères endurées, aux bisbilles villageoises, contre le temps qu'il fait, aussi (l'Église du camp des privilégiés avait de même bien compris que pour anticiper le désordre voire la révolte, il fallait autoriser ces chahuts et charivaris ponctuels). Émoustillé, le petit peuple va passer symboliquement sa rancœur sur Carmentran (un nom issu de carême entrant). Comme pour endosser les récriminations dont celles contre le despotisme des autorités nobiliaires, ecclésiastiques, bourgeoises (avant le Mistral et la Durance, le premier fléau de la Provence était le parlement émetteur d'impôts), son mannequin de carton mâché a suivi la parade pour être jugé. Accablé de charges, coupable d'une gestion municipale discutable, des mauvaises récoltes, des rivalités entre sociétés de chasse, Carmentran se retrouve devoir tout endosser. Le verdict est toujours le même, la mort est requise par les juges, le maire, le garde-champêtre qui va illico lui tirer un coup de fusil. Le mort git dans une remise pendant que les participants se retrouvent pour un repas communautaire, l'occasion de garder le lien non loin du bûcher destiné au mannequin expiatoire. Il va flamber dans la nuit, lançant sur les braillards avinés dansant autour, pour finir avec panache, les nombreux pétards enfoncés dans sa paille. 

Et autour de Fleury sinon chez nous au village, heureusement que les médias ont annoncé le mardi-gras, sans cela un jour comme les autres ; il est vrai qu'une bande de courges tient à fêter carnaval à Toussaint, pour la fête des morts...  

Mamoiada_-_Costume_tradizionale_(20) 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Gianni Careddu

Références sur ce blog : 














CARNAVAL, pauvre CARNAVAL (1)

 Encore à traîner en Provence, à reporter toujours le départ au jour d'après, cette fois c'est à cause du calendrier avec les trois jours gras précédant le mercredi des Cendres que nous ne remonterons pas encore le cours de la Durance. 

Jusqu'au mardi gras en effet, essayant de sublimer la mangeaille parfois en dépit des réserves étiques à la fin de l'hiver, aurait-on fait subir son sort au cochon familial, nos gens festoyaient pour mieux accepter les quarante jours de privations précédant Pâques. Et pourtant le sens du mot carnaval parle d'enlever la viande... C'est aussi contradictoire que compliqué... Ultérieurement l'Église d'abord opposée à ces festivités par bien des aspects amorales les accepta de même que la contrainte de ne plus manger de viande pour finir par le jeûne de la Semaine sainte. Cette période festive païenne peut aussi associer ces réjouissances aux signes d'un renouveau, d'un printemps primesautier refoulant sans ménagement dans le passé la mauvaise saison d'hiver. La fête de carnaval autorisait de mettre à l'envers l'ordre établi, les servants se mettant à la place des maîtres, les pauvres des riches et les hommes se déguisant en femmes. 

Murs_banner 2013 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur panorama village A7

Chene_Murs 2007  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur A7

En Provence, le village de Murs, contrairement à ceux phagocytés par des célébrités, est connu pour son carnaval. Ici ce ne sont pas les propriétés avec piscines qui forcent l'admiration mais les vergers de cerisiers, d'abricotiers et avant tout un alignement de chênes vénérables dont un, pluri-centenaire, de 6,80 mètres de tour et 24 de haut...  Les Mursois ne sont pas 400 mais ce n'est pas le froid Mistral suivant de ses sursauts pénétrants les ruelles pentues du village perché qui va empêcher la fête (doit-on en parler au passé ?). Plus authentique que les touristiques et théâtraux carnavals des villes, celui des villages ruraux reste (restait ?) fidèle à des traditions remontant loin par le passé. Faut-il des anciens qui ne veulent pas laisser mourir leurs souvenirs ? ou bien des jeunes qui un jour ont à cœur de revivifier la coutume festive endormie ? Une maison bien achalandée en habits où des maquilleuses bénévoles opèrent est affectée aux déguisements. Pratiquement toute la population se retrouve fardée, déguisée, du mieux possible pour garder si possible son anonymat jusqu'au soir. 

Ane_de_Bessan 2008 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur anthrax5474
Faute de cliché disponible, dans l'Hérault où les animaux totémiques sont de sortie pour carnaval, s'il n'a pas plus la chemise que le soufflet, le meneur en blanc porte le bonnet de nuit des buffetaires tels ceux croisés jadis à Lespignan...
  

Ça défile, ça se regroupe là où les buffetaires peuvent mener leur ronde. Enfarinés, en chemise et bonnet de nuit, chantant leur paillardise, ils donnent du soufflet (lo bufet) vers le derrière du compagnon devant ou sous un jupon à portée... le carnaval tolérait la gauloiserie, la gaudriole. En bonne place aussi, le cortège des mariés et demoiselles d'honneur exclusivement joués par des hommes (logiquement le maire, le curé devraient l'être par des femmes...). (à suivre).  

Note : pour deux photos à Murs et non Lurs au carnaval de 2001 ! Carnaval au village : Caramentran à Lurs | Provence à vivre 

Source principale GEO n° 122 Avril 1989. 

Références sur ce blog :