mardi 3 mai 2022

LESPIGNAN (5) Un peu des quatre saisons...

"Et maintenant, taratata tantan, que vais-je faire ? De Lespignan pour ce que j'en dis... "Si quelqu'un veut prendre le relais, sur l'air de Gilbert Bécaud... Peut-être que de se pointer, les choses vont se décanter. Laissons-nous le temps d'arriver.  

A gauche, au bord de la route, le bâtiment de l'ancien bar-restaurant, le Mas des Lauzes. Un tel établissement en pleine campagne, ça fait un peu guinguette : une bonne table, trois musiciens, une piste de danse, un lieu où inviter sa belle... c'est qu'aux infos, ils ont dit que Reggiani aurait eu cent ans aujourd'hui... du coup j'imagine or ce que j'en dis... mon côté lutin gamberge un peu sur Casque d'Or avec Simone Signoret alors que mon côté paysan (les deux peuvent aller ensemble) retient les lauzes (1), ces dalles plates des murs de pierres sèches qu'on trouve dans ces collines, comme vers Nissan, Vendres, Salles et même Fleury (photo)très différents, en nature, forme et couleurs, de ceux de la Clape. 


L'accueil à Lespignan, c'est la grande cave coopérative à droite. C'était. Tout a été rasé, comme à Vinassan pour rester dans le coin. Tout se conglomère... Être gros est-ce pour survivre ? mieux résister aux crises ? faire plus de profits ? Une seule coopé à Nissan, héritière de la première de France (Maraussan 1901), regroupe les producteurs de onze villages dont Lespignan sur 3000 hectares au total. Oh ! rien sur le merlot sur le site des Vignerons du Pays d'Ensérune ! Parti ce vin de cépage, avec les deux grappes qui encadraient joliment l'enseigne sur le fronton. Si allégoriques, les raisins, quand on sort d'un pépin de vigne et que le battement de l'automne envoie un sang nouveau au bout du plus transparent des capillaires. De mon temps, le merlot de Lespignan était apprécié, d'ailleurs, il comptait dans le jumelage avec les Belges qui, pour la digestion, parcouraient en groupe le vieux village. A la place de la coopé, ils auront un supermarché. 

En face aussi les vignes ont été arrachées. Logiquement ce devrait être loti. En attendant la friche nous a offert le plus beau champ de coquelicots qui soit. 

La traversée du village est des plus pittoresques avec des tournants à angles droits et des caniveaux, du moins de mon temps pour les ruisseaux à découvert... Comment passer ou se garer si un semi-remorque s'est engagé : ce doit être la principale distraction de la terrasse si bien placée du café. En été, un portail ouvert propose ses melons avec, en prime, la fraîcheur bienfaisante de sa remise. 

Lespignan école_laïque_de_filles_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Wikimedia commons

Plusieurs tableaux illustreraient la traversée de Lespignan : les vendanges avec la coopérative, les coquelicots du printemps, l'été, les melons frais et la fête, plus loin, sur la place aux platanes mettant à l'honneur, derrière, l'école primaire, digne symbole de justice éducatrice, hélas perdue depuis, à propos d'un triptyque église-château-école, pardon pour la mairie que je ne situe qu'à peu près d'ailleurs. 

S'ajoute celui des premiers signes du renouveau, lorsque la fièvre des sèves montantes touche aussi les gens qui sortent, grisés par le réveil de la nature comme des sens. Des habitants qui perpétuent la mémoire des croquants en brûlant Carnaval pour se venger de l'hiver contre lequel ils sont bien démunis ! 
C'est subjectif puisque je le ressens comme une soupe à la grimace mais je reviens à ce que j'ai déjà exprimé dans ces pages (les fidèles qui épluchent le millier d'articles parus me pardonneront).

 "... A Lespignan, si la mairie classe son carnaval et la "Corbeille Jolie" dans les « temps forts » de la commune, les dragées, les quatre hauts de forme et les cannes à pommeaux ne sauraient nous faire oublier les meuniers et la bufatière (la danse du soufflet) des années 70... Obligé de regagner Lyon, le sourire plutôt forcé et le moral dans les chaussettes, je devais faire bonne figure pour passer au pas les nuages de farine et les masques moqueurs... Et que dire quand tout un passé se retrouve soufflé avec la démolition de la cave coopérative qui exposait ses jolies grappes au soleil couchant ? Dois-je ajouter, au comble de ma déprime, que me reviennent aussi les trognes rubicondes des Belges en goguette, ceux du jumelage, dans un pays de cocagne où le vin coulait de source ? Que reste-t-il sinon une journée de vendanges à l’ancienne ? Bien sûr que c’est bien pour les jeunes... Bien sûr que j’en deviens odieux... mais pour nous qui avons vécu cette époque et goûté, entre parenthèses, un fameux merlot d’ici, même s’il nous reste l’orchestre sous les platanes devant l’école, c’est surtout la boule dans la gorge qui ne passe pas...". 

(à suivre, qui sait ?)

 (1) issu du gaulois et peut-être d'une langue préceltique, le mot désignant une pierre plate, une dalle, une ardoise pour couvrir un toit, viendrait de l'occitan et du franco-provençal. A Vevey, en Suisse le mot "pierre loze" est employé en 1573. En Lorraine, une poutre lauzière est celle qui porte les ardoises. 

PS : c'est subjectif et partiel aussi les contributions de ceux qui connaissent ce village languedocien des abords de l'Aude seront-elles les bienvenues... je pense en premier à une photo de la cave coopérative que je ne retrouve plus dans mes albums.    


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