vendredi 31 mars 2023

VALRAS-PLAGE.

D’ici, face au Cers qui revigore ou fragilise, tant il sait souffler quand il veut, dans l’air transparent, la première chose qu’on voit en suivant la côte c’est l’immeuble de Valras. Depuis quand est-il là ? J’ai l’impression d’avoir toujours vu sa tour blanche, certes, parce que d’autres n’ont pas suivi autour, sans quoi nous aurions l’horreur de Benidorm avec la ronde des avions amenant les hordes peu recommandables de fêtards nordiques se croyant tout permis dès qu’ils sont à l’étranger.

 
Valras-Plage_aug_2011  Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Author Michiel1972

Valras, à l’origine, avant l’an 900, un petit village de pêcheurs.

En 1068, le village dépend de l’évêque de St-Nazaire (Béziers) avant de passer au prieur de Notre-Dame-de Grâce (Sérignan). À partir de 1266, les deux autorités s’en partagent la possession.  

En 1286, suite à une défaite navale aux îles Formigues (3-4 sept 1285) puis terrestre au col de Panissars (30 sept-1er oct. 1285) du roi de France Philippe III, hardi paraît-il, contre Pierre III d’Aragon, la flotte victorieuse d’Alphonse III, fils de Pierre III,  remonte l’Orb, brûle les maisons et pille Valras et Sérignan.

Jusqu’en 1630, à cause de l’insécurité en particulier liée aux incursions des pirates barbaresques et surtout du paludisme, les gens évitent de s’installer sur la côte. Si les villages de l’intérieur se dotent d’un point haut pour surveiller, la défense se portera au bord de la mer  Afin de prévenir contre tout danger d’incursion ou d’invasion, à l’initiative de Vauban, des redoutes seront construites le long de la côte (Valras, Vendres, Saint-Pierre, Gruissan...).  

Valras_Plage_promeneurs_-_Archives_départementales_de_l’Hérault Domaine Public Wikimedia commons

Au XIXe s., une ligne de tramway entre Béziers et Valras (1879-1948) accompagnera la mode des bains de mer.

En 1931, Valras se sépare de Sérignan et devient commune mais sur une portion vraiment limitée de territoire, réduite, exception faite de la portion rive gauche de l’Orb qui correspond à l’embouchure.

Mais que disait-on à la notre d’époque ? De ne surtout pas y acheter une voiture d’occasion au bas de caisse souvent rouillé à cause des entrées maritimes. Et puis, ne parlait-on de « ville ouverte » parce que des repris de justice y étaient assignés à résidence, tenus de pointer auprès de la police ? interdits de séjour ailleurs ?

Un dernier point concernant l’embouchure de l’Orb et les jetées, qui, contrairement à celles de l’Aude, accompagnent les eaux vers le nord. Une incidence autre sur l’érosion des plages et le rejet par la mer d’un afflux de bois flottés lors des crues des fleuves justifieraient-ils les choix opposés pour deux embouchures pourtant si proches (six kilomètres) ?  

Valras-Plage sud Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur montaron xavier Est-ce que les îlots artificiel sontefficaces contre l'érosion de la plage ? 

jeudi 30 mars 2023

ES SO QUE VEI DE SOUN OUSTAL

 Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne. 

" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963. 

 S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers.