dimanche 12 mars 2023

PAYS de SÉROU ou PAYS SÉRONAIS ? (1)

 VERS LE PAYS SÉRONAIS.

Entre Foix et Saint-Girons, sur 44 kilomètres, la transversale Perpignan-Bayonne, ancienne nationale 117, longe les Pyrénées ariégeoises avec le Massif de l’Arize, déjà le Couserans comprenant au moins trois chaînons supplémentaires jusqu’à la ligne de partage des eaux avec l’Espagne, des crêtes au-dessus de 2500 mètres d’altitude et des cols à plus de 2000 m., le moins haut étant le Port de Salau à 2087 m..

A l’entrée de La Bastide-de-Sérou, il faut prendre à gauche, suivre et remonter la vallée de l’Arize. 

PAYS DE SÉROU ?

On lit « Sérou » pour La Bastide-de-Sérou, Esplas-de-Sérou, Sentenac-de-Sérou pour indiquer que nous sommes dans le Séronais, peut-être l’ancien pays des Sérones, des Celtes, des Gaulois. Par la lignée paternelle, ma famille directe descend de Montagagne, canton de La Bastide-de-Sérou.

Nescus :  A Nescus, en 1976 ou 1977, un vieux paysan labourait encore avec une vache au port de corne fringant, joliment voilée sur les yeux d’un « pare-mouches » aux couleurs vives d’un rideau de coton espagnol, de ceux qui fleurissaient l’été, chez nous, manière de laisser la porte ouverte et de favoriser le courant d’air. Une vache pleine de curiosité pour l’intrus à l’appareil photo, de bon accueil et comme complice de ses compagnons humains, des petits vieux restés alertes, si vivants. Oh ! comme ils le dirent avec gourmandise et non sans un brin de solennité, que chaque année ils engraissaient encore le cochon... Oh ! j’ai déjà raconté ça, pardon. C’est la moyenne montagne mais Montagagne est déjà à près de 800 m, deux fois plus haut presque que Nescus en bas dans la vallée. Nous y étions déjà passés, à l’occasion d’un périple à Lourdes, pour compenser auprès de ma grand-mère devenue veuve, manière de remonter aux sources de papé, de donner corps aux terres que les aïeux, du côté des hommes, avaient dû quitter à la fin du XIXe siècle. L’école abandonnée avec encore une carte Paul Vidal de La Blache au tableau, les tombes du cimetière sans fleurs sinon celles en perles-de-verre des couronnes, dans les gris et les mauves, du cimetière, fanées qui plus est par le temps et les intempéries. Un autre couple de l’endroit, encore en forme, ouvert et hospitalier, les a menés dans le pré jadis de la famille... une verdure offrant un joli point de vue avec, en prime, la féerie de plusieurs centaines de papillons bleus. Dire que la moitié des papillons des prairies a disparu en 20 ans et que nous ne voyons rien, ni du mal, ni de la réaction susceptible d’y remédier... Au-dessus de toutes ces ailes bleues, le sentier vers le col des Marrous, la montagne de l’Arize.  




Nous sommes revenus à Montagagne, justement cette fois de 1976 ou 77. Les paysans de 1968, ceux du pré aux papillons, nous ont accueillis presque comme la famille, ils nous ont même gardé à manger... Ah qu’est-ce qu’on a pu bavarder et rire ! Et dire qu’il ne me reste plus que le souvenir de cette belle rencontre, comme avec les vieux de Nescus à la vache si coquette. On n’apprécie pas ces choses-là à leur juste valeur, au moment où elles passent. (à suivre)

vendredi 10 mars 2023

COUSERANS

 LE COUSERANS.

«... Mountagno, cad’an coumo la sandoulo ...            Montagne, chaque année comme l’hirondelle

Que tourno a soun nits quand ven lou printemps       Qui revient à son nid quand revient le printemps

Ieu tourni en ço tiéu, e, luèn de la foulo,                    Je reviens en ton sein, et, loin de la foule,

Me vau rebrembar le miéu jouve temps... »                Je vais oublier mes jeunes années...  

Augusto Teulié (1861-1920)

 
Vue_de_Massat_depuis_le_col_de_Péguère Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Daieuxetdailleurs

Laissons Montagagne d’où descendent mes ancêtres, une histoire de malnutrition sinon de ventres creux, de « Demoiselles » en guerre contre l’autorité oppressive interdisant les forêts aux défavorisés, pour pénétrer le Couserans où notre patronyme aussi est commun. Dedieu comme Paul (1933-2012), la petite sentinelle, arrière de Béziers et du XV de France qui y est revenu à la retraite et y repose ; Dedieu comme l’avocat de ce père qui, pendant onze ans, avait enlevé ses fils à la mère pour les élever en marge de la société, dans une ferme perdue ... .

Le Couserans, là encore le nom viendrait d’une tribu gauloise, les Consorans ou Consorannis de Jules César. En gros, même s’il déborde sur la plaine et s’il comprend le Séronais, c’est le pays du Salat et de son large éventail d’affluents : Alet, ruisseau d’Estours, d’Esbints, le Garbet, l’Arac, la rivière d’Alos. Autant de cours d’eau qui démarquent nombre de vallées riches de traditions, pour les principales vu que chaque ruisseau a la sienne et qu’ils se comptent par dizaines : de la Bellongue et ses nombreux villages ; du Garbet avec les eaux d’Aulus ; la vallée d’Ustou avec le ski à Guzet depuis 1960, le Cirque de Cagateille, le Mont Valier (par le ruisseau d’Estours) avec le seul petit glacier de l’Ariège, et ses ports vers l’Espagne accessibles seulement à pied, gardant le lien autant avec l’imaginaire qu’avec le passé  ;  la vallée de Biros avec la grotte de la Cigalère (concrétions de gypse uniques) et le gouffre Martel longtemps le plus profond de France et enfin la vallée de Bethmale où la prise de conscience ancienne a permis la sauvegarde des coutumes, des musiques et danses, des costumes traditionnels avec les fameux sabots pointus encore fabriqués.

Montjoie-en-Couserans  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Auteur Olybrius

De l’eau partout, d’ailleurs il a plu pratiquement à chacune de nos visites. Cela laisse songeur alors que la terrible période actuelle de déficit pluviométrique, une sécheresse depuis le printemps 2022 suivie d’un été caniculaire, de l’automne en manque, est plus qu’inquiétante. Est-ce que la couverture neigeuse qui semble sauver les stations de ski dont celle de Guzet, au pied de la ligne de crête, frontière avec l’Espagne, suffira, au moment de la fonte ? Devrons-nous évoquer des conditions heureuses et un bonheur perdu par rapport au passé ? Le Couserans, c’était des eaux courantes, des torrents partout, des sommets, des lacs d’altitude, des cols empruntés par le Tour de France (Portet-d’Aspet, de la Core, De Lers, mur de Péguère...), des cirques de montagne, et leurs cascades, des myrtilles, le plaisir des fromages, d’un folklore de tradition avec le dernier sabotier de la vallée de Bethmale par exemple... 

Le Couserans, terre des Mountagnols partis faire les moissons, les vendanges, ou colporteurs ou montreurs d’ours. Et à présent, où partir quand l’anthropocène, l’ère de la domination par l’homme des cycles naturels, opprime et affecte la planète entière ? Le Couserans, terre d’histoire qui vit les Demoiselles, les paysans, le visage noirci, déguisés en chemises de femmes, faire la guerre contre les abus des puissants. Peut-on faire un rapprochement avec la lutte antérieure des Camisards des Cévennes... et celle toujours d’actualité, contre la foutue réforme des retraites, une sacrée régression ?