lundi 22 avril 2019

UNE DALLE DE BÉTON IN MEMORIAM ? POUR OUBLIER LE DERNIER AFFLUENT ? (8ème partie).


Pot à eau, alcarazas, gargoulette.  Wikimedia Commons musée départemental d'Arts et Traditions Populaires de la Haute-Saône. Lou boutel devait ressembler à ça, non vernissé peut-être ?
La source à l’eau si appréciée, une femme remontant l’escalier, le boutel de terre déjà perlé de condensation... Je n’ai pas connu mais les maisons près de la fontaine, mon quartier, si... Joël, William habitaient à côté. Oui, et comme j’ai décalqué plus tard l’enfance, l’éternité, les guêpes, les nids d’oiseaux de la chanson de Nino Ferrer... Oui, la vigne vierge sur la maison, les toiles d’araignées dans la pénombre fraîche de la grande cave toujours close. Bon, pour l’automne et les confitures faudra repasser...


Oh pardon ! mais nous étions dimanche et pas n’importe lequel, celui de Pâques !

La semaine la plus forte du catéchisme. Avec Mademoiselle, la vieille fille, la tante de Bernard et Eric, sèche, en noir, mais bienveillante, toute d’affection contenue, avec ces pénitents à la cagoule rouge sang de la Sanch à Perpignan  jamais je n’ai été si proche et impressionné par la semaine sainte. Fasciné, bouleversé, humble, contraint tel le vilain d’un premier Moyen-Âge, épouvanté par les diables et les flammes de l’enfer, repentant et soulagé un temps avec les cloches revenues du dimanche sonnant la liesse et qui libèrent, alléluia pascal...



Mais les maisons „près de la fontaine“, là où les eaux de l’Étang ressortent à l’air libre pour s’allier à la source du Bouquet, il faut les voir au printemps quand la saison tourne à l’été dans le parfum suave des fleurs d’acacia, les comptines ou les rondes des filles, Jackie, Marie-Claude, Martine... invitant dans leurs chorégraphies bien réglées les garçons qui se font prier : „Tu mas volé dans mon château, une bouteille de Pernod...“. Puis, dans le silence retrouvé, les piaillements des muraillets (moineaux) dans les trous des murs, les trilles mélodieux des verdets et catarinettes (verdiers et chardonnerets). De l’autre côté de l‘avenue, peut-être déjà, les pompes à essence du poissonnier des sardines et maquereaux des Cabanes mais aussi aux langoustes des jours de noces et d’exceptions. A côté le tilleul de l’institutrice du temps jadis qui prépare ses fleurs aussi, toujours là... 

Le ruisseau du Bouquet, par contre, au grand jour, sur un lit de ciment, mais libre, n’est plus visible, n’est plus audible, enterré qu’il est sous ce qui est devenu un parking... là où je ne connaissais qu’une seule automobile, l’impressionnante Ford Vedette de la maison de maître, derrière, avec ses grilles et son parc. Il n’empêche, il est là, on entend le chant de l’eau au fond du jardin public (1). 
 
Ford_V8_Vedette_(1952) Wikimedia Commons Author AlfvanBeem
 
Le jardin public en lieu et place de La Batteuse (1973) / Diapositive de François Dedieu. 
Au-delà, dans son contournement du village, il y a (il y avait, c’est terrible comme le passé reste présent !) le lavoir
„ Connaissez-vous les lavandières, les lavandières de Fleury, qui pèlent les gens par derrière, à coups de ragots et de on-dit...“. Pardon, pour l’exotisme des années 50, ce sont les lavandières du Portugal qui passent à la radio.

Accolés, ultérieurement, les bains-douches des Pérignanais n’ayant plus à aller à Salles pour être propres. Ne manquaient, pour la trilogie, que les cabinets municipaux perchés sur leurs fosses d’aisance, des commodités au nombre de deux avec un robinet entre, où les femmes venaient vider puis rincer le pissadou, le pot de chambre... Ce qui ne m’a jamais gâché le parfum épicé des giroflées à quelques pas de là... 

Source IGN geoportail quia le grand mérite de proposer des photographies aériennes entre 1950 et 1965. Pour Fleury, je pense que les vues datent de la fin de la période : les cabinets ont déjà été démolis. 
 Voir éventuellement

 https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/avec-des-fleurs-et-des-chansons-fin-je.html



(1)   Voir l’épisode précédent
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2019/04/laqueduc-souterrain-de-fleury-4eme.html

samedi 20 avril 2019

L’AQUEDUC SOUTERRAIN DE FLEURY (4ème partie) / Fleury d'Aude en Languedoc.

Long de 1000 mètres a quicon proche, à quelque chose près, le tunnel évacue l’eau de l’étang. De l’entrée à la sortie, le dénivelé est de quatre mètres (entre 30 et 26 mètres d‘altitude). Contrairement à la direction générale, son parcours est plus sinueux. Le creusement s’est fait par tronçons raccordés depuis des puits verticaux au nombre de 20, inégalement répartis et paradoxalement moins nombreux au passage difficile : les plus profonds (11,5 m.) se trouvant dans le contournement du moulin, au lieu-dit “ Les Traoucats ”. 

Le Chemin des Arbres Blancs / Vue prise en direction du village / un regard en béton d'un des puits de l'aqueduc est reconnaissable au bord du chemin, à droite.
 
Ce même regard, vue prise vers le sud.


Au pied sud du moulin. A l'arrière-plan, le chemin dit "de Vinassan" avec l'entonnoir nécessaire au déblaiement de l'éboulement des années 1830. 

C’est la partie la plus délicate. Les Chroniques Pérignanaises relèvent que pour libérer le passage, suite à un éboulement causé par un trop fort débit, on dut creuser un entonnoir afin d’accéder à la partie bouchée (Conseil municipal de 1836).

En 2012, un article du Midi-Libre informe que la municipalité a confié la gestion du souterrain au Syndicat Mixte du Delta de l’Aude, l’entretien des fossés en amont et de l’aqueduc ne pouvant plus être assuré par l’association des propriétaires riverains. Une inspection de l’ouvrage a permis de dresser un état des lieux. Suite à la visite menée par trois courageux dont un hydrogéologue et un ingénieur, le constat est rassurant. Si le secteur des Traoucats (Troucats sur la carte IGN) doit être consolidé, la sédimentation qui a jointé et cimenté le conduit a joué ce rôle.
Concernant la construction à l’origine ou les réfections ultérieures, l’article précise que la „partie qui date du XIIIè siècle est en bon état“ et la plus récente „en très bon état“. Néanmoins des racines sont à éliminer et des puits et accès doivent être sécurisés.     

 https://www.midilibre.fr/2012/04/03/l-aqueduc-souterrain-de-fleury-est-il-en-bon-etat,480816.php

Sur le site de la mairie de Fleury on peut lire : Il faudra en effet attendre l’occupation romaine, dont témoignent l’immense aqueduc souterrain qui fournissait le village en eau potable (c’est la fontaine du Bouquet qui est évoquée, des escaliers permettaient d’y accéder encore à la fin des années 50, après le passage sous l’Avenue de Salles, le ruisseau se retrouvait à l’air libre, à partir de là. Mais à partir de quand a-t-il reçu les effluents de la Cave Coopérative, certes sains, puisque nous y cherchions les gros lombrics comme appâts, mais incompatibles avec une source d’eau potable ?). Au milieu d’indications historiques par ailleurs très intéressantes, de la part du rédacteur, le conditionnel “ témoignerait ”, eût été préférable.

http://www.communefleury.fr/decouvrir/un-peu-d%E2%80%99histoire/de-la-prehistoire-la-rome-antique

Visiblement tout n’est pas encore dit sur l’aqueduc souterrain de Fleury !

* Les Traoucats (les terrains troués) liés au volcanisme dans les on-dit du village, à rapprocher des apports plus scientifiques  :

« Lous veses lous Traoucats ? », « Tu les vois les Traoucats ? » disait l’oncle Noé à tante Céline alors que depuis la maison de mon père on ne peut que deviner l’endroit à droite du moulin. Le promeneur peut y remarquer un trou d’importance, en entonnoir, laissé en friche. Certains ont parlé de bombe, d’autres d’une bouche de volcan. L’oncle, lui, y faisait des trouvailles étonnantes (j'ai entendu parler d'une horloge qu'il sut remettre en état), le trou servant de destination à des escoubilles variées, moins volumineuses que nos encombrants et déchets d’aujourd’hui. 


L'aqueduc souterrain passe sous cette vigne aux abords du village, derrière l'Horte.

Après le puits n°20 qui s’ouvre dans une maison de l’avenue de Salles, l’aqueduc souterrain débouchait, nous l'avons dit, au niveau de la source du Bouquet, accessible par un escalier et offrant une eau appréciée. De nos jours, il faut rejoindre l’autre entrée discrète du jardin public, côté Salle des Fêtes, et chut, au fond d‘un regard fermé par une grille... “ L’entendez-vous, l’entendez-vous... ”, le gentil ruisseau dans son tunnel, cette eau qui nous vient des garrigues de la Clape et de ces terres gagnées sur ce qui fut un lac poissonneux ?

Et même s’il est utile de nuancer un historique trop monolithique car toujours écrit sans nuances aucunes par les dominants, libéré des contingences historiques (qui doivent donner à réfléchir et surtout pas à asséner des certitudes par essence doctrinaires), plutôt que d’ignorer, il est bon, en regardant le moulin, de savoir que dessous passe l’aqueduc souterrain de Fleury : une jolie histoire à raconter aux enfants après avoir tendu l’oreille, au fond du jardin public, sur  le babil mystérieux de l’eau qui court sous terre... Pour les pesticides et glyphosates, nous leur dirons une autre fois... plutôt que de gâcher une jolie histoire par des préoccupations inquiétantes      

PS : des photos manquent dans la rédaction de ces articles. Si quelqu'un veut bien mener une expédition au bout du monde pour des clichés sur le ruisseau du Bouquet, des garrigues de la Clape à la plaine de l'Aude... Avis aux explorateurs qui ne rêvent pas systématiquement de Grand Nord ou d'Amazonie...