jeudi 6 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (3) / 1907. Hauts et bas dans la viticulture.

Lucien a fait ses études à la ville (l’auteur craint de la nommer... Perpignan ?). Il prête ses livres à Claire, d’une instruction comparable, qui est bien la seule à fréquenter dans le village. Tolza dresse un tableau de la société, des quelques riches qui ont peur de tous ces pauvres, des pauvres qui, une fois les élections passées, sont trop pris par la vie qu’ils endurent pour avoir l’idée de se révolter, ces mêmes pauvres qui ne supportent pas qu’un des leurs réussisse.  

«... La vigne les pliait à nouveau vers la terre ingrate, nouait leurs genoux, durcissait leurs cœurs. Leurs vies puisaient à la même source de misère et leur consolation se contentait de peu... /... Il y avait eu, dans le temps, des années de désastres. Le phyloxera d'abord qui avait jauni les vignes comme un mauvais vent. On en gardait le souvenir d'un combat à armes inégales ou d'une malédiction. Peu à peu, les ceps avaient dépéri, toutes feuilles ratatinées comme celles des choux montés. Il avait fallu tout arracher, tout replanter, attendre les premiers rendements... Puis vinrent les années de vin aigre. Ç'avait été, durant des semaines, des vendanges sous la pluie, dans un demi-jour morne. La récolte abondante commençait à sortir des tonneaux que, comme un feu follet, le cri naissait au fond des caves :
- Le vin se pique ! Le vin se pique !
Les rigoles, pendant des mois, déversèrent vers le Daly un flot rouge où les moisissures faisaient des îles de corail. Jusqu'à la dernière cuve, la vendange coula, narquoise au seuil des portes, vomie comme un vin mal digéré. Aux approches du village, la même senteur veillait... »  


  L’auteur situe son intrigue au début du XXme siècle, peut-être évoque-t-il 1907 :
 

«... Puis il y eut de longs cortèges dans tous les pays de vignobles ; de grands drapeaux rouges battirent aux vents leur protestation contre le vin à deux sous... /... Elle avait le souvenir des trains pris d'assaut par des troupes que la misère enrôlait sous les mêmes oriflammes... /... Il y eut des années maigres et des années d’abondance, des hauts et des bas, des hauts surtout qui donnèrent le coup de grâce... »  

  

En ces temps troublés, quelques uns achètent des vignes à bas prix, quitte à emprunter, rendant jaloux les plus frileux qui en arrivent à leur souhaiter une mauvaise récolte.

  

Tolza présente ensuite Adoracion, de son vrai nom Angélique, née de vendangeurs espagnols qui n’avaient pas voulu repartir chez eux. Le père, ivrogne, finira mal :
«... Une nuit de mars, une auto le faucha à la sortie du café dont la porte s’était refermée rapidement sur le froid de la route... ».

Chez le percepteur, madame Bastide incite celui-ci à se débarrasser de son employé, après ce qui est arrivé.
Quelques traits sur le percepteur :le village raconte qu’il décolle les timbres non oblitérés pour les réutiliser
«... En lui subsistait la parcimonie du « montagnol » ariégeois... »  

mercredi 5 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (2) / Espagnols, mountagnols, commérages...

Dans sa chambre, Lucien songe tandis que :
« les platanes de la placette respirent la nuit avec un bruit fluide de feuilles... »
«... En bas, dans la vallée, miroite le filet d'eau du Daly que l'été finit de boire...» 
Le Daly serait-il une interprétation de l’Agly, fleuve côtier venu des Corbières ? 


Il s’en veut de s’être mis à l’écart des misères des hommes.
« Il les aime parce que, dans ce pays, l’acharnement du ciel et de la terre à détruire leur bonheur a quelque chose de tragique ; que s’abat, au milieu de l’été brûlant, l’orage de grêle qui dévaste, aussi imprévu, aussi subit que le destin : que s’installe et dure et persiste encore, jusqu’à la cruauté, la canicule impitoyable dans un ciel innocent ; que la tramontane défait, d’un geste délibéré et en plein ciel, les plus belles promesses de récoltes, cueillant les fleurs et les épandant sur le village désolé comme une dérision... »

« ... La promenade, elle, amarrée au bord du Daly, avait l’air d’une de ces bâches vertes dont les rouliers « ariégeois » recouvrent les charretées de foin quand ils descendent de la montagne... » 


C’est vrai qu’avant les Espagnols étaient les mountagnols, ceux qui descendaient dans la plaine pour les grands travaux, moissons vers le Lauragais, vendanges chez nous vers Narbonne, commodément appelés ainsi parce qu’ils venaient des montagnes, du Massif Central ou des Pyrénées, qui bordent notre amphithéâtre méditerranéen.

  

On apprend que Lucien travaille chez monsieur Bastide le percepteur et qu’il a Claire... 
«... fiancée découronnée qu’un destin aveugle vient d’anéantir parmi ses rêves... »
Un jour de fin d’été, au cours d’une balade, il vient de cueillir des raisins :
«... On y voyait de vieilles souches, musclées comme des bras, barbues, nourries de terre saine. Les raisins, portés haut, préservés des dangers du sol, étincelaient au soleil. Il y avait des grenaches serrés comme des poings noirs, des picpouls aux teintes de pigeon, des muscats dont les grains avaient la transparence des prunelles claires... » 
C’est alors qu’il croise Adoracion, la petite simplette qui travaille chez le Corse, le mari de Philippine, revenant elle aussi avec un panier.
On dit qu’il aurait abusé d’elle. 

Sa mère doit résister aux commérages perfides :
« ... les bonnes (nouvelles), on y intéresse le plus de personnes possible, au grand jour. Les mauvaises on n’a pas l’air de le dire, on les enrobe comme des pilules ; on tâche à les ouvrir sans les déflorer... »
«... Non on ne lui dirait pas :
- Ton fils est un foutu vaurien.
C’eût été trop beau cette bataille.
Mais plutôt, chez l’épicier, au milieu de la place, là, cernée de regards, ou peut-être dans le fournil du boulanger :
- Ce n’est pas vrai, Nane, ce qu’on raconte. Que les gens sont donc méchants... » 

     

Suivent six pages qui expliquent le mariage de Nane avec Jaume, la façon dont ils articulent leur ménage, la petite qu’ils ont perdue, tout ce qu’elle a fait pour que Lucien échappe à la terre. 

 

Photos autorisées : 
1. Agly Author The original uploader was Leguy at french Wikipedia. 
2. Fabien grenache noir.  
3. picpoul noir Author Vbecart 
4. Muscat_blanc_et_Muscat_noir Auteur Jean-Marc Rosier