jeudi 26 décembre 2024

NOËL d'avant au village

Si les jeunes se sont organisés : Norbert (1924-1989), mon parrain et ses copains au café, ont le sanglier, gibier alors rare avant 1950, au menu. Sinon le réveillon familial n’est pas de mise encore ; le temps de mettre les petits souliers au pied du pin de Noël, d’éteindre la lumière chiche de la crèche, avec ou pas encore le petit Jésus, et hop ! au lit. 

La_Maison_Forestière under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic license. Auteur zigazou76


Le sommeil fait émerger plus vite que prévu. Les yeux gonflés mais aux anges, l'heure est à déballer le papier cadeau sans le déchirer… il pourra servir, qui sait ?.. Gentil Papa Noël a gâté une fois encore avec la Maison Forestière conçue dans le Jura, la boîte de Meccano, les autos Solido, les 45 Tours de contes ou Chansons Enfantines. Parmi les cadeaux marquants, les différents lotos, fleurs, animaux… ah ! celui des oiseaux ! un puzzle des départements, un jeu de société d’itinéraires en France des spécialités entre le nougat de Montélimar, la madeleine de Commercy et l’andouille de Vire, plus tard, le premier Monopoly d’une modernité très plaisante. Dans les présents des plus marquants « Les Lettres de mon Moulin » illustrations de Pierre Belvès, un “ beau livre ” dont je caresse encore la couverture si je passe à côté… Des plus marquants aussi « En Campagne avec Napoléon », un autre livre pour ne l’avoir pas plus ouvert que lu, non pas en référence prématurée à l’homme providentiel hélas souvent autocrate mais parce que instigué par un adulte de référence ayant pourtant vécu Pétain… Ce jour des cadeaux s’accompagnait aussi de rappels moraux : l’orange laissée sur la cheminée jusqu’à pourrir à force d’être regardée, les enfants qui n’auront même pas droit à un bonbon, un chocolat… Zut, c’est que, après « Sans famille » d’Hector Malot, « Oliver Twist » de Dickens, de ne pas mériter ces faveurs, d’avoir à me sentir coupable gâche assez mon plaisir… J’aime plutôt l’histoire vraie du bras cassé de notre petit Jésus dans la crèche.


Et ce n’est pas tout ; avant la messe tant que celle de minuit ne nous est pas permise, il faut faire la tournée des arbres de Noël de la famille pour revenir, encore les bras chargés. 

Dernière étape avant un après-midi en famille, non sans une balade si le temps y consent, le repas traditionnel avec les huîtres encore de l’Atlantique, la dinde souvent à la broche… tout un cérémonial devant un feu nourri de souquets, la lèchefrite, le mouvement d’horlogerie et le cliquetis du remontage, le flambadou qui lance ses flammèches de lard pour une peau craquante et bien rôtie. En dessert, le bras de Vénus en guise de bûche… enfin, pour les grands, le café et éventuellement le petit verre de liqueur souvent maison, à partir des extraits Noirot…

mercredi 25 décembre 2024

LE TEMPS DE NOËL

C'est vrai que les sites pratiques, s'ils aident à retrouver une minette égarée, lancent la pub sur un acteur économique local ou mettent en avant une propagande politique, ne font pas tout. En complément sinon plus, un Triangle d'Oc apporte à une attente moins terre à terre. En accord avec la charte mise au point par son promoteur et que j'espère définitive, un petit souvenir d'une veille de Noël que je me suis dépêché de boucler... avec juste une image... C'est comme pour « le Bonheur est dans le pré », le poème de Paul Fort : « Cours-y vite... », parce que, même pour une journée appelée à se prolonger, ce 24 décembre va vite passer...     

En pensant à tout ce temps où, pratiquants ou non, croyants ou pas, de force ou de gré, beaucoup se retrouvaient à l'église, lieu de la cohésion villageoise depuis des siècles, je veux vous parler d'une époque pas si lointaine où la religion continuait à compter beaucoup et ce, chez nous comme partout, à Fleury. 

À la messe dominicale, lorsque l'abbé Boyer, psalmodiant tel un grand prêtre, rappelle « En ce premier dimanche de l'Avent, Jésus dit à ses disciples... », malgré le copain facétieux qui derrière enchaîne «... j'ai du bon tabac dans ma tabatière... », malgré madame Julia (l'intendante... la bonne du curé) qui se doit d'intervenir mais ne fait qu'aggraver nos fous-rires, si nos facéties se répètent, l'approche de Noël remet chacun en question. Bientôt dans une des chapelles, les bigotes auront monté la crèche sur fond de papier kraft arrangé pour figurer une grotte abritant une étable. Autour d'un creux seulement rempli de paille, en cercle, les statues de Joseph, de Marie, des bergers, de l'âne et du bœuf qui avec les moutons réchaufferont l'air. 

Chez nous, les adultes de la famille, eux qui n'iront pas, ne manqueront pas de demander si nous avons fait le geste de la voir, cette crèche, après l'office. Un enfant vient sauver le Monde, nous n'avons pas idée de nous questionner sur la virginité de la mère, un état et des mots qui nous sont complètement étrangers. 

Dix jours avant le vingt-cinq, la magie de Noël appelle, toujours depuis l'église : après l'angélus, les cloches sonnent nadalet, le petit Noël. Sans sortir dans la nuit froide, afin d'entendre, les enfants sont invités à pencher la tête sous le manteau de la cheminée. 

Fragon, petit houx, verbouisset... 


Les maisons aussi préparent Noël : avec parfois des santons, la crèche a trouvé refuge sous la branche de pin sinon un jeune arbre coupé, les sapins ne sont pas courants alors. De leurs vadrouilles dans la garrigue, les enfants ont rapporté du verbouisset, du petit houx, vert et rouge, exactement les couleurs d'un second Noël, qui s'est associé à la fête religieuse, celui du grand-père à barbe blanche apportant les cadeaux. À la radio, on entend « Mon beau sapin », « Vive le vent d'hiver », « Douce nuit », et Tino Rossi chante « Petit papa Noël »... 

Il ne manque que la neige, celle qui fait rêver les enfants des pays trop comblés de soleil et de températures plus clémentes. J'ai plus de dix ans mais cette magie demeure : je me souviens d'un vingt-quatre décembre, comme souvent, à faire la navette entre chez moi et la maison des grands-parents, peut-être seulement pour une raison : des flocons voltigent. Je me suis arrêté sous l'auvent de l'épicerie de Jeanne, anciennement la Ruche du Midi des Molveau, les yeux levés vers cette neige qui danse et tourbillonne sous le néon (le village avait remplacé ses ampoules par un éclairage moderne !). Des hommes sortent de l'apéritif, du café plus loin, col relevé, menton baissé, l'un d'eux parle fort pour qu'on l'entende. Ils passent sans me voir, sauf un, Jeannot Tailhan qui s'étonne de ce que je fabrique, ce que pour rien au monde je ne confesserais... 

... Que la neige tienne et pour la messe de minuit ce sont les métayers des « Trois Messes Basses » qui vont monter pour la messe au château. Ils montent comme Fernandel en brave moine vers la terrible auberge rouge sauf qu'eux, comme Garrigou et Don Balaguère, profiteront d'une hospitalité plus catholique, relevée exceptionnellement par les dindes truffées du réveillon. 

Les Noëls Blancs faisaient rêver les enfants du Sud ignorant que dans la fin de cette décennie, ils iraient quand même passer un jour à la neige avec le car...