samedi 21 décembre 2024

Avant CHIDO, le cyclone ravageur

 
Photo en date du 7 décembre 2024, de mon ami Armand, vivant dans le sud de Mayotte

«... Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne... »
« Parfum exotique », Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire, 1868

Si, pour avoir souvent croisé le père de famille revenant à pied de sa journée au champ souvent lointain, lourdement chargé de ce qu'il a récolté pour nourrir sa nombreuse famille, qui plus est, soit dit entre nous, d'une humanité remarquable, prenant le temps de poser tout son bagage à terre pour s'enquérir de ma santé et celle de ma famille, il faut bannir le côté paresseux malheureusement évoqué par Baudelaire, tout le reste résume admirablement le sentiment suscité par Mayotte, daterait-il de trente années en arrière et pour le poète des « Fleurs du Mal », de plus d'un siècle et demi... D'ailleurs, notons la contradiction exprimée : le corps mince et vigoureux des hommes atteste de leur attitude volontaire et responsable... 
À moins que je ne fasse erreur dans mon interprétation à cause d'un mot malheureux, souvent lapidaire dans la bouche de gens mal disposés. Désolé de ne plus me fonder aux explications de textes pré-baccalauréat mais l'auteur peut parfaitement justifier son « île paresseuse » s'il se réfère à l'échelle géologique du temps, voyant une île tropicale volcanique s'affaisser petit à petit avec la création d'un lagon précurseur à terme de la création d'un atoll, comme aux Glorieuses. Va pour l'île « paresseuse » de ses millions d'années de lente évolution toujours en cours...   

Oui, il y a trente ans en arrière (à présent, les pères nourriciers sont motorisés, les femmes souvent libres, autonomes et le commerce, moyennant espèces sonnantes, apporte bien des commodités), comme aujourd'hui, les photos d'Armand en attestent, Mayotte, du moins  « en brousse », à la campagne, hors la jungle des bidonvilles agglutinés à la capitale et Petite-Terre, garde beaucoup d'un paradis perdu avec dès l'atterrissage (bien que devant le dire aujourd'hui, au passé) l'étonnant regard direct et souriant des femmes sur la barge entre les îles.  

vendredi 20 décembre 2024

PROVENCE du RHÔNE (22) Fontvieille et Daudet.

Le château de Mont*** écrit Daudet, à présent nous pouvons dire son nom « Montauban ». 

Il ne s'en cache pas, Daudet Alphonse : lorsqu'il se retrouve à Fontvieille, il réside au château de Montauban « ... qui se termine en muraille de mas campagnard », propriété d'une vieille famille provençale. Une dame âgée bien qu'alerte encore, veuve de longtemps, dirige le domaine d'oliviers, de vignes, de blés, de mûriers. Daudet y arrive sans prévenir, accueilli à bras ouverts comme s'il était le cinquième garçon de la maison. Il sait aussi les noms de Miraclet et Tambour, les chiens de chasse et aussi Miracle qu'il a tôt fait de siffler avant de monter à “ son moulin ”... 


« ...Une ruine, ce moulin ; un débris croulant de pierres et de vieilles planches, qu'on n'avait pas mis au vent depuis des années et qui gisait, les membres rompus, inutile comme un poète [...] Dès le premier jour, ce déclassé m'avait été cher, je l'aimais pour sa détresse, son chemin perdu sous les herbes, ces petites herbes de montagne grisâtres et parfumées, avec lesquelles le père Gaucher composait son élixir, pour sa plate-forme effritée où il faisait bon s'acagnardir à l'abri du vent, pendant qu'un lapin détalait ou qu'une longue couleuvre aux détours froissants et sournois venait chasser les mulots dont la masure fourmillait [...] je dois beaucoup à ces retraites spirituelles ; et nulle ne me fut plus salutaire que ce vieux moulin de Provence. J'eus même un moment l'envie de l'acheter ; et l'on pourrait trouver chez le notaire de Fontvieille, un acte de vente resté à l'état de projet, mais dont je me suis servi pour faire l'avant-propos de mon livre. Mon moulin ne m'appartint jamais... » 

« Ah ! Gringoire, qu'elle était jolie la petite chèvre de M. Seguin, qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier... » 
Ce sont les pages de gardes, assurément destinées aux enfants... 

Étant bien entendu que pour n'avoir jamais lu « Ce que c'était que mon moulin » introduction aux Lettres de Daudet, soixante-six ans plus tard, en cette veille de Noël 2024, François se dut d'admettre cette révélation. Quoique subodorée à la suite de rumeurs, médisances et ouï-dire, bien que coupée à l'eau par les années passées, son enfance venait encore de perdre un copeau de sa magie originelle. L'enfance qui veut tout et tout de suite, oblige, sans transition aucune, à rentrer dans le vif du sujet, dans ce qui suscite l'émotion immédiate, en adéquation avec l'âge telle celle instillée par « La Chèvre de Monsieur Seguin » puis « Le Secret de Maître Cornille », tant il est vrai que « Les Lettres de mon Moulin », suivant la “ lettre ” choisie, restent savoureuses à tout âge, de sept à soixante-dix-sept ans pour reprendre la formule consacrée. 

Le moulin de Daudet ou presque...

Le livre, François l'a sous la main, avec les illustrations de Pierre Belvès (1909-1994) (1), présentes en premier lieu pour le plaisir des enfants. Et comme pour faire une caresse au gosse qu'il fut, l'assurer qu'il lui restera fidèle jusqu'au bout, il ne manque jamais d'effleurer du dos des doigts le moulin dépenaillé, la porte cloutée, les meules au rebut, les lapins et le hibou de la couverture, la vie qui s'accroche en dépit des apparences. 

Alphonse_Daudet Domaine public Auteur Étienne Carjat (1828-1906)

  (1) Pierre Belvès a travaillé principalement dans la littérature pour la jeunesse. « Roule Galette », « Le Vilain Petit Canard », sont de lui. Créateur du premier atelier pour enfants dans un musée (1952), il s'est efforcé d'apporter à la pédagogie, à l'apprentissage de la lecture. (source IA Qwant).