vendredi 16 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (16).

Barge / Florian.

Mercredi 14 août 2024. 3h 30. C'est ce matin. Tout en bas, à Mayotte, ils sont dans la barge, c'est aujourd'hui l'envol, leurs trois cœurs qui changent de pays. La fille qui l'accompagne, qui aujourd'hui accompagne leur fils jusqu'à l'avion puisqu'il s'envole étudier à la Réunion ; Florian, pas encore dix-huit ans, quitte le nid... nouvelle vie, un studio... pourvu qu'il ne fasse pas de mauvaise rencontre... et lui, tout en haut, au bout de l'Aude, à faire réviser ses organes moteurs, à faire profiter sa vieille maman (du 4 décembre 1924) de la maison paternelle, si pleine toujours, de son homme jusqu'au bout aujourd'hui disparu (grand-père et père né le 31 juillet 1922). D'habitude, le mal de dos le réveille mais pas si tôt ; cette fois, c'était dans l'épaule, nerf coincé ou rhumatisme remontant dans la nuque ; idée du paracétamol, sauf que c'est parti comme c'est venu, non, il ne faut rien en déduire, faut pas analyser, c'est comme ça, pas un signe de quoi que ce soit, peut-être simplement psychosomatique, le physique et le mental indissociables.

« …Mon enfant, mon petit
Bonne route... Bonne route
Sur le chemin de la vie
Nos deux cœurs vont changer de pays. » Reggiani. 

Non, Serge, juste un nouvel équilibre à trouver, la tristesse certes y voit une déchirure, pourtant faut pas laisser le cœur s'emballer dans cette impasse, faut le poser, le calmer, le raisonner, tant que la vie le porte, lui et ceux qui lui importent, tout continue à condition de ne pas se laisser embarquer sur le mauvais chemin, morose, stérile... Surtout qu’il faut penser d’abord penser à celui parti se coltiner aux aléas de la vie, pour lui qu’il faut se faire du souci. Dix-sept ans seulement, du jour au lendemain, une première fois brutale, seul dans un studio, à meubler. Au moins qu’il ne lui arrive rien, qu’il reste en vie... la sienne est aussi la leur... Les enfants quittent le nid un jour, à chacun son itinéraire, mais le voyage commun doit se partager jusqu’à l’échéance ultime… La vie n’est qu’une plaisanterie se finissant toujours mal mais qui s’accepte tant que la logique de la vieillesse prévaut, tant que les vieux partent les premiers… 

Dassault_Rafale_C_‘122_4-GA’ 2017 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license. Author Alan Wilson

Mercredi 14 août 2024, dans un jeu télévisé suivi, la candidate a gagné 20.000 € pour n’avoir pas oublié les paroles de Reggiani sans qu’il y ait quoi que ce soit à déduire, c’est comme ça… Mercredi 14 août 2024, deux Rafale se percutent au-dessus de Colombey-les-Belles causant la mort d'un capitaine-instructeur et de son lieutenant-élève (l'autre pilote est retrouvé sain grâce au siège éjectable. 

Flo envoie des photos de l'aéroport. Départ prévu à 9h 20 (8h 20 au bord de la Méditerranée, 10h 20 à la Réunion).

Alors, cette remontée du Rhin fera-t-elle diversion ?

C’était un 20 juin, une étape entre Colombey-les-Belles et Francfort, par le Luxembourg, la Moselle et le Rhin. 

la Tour des souris du château Ehrenfels 2008 Domaine public Author Brühl

Un méchant archevêque aux greniers débordant de blé, refuse toute aide aux affamés... Alors que, les entendant mourir, il moque leurs gémissements de souris, des rats surgissent de partout et poursuivent le prélat jusque dans la tour de l'île où il sera dévoré vivant. Une légende qu'on pourrait rapprocher de celle du joueur de flûte de Hameln, encore à propos d'une invasion de rats. Les légendes ne procèdent pas d'un claquement de doigts, même plus ou moins transposé, le réel en est toujours à l'origine, au point de logiquement en déduire que les populations ne pouvaient rien contre la prolifération des rongeurs, les famines, les pandémies de peste, la prédation soldatesque. Quant à l'archevêque, il se retrouve archétype du favorisé exploiteur. La légende le punit ; en guise d’exutoire aux vaines rancœurs du peuple, elle venge les gueux, aussi virtuellement qu’une promesse de paradis… 

Sur cet îlot dépendant plutôt du château Ehrenfels, sur l'autre rive, bien que Bingen en soit propriétaire, la tour et un bâtiment des douanes prélevaient un péage, ne serait-ce que sur les marchandises. 
Sur l'autre rive, la droite, sur la hauteur de Rüdesheim-am-Rhein, le monument, le Niederwalddenkmal (38 m. de hauteur, 75 tonnes), à la gloire de l'unité allemande sous Guillaume Ier empereur... exceptionnel de la conception, à sa réalisation (1877), en passant par la souscription, le monument dominé par Germania (12,5 m.), la statue symbolise la dignité d'une nation qui, suite à sa victoire sur la France, retrouve à jamais “ le Père Rhin et sa fille Moselle ”... Décédé vingt ans auparavant, Heinrich Heine aurait-il célébré une Germania aussi blonde que la Lorelei ?

Frankfurt_Airport_Lufthansa_Boeing_747-430_D-ABVZ_(DSC09573)2023 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author MarcelX42

Ils dépassent Mainz, capitale du land Rhénanie-Palatinat (presque en face de Wiesbaden, capitale du land de Hesse).  
145.572 km., 19h 10, Florian a guidé sur cette route 43 à Raunheim, à gauche de leur itinéraire. C’est qu’il veut “ spoter ”, comme disent ces amateurs jamais lassés des aéroplanes (1), à savoir multiplier les vues et vidéos suivant le type d’avion, les compagnies et il y en a toujours un qui doit se pointer, qui vient de loin, un gros qu’il ne faut pas rater, surtout aux abords d'un des aéroports les plus fréquentés d'Europe, celui de Francfort. Le coin n’est pas choisi au hasard, par vent d’est, c’est ici que les appareils à basse altitude survolent en vue de l’atterrissage, sur deux trajectoires parallèles ; en bordure de Raunheim, la ville bordière, un énième giratoire permet de stationner là où une sortie “ de service ” peu passante donne aussitôt sur une forêt (2) où seuls quelques promeneurs ou cyclistes vont prendre l’air.

Le temps ne pressant en rien, ils ne repartent que deux heures plus tard (21h), après avoir soupé. (à suivre)

(1) Mayotte a longtemps dit « aeroplani ». 

(2) Une forêt allant jusqu’aux pistes de l’aéroport ; dans son sein, un lac qui semble ouvert aux loisirs, simplement nommé « Waldsee », le lac de la forêt (source Google Earth). 

mercredi 14 août 2024

INDIEN des vieilles LUNES, le voyage en TCHÉCO (15).

Löf 2015 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Wolkenkratzer.

Löf, au moins un deuxième pont qui n’existait pas sur la Moselle (de nombreux bacs pour piétons ou véhicules multiplient (multipliaient ?) les possibilités de traversées). Il faut le prendre en sens inverse pour l’emprunter par l’autre voie, grimper sèchement, de plus de 300 m. sur un plateau formant la pointe nord du Hunsrück. L’autobahn 61 qui y a trouvé un terrain favorable pour déplacer rapidement, inflige sa blessure de modernité aux forêts à peine grignotées par les cultures. Avec ses quelques lacets, la descente sur Boppard permet d’apprécier un versant boisé.

 

En bas, le Rhin dans sa trouée qualifiée d’héroïque lorsque son cours entre Bingen et Coblence doit traverser, littéralement trouer le vieux massif schisteux rhénan (les Ardennes en font partie). Une vallée encaissée néanmoins mise à profit par les hommes avec, sur chaque rive du fleuve, une route et la voie ferrée (un “ opportunisme ” dont le réseau autoroutier s’est affranchi… ici comme partout ailleurs). Il semblerait que la 61 a été construite dans les années 70. Donc, en 1965, dans ce voyage retour, la circulation devait être bien plus dense qu’en 2024. Pas plus de poids-lourds en route que stationnés, tout passe en effet sur l’eau ou le rail. Entre les convois de barges et les trains propres à l’Allemagne jusqu’au type de motrices, Florian, libre de photographier sans limite, est à son affaire. Une halte d’une heure, en cela aussi, toute latitude.   


 
Tranquille, le coin, pas de poids-lourd à l'horizon...

Seulement 112 kilomètres séparent l’arrivée effective sur la Moselle du débouché sur le Rhin. À côté du trafic ferroviaire plus commun, ce qui ici est aussi inédit qu’admirable est cette circulation de barges au gabarit européen, fortes de pousser une vague d’étrave calculée vers l’amont, anticipant, en descendant, la courbure brusquée du fleuve qui bute contre une avancée rocheuse vieille de millions d’années. Plus encore que la Moselle, le Rhin forme la matrice de tout un réseau fluvial et de canaux vers la plaine des Hauts-de-France jusqu’à la Pologne au nord-est, vers l’Europe centrale avec le Main, la liaison avec le Danube et au bout la Mer Noire… La trouée héroïque, sur une soixantaine de kilomètres, voit le Rhin plus étroit, la pente plus forte, le courant puissant. 

Burg_Katz_und_Loreley 2021 under the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license. Author Jörg Braukmann

On en oublierait de lever les yeux vers les nombreux châteaux médiévaux désireux de marquer leur mainmise sur leur tronçon de fleuve. À proximité du Burg Maus, le château de la souris, le Burg Katz, le château du chat, au-delà, vers l’amont, le rocher avec tout en haut, la Lorelei, belle femme qui peigne ses cheveux d’or en fredonnant. Cette voix, enchanteresse, attire le regard du marinier. C’est le passage le plus étroit avec des rochers immergés, les eaux y sont violentes : dans un état second, le pilote perd et son embarcation et la vie… sa destinée était dans le chant de la Lorelei. Le romantisme se nourrit de légendes.

 

« Ich weiss nicht was soll es bedeuten              (Je ne sais ce que cela signifie

Dass ich so traurig bin ;                                   Que je sois si triste ;

Ein Märchen aus alten Zeiten… »                    Un conte des temps anciens… )

 

Lors de ces cours de langue qui ne nous apprenaient pas à échanger, axés qu’ils étaient sur le grammatical et  l’étude de la littérature allemande (avec monsieur Cabrol), il reste des bribes que le lyrisme rythme (et qu’une traduction subjective peut mettre à mal). La Lorelei a inspiré Heinrich Heine (1797-1856), les voyages ne font pas que nous déplacer, ils inspirent, alimentent le romanesque et gardent joli nos passés…  

Comme pour parfaire le débouché de ce trajet, Bingen avec le Maüseturm, sa tour des souris, sur son île... (à suivre).