jeudi 9 mai 2024

JFK (9)... et APRÈS ?


Sur le pont d’une barque que j’ai voulue catalane en bricolant un capion sur l'étrave et un gouvernail à l'opposé, j’ai une photo de toi avec René, lors d’une partie de pêche ; derrière on dirait les reliefs du nord de l’île... j’ai passé un coup pour enlever les chiures de mouches...  

Et le 18 avril serait-il aussi le jour anniversaire de la mort de Marcel Pagnol (1895-1974), te concernant, plutôt retenir le 30 septembre de ta venue au monde, je me souviendrai...   

À présent, de ta part, tu le crois que je peux garder « un peu d’amour et d’amitié » ? Pardon JF, c’est la faute à Bécaud (1) ; les paroles me sont venues, éparses, sur une mélopée incertaine; confuse même, sans que je demande... c’est si vieux, je me fais si vieux aussi... Faut vivre avec... Comme un signe, ces paroles la veulent leur ligne ; il y a pire... et puis toi... tu laisses amour et amitié derrière toi, ça va avec le précepte mennonite de ta vallée aimée, ça va avec la tendresse promue par Albert Cohen, alors ça t'accompagne...   

Jean-François KNECHT (30 sept. 1957, Doullens [80] / 18 avril 2007, Falicon [06]).

PS : Romain Knecht (2006-2016) est une des victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Pauvre petit... Tu vois JF, toujours quelque chose qui nous rappelle...

C’est comme de nommer nos disparus plus ou moins chers en en oubliant certains, en ne trouvant pas ceux partis avant 1970 (archives Insee), en établissant une hiérarchie subjective forcément excessive... mais c’est si aléatoire, si impacté par le moment, le “ ça dépend du jour ”, le contexte... et puis l’inventaire en est si fouillé qu’il faudrait peut-être mieux s’astreindre à faire la liste de nos survivants... tant que nous en sommes... Depuis que Sapiens est apparu, 117 milliards d’humains sont nés... que représentent les 8 milliards actuels ? quelques petits pour cent... même pas sept ; c'est bon :  “ avec la mort, plutôt faire ami ”.

À chacun les siens ; puisque je parlais du petit lotissement du collège, en plus d’Abasse et de JFK, manquent à l’appel, les voisins, d’un côté, Claude I. le maçon (1947-2015), de l’autre, peut-être Hubert L. (1946-2018), au Brésil ou en Guyane... sauf que pas moyen de le retrouver, alors, longue vie, tout aussi bien, c’est tout le mal... suivant la formule consacrée...

Azur ou non, son bleu immuable de mort vivante au même titre que tout ce qui vit... Grasse, des roses de mai si odorantes, de la fragrance un peu libertine de Fragonard (1732-1806), des nez à parfums ou, plus prosaïquement, spécialistes des molécules chimiques agroindustrielles comme Jancy C., (1936-1996) d’une grande lignée de parfumeurs bien que dans les arômes alimentaires, qui m’achetait des fleurs séchées pour aborder aussi galamment que gentiment, quelques belles esseulées du marché de Saint-Pierre-la-Mer... Divorcé parce que rabaissé, disposant d’une certaine aisance mais n’arrivant pas à se faire aimer autrement que matériellement, il en est arrivé à trucider au lit, au fusil de chasse, la compagne qu’il ne voyait plus que comme voulant caser un fils d’un premier nid. Interné, les pieds brisés suite à une tentative de suicide par la fenêtre, il y réussit, la seconde fois, à Nice. Il était né à Vergons, non loin d’Annot, dans ces pays montagneux et de clues où cet amateur de “ foujou ” (2) passa une partie de son enfance, son père travaillant à la poste (receveur sans doute). Non loin de ce dernier séjour, tout à côté, à Spéracèdes, auprès de ses parents, celui de Max Gallo (1932-2017), seulement pour avoir entendu dire que débutant en région parisienne dans l’Éducation Nationale, il ne craignait pas, pour les vacances, de faire la route de Nice, en vespa. C'est beau la jeunesse !    

Récréation : à la télé, rediffusion (3) d’un épisode des Rois Maudits (1972-1973) d’après Maurice Druon (1918-2009)... Allons ! une monographie, un essai sans trop savoir de quoi il retourne, de ma part, faudrait pas que ça donne dans le journal intime avec ce que j’ai mangé à midi, non, c’est seulement que je fonctionnais suivant un “ faudra que j’en parle en classe... ”, j’ai entendu quelque chose qui colle tant à mon JF, le petit frère des huit mois passés ensemble :

« Chaque homme, en venant au monde, est investi d’une tâche, souvent inconnue de lui-même, et que tout le pousse à accomplir avec l’illusion de la liberté »

Vous aussi, ça vous interpelle ? c’est dans « Le Lis et le Lion », fin de l’épisode 6, avec Jean Piat (1924-2018) pour ceux qui aiment les grands acteurs.     

(1) « Un peu d’amour et d’amitié » 1972 Gilbert Bécaud.  

(2) Ces restes de fromages, laissés à vieillir longtemps, avec aromates et eau-de-vie, dans un pot de grès... la “ fougne ”, je pense du film « Les Bronzés font du Ski ».

 (3) Et encore, le 20 avril au soir, « Mort d’un Président ». sur Georges Pompidou (1911-1974), finalement assez oublié...  

mercredi 8 mai 2024

JFK (8) Sous les jupes des filles ?

Vendredi 19 avril 2024, déjà trois jours que tu me tiens compagnie.

Je ne sais pas si le parallèle avec le tarot est valable mais tu prenais souvent à la légère, par optimisme, je dirais, un peu à l’image de ton irréalisme politique. Autant revivre la bonne humeur des joueurs de cartes, notre curiosité ludique pour les questions aux champions, le lien avec les “ instuteurs ” locaux, à manger le fruit à pain au feu, les bananes vertes et le manioc du voulé (1), la grillade traditionnelle ; le lien pour les tiens, tu parlais de rendre visite à ta famille en Alsace mais au plus proche, rien sur tes enfants, ta vie sentimentale... Alors l'Alsace, laisse-moi ouvrir Géoportail pour retrouver cette vallée... voilà Lièpvre je crois... tu vois, aimer la géographie ça va avec aimer les gens. Vallée de la Lièpvrette, oh ! presque un terme grivois, toi, si prude, réservé. Une vallée refuge d'amishs, de ménnonites (2) du moins... mais non c'est juste à titre de curiosité, sans faire de parallèle avec qui tu étais... 

Lièpvre depuis le Hoimbach  2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license. Auteur Bernard Chenal

Une fois nous avions pris deux jeunes femmes en stop, tu te souviens, nous les avons alléchées... Enfin, moins cérébral, j’étais l’instigateur de cette préméditation potentiellement coquine, déjà à les amener à la case, oh ! de prime abord par goût de compagnie galante. Je les ai invitées à grimper dans le goyavier plein de fruits. Oh ! ne m’accable pas, c’est la faute à Brassens (1921-1981), un peu, goyaves, amandes... 

« ...Et, pour la bouche gourmande
Des filles du monde entier,
J’ faisais pousser des amandes :
Le beau, le joli métier !... » L’Amandier, 1957, G. Brassens. 

Et Souchon (1944), il y serait pour rien, lui qui chantait : 

« ... les garçons ont les yeux qui brillent
Pour un jeu de dupes
Voir sous les jupes des filles... » ?

Non JF, tu n’accablais pas, si agréable à vivre, ouvert aux autres et aux locaux, cet épisode souriant t’avait fait beaucoup rire mais va savoir ? ton éducation, qui sait ? ta retenue pour un rapport aux femmes des plus sérieux, une approche mennonite, va savoir ? Tu n’es pas venu sous l’arbre avec moi...

« ...Elles dans l'suave
La faiblesse des hommes elles savent
Que la seule chose qui tourne sur terre
C'est leurs robes légères... » Sous les jupes des filles, 1993, A. Souchon.

Avec les années, Abdou et Thomas, les copains du voulé au-dessus de la baie de Sada, le lagon aux éclats diamant, n’ont plus demandé après toi ; lucides, comme tous les locaux, ils concluent qu’il ne faut pas compter sur tous ceux qui, meurtris au moment du partir, promettent de parler de Mayotte, de la défendre, d’écrire à ceux qui restent. Jamais, à l’instar du JFK historique (1917-1963) disant à ses concitoyens que plutôt de demander ce que le pays pouvait faire pour eux, c’est la proposition inverse qu’il faut considérer, eux  ne parlent d’écrire, de contacter. celui qui part doit donner des nouvelles. Vers 2011, en tant que revenant, je leur ai appris que tu n’étais plus de ce monde. Moi, ça dure toujours avec Mayotte et avec une des belles rieuses qui nous moquaient si joliment en mangeant les goyaves. En 2006 alors que tu divorçais de ta mésalliance avec le PS, nous naissait Florian... Qu’est-ce qu’ils me rendent heureux, avec sa mère ! qu’est-ce qu’il m’a rendu heureux, ce petit, sur le chemin de l’école, dans les bambous, entre cocotiers et manguiers... à réciter « L’entendez-vous, l’entendez-vous, le menu flot sur les cailloux ? ». Qu’y-a-t-il de plus beau que les mots chantés en poésie : « Mélusine, Et les putois et les fouines Et les souris et les mulots » sur les lèvres d’un petit garçon dans un paysage encore épargné ? J’aurais tant aimé connaître le Jean-François intime, ta nichée, ton nid, ta conception du bonheur... La politique ? je l'abomine !

Ce sont mes dernières grandes vacances, j’écris, pas que pour moi, j’espère être publié mais sans en faire une maladie, l'autoédition me suffit aussi. Beaucoup de ceux rencontrés sur le chemin de la vie me tiennent à cœur sans que, comme avec toi, et c’est généralement le cas, je ne sois demandeur de rien en échange. Le 22 décembre 2011 nous avons perdu Saïndou, vingt ans, en 2015 mon oncle Staňa, papa en 2017... tant de copains d’enfance, de gens de ma communauté villageoise et des endroits qui m’ont accueilli, le lot de tout un chacun... de quoi, dans l’ordre naturel des choses, apprivoiser la mort mais c’est à côtoyer la vie qu’on se sent vivant. J’ai aimé que ton copain Mottard cite Albert Cohen... avec ce qui nous attend, soyons tendres les uns avec les autres... mennonites un peu...  

(1) Avec la vie plus facile, la viande, les ailes de poulet en premier, les brochettes de bœuf ou de poisson, ont enrichi la grillade initiale. 

(2) mouvement chrétien prônant l'interdiction de l'utilisation d'armes contre les humains, donc antimilitariste, contre les guerres. par contre une autre indication précise qu'au sein de leur Église, le taux d'abus sexuels est comparable à ce qu'il représente dans la population.