jeudi 13 novembre 2014

Fleury en Languedoc / MITHRIDATISÉ, OUI, MAIS A QUEL NIVEAU ?

    Certains prétendent que les gens de culture, commodément identifiés en tant qu’intellectuels, vivent plutôt sur une autre planète. Dans une vision grise de la chose, puisque le blanc et le noir intéressent surtout par leurs nuances (1), reconnaissons que l’Histoire et la culture, découlant trop souvent des rapports dominant-dominé, peuvent générer des prises de positions extrêmes. Entre les rêveurs et les virulents, se situent ceux qui, entre les deux, en arrivent à plonger les mains dans le cambouis, s’il faut.
    Ainsi, la diatribe contre Gallimard s’est avérée nécessaire à un moment et dans un contexte donnés. Le problème est qu’à l’image du cambouis sur la peau (2), l’agressivité recouvre la sérénité, les capacités à rêver, à se souvenir. Pour ne pas lâcher le fil qui doit me ramener, par la « Routo de Perpinya » de notre bon oncle Noé, par le biais de nos chansons occitanes, à nos racines, à notre identité, il m’a fallu prendre l’air. 

     Automne au pied de la garrigue. Diapo François Dedieu 1967. 
    
Après les chrysanthèmes, la fête du village et l‘hommage à nos poilus, l’instinct reste de saluer un automne d’avant, un vrai, avec un temps de Toussaint, avec la parenthèse souriante de l’estivet de la Sant Marti. Comme quand j’étais gosse, je me projette aussi vers la féerie promise de Noël, manière de faire l’impasse sur les heures sombres et les hautes fenêtres grillagées du collège. A partir du figuier d’Antoine et du poulailler de Georges, la garrigue appelle. Je veux aller voir, au fond de la combe magique, si le verbouisset rougit déjà ses boulettes de fête.
    Vous le connaissez le verbouisset (3) même si comme moi vous n’aviez pas idée de son nom occitan, même si, comme moi, vous pensiez que cette plante décorative, apparentée à l’asperge, porte des feuilles d’un vert sombre et verni alors que ce ne sont que des rameaux aplatis, des cladodes tordus à la base, terminés par un piquant et sur lesquels s’attache une petite fleur, à peine moins discrète que les feuilles insignifiantes, mais qui donnera la jolie baie rouge vif (4) qui plaît tant, en guise de houx, dans le Sud. 

                                               Petit-houx.
    
Etonnant, non ?
    Loin de vouloir contrarier feu Monsieur Cyclopède (Pierre Desproges) dans sa minute nécessaire, rien ne doit, malgré tout, nous surprendre... A propos, la chanson de l’oncle Noé connue aussi sous le titre " Lou Païs de Perpignan " ou " de Leridà " ou encore " païs dis amourous " sinon " Lou chibalier fidèl " aurait son origine dans une vieille chanson ardéchoise " Al camin del perboisset "  (Les Vans).
    Stupéfiant, non ?
    Finalement,  c’est si bon de pouvoir encore s’émerveiller en accédant à un monde où les vilenies liées au fric n'ont pas cours... 

(1) une pensée pour le « Carré noir sur fond blanc », tableau de Kasimir Malevitch.
(2) une pensée pour Sébastien Comparetti que j’imagine bien utilisant une mixture alliant de la sciure, du savon noir, de l’huile de lin...
(3) Frédéric Mistral, Tresor dòu Felibrige page 21103 : houx-frelon, le petit-houx « Dòu verd-bouisset lou poumet rouge « A. MATHIEU. Mistral ne mentionne pas « fragon ».
(4) Guide du Naturaliste dans le Midi de la France ,H. Harrant, D. Jarry, Delachaux & Niestlé 1982. Les Romains aimaient ses pousses tendres.

mercredi 5 novembre 2014

Fleury en Languedoc / MISTRAL D’EXTRÊME DROITE ?

" Prouvençau, veici la Coupo
Que nous vèn di Catalan
A-de-rèng beguen en troupo
Lou vin pur de noste plan..."

Sur Agora, sous le pseudo "Isgal" et un avatar au bonnet phrygien, un commentateur a peut-être sciemment terminé son intervention par un "in cauda venenum" ou si vous préférez, un coup de pied de l'âne :

" enfin, n’oublions pas que Mistral était d’extrême droite... "


Vous vous doutez qu'il m'a tarabusté ce commentaire, parce que lapidaire, et dit comme ça, anachronique. J'étais d'autant plus embêté que les réactions sont rares et qu'il ne faudrait pas refroidir les quelques uns qui s'intéressent...
Les jours ont passé quand hier, je crois, une réponse aussi inattendue qu'inespérée, ne pouvant mieux tomber :

" Mistral d’extrême droite ? Ben voyons comme disait l’autre ! Certainement pas malgré des postures tous azimuts, par maladresse, par opportunisme, parce qu’il était facilement influençable aussi.
Vers 1848 il est démocrate-socialiste mais les « néo-jacobins » l’accusent de séparatisme (il est lié avec les Catalans) dans le seul but de disqualifier les républicains fédéralistes. D’où sa sympathie nouvelle pour l’Empire, vite déçue car elle n’amènera pas la décentralisation de la France.
Après la défaite de 1870 et l’esprit nationaliste de revanche, il apparaît comme plus français que provençal pour soutenir les aspirations monarchistes d’un régime pourtant républicain (encore l’idée des provinces du royaume de France).
A partir de 1876, quand les idées républicaines l’emportent sur les monarchistes, en tant que Français face à la menace prussienne, son idée est de promouvoir une fédération latine.
Il a le tort d’être connu et la gauche le combat en tant que figure du monarchisme.
Dans quelle mesure le fait d’être une cible l’a radicalisé au point d’adhérer à une ligue nationaliste anti-dreyfusarde ? Une adhésion qu’il regrettera d’ailleurs.
Il fut l’ami de Roumanille marqué très à droite mais aussi celui de Paul Arène auquel il rendra hommage en publiant, dans l’Aïoli, les lettres de ce dernier du temps de la Commune. Il y a aussi sa correspondance avec Louis-Xavier de Ricard, un communard exilé... Mistral, toujours attiré par le fédéralisme, reste sensible aussi aux aspirations sociales.
Certains voudraient encore accuser Mistral d’avoir un penchant pour la Prusse alors que ce sont des lettrés allemands qui le soutiennent parce qu’EUX savent étudier et défendre la langue d’Oc (Edouard Koschwitz auteur de la première édition critique de mirèio... EN FRANçAIS !)
D’accord pour ses opinions très contradictoires, allant du fédéralisme de gauche à l’échelle européenne, avant 1870, à la reconstitution des provinces françaises par la monarchie mais ne font-elles pas qu'illustrer les incertitudes de la deuxième moitié du XIXème ? Alors, de là à affirmer qu’il était d’extrême-droite, NON !

Et pour donner à réfléchir sur la permanence des contradictions humaines, n’a-t-on pas, aujourd’hui, pour servir un mondialisme au service du capitalisme, des dirigeants socialistes au passé très trotskyste ???"

Le billet est signé "Batrolo"... je me suis emballé un instant croyant que c'était Bartolo, l'immigré de Lespignan, le maçon.
Enfin, les mots de l'un et mes pensées pour l'autre m'ont bien fait plaisir !

 

photos autorisées wikipedia 1 frédéric Mistral. 2 Dialectes de l'occitan d'après F. Mistral.