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dimanche 2 juin 2024

De Théodore AUBANEL à Giovanni BOCCACCIO...


Boccace (1313-1375). À 21 ans, Giovanni Boccaccio est l'auteur d'un poème érotique « La caccia di Diana » : après un bain, la déesse Diane invite à la chasse un groupe des plus belles femmes de Naples ; elle les incite ensuite à rester chastes, or, parmi elles, l'aimée (1) de Boccaccio se fait la porte-parole du refus du groupe. Vénus prend alors la place de Diane et transforme les animaux tués en séduisants jeunes hommes. Représentant de cette caste ouverte aux plaisirs parce que cultivée, Boccace, écrivain des galanteries, des beautés féminines sublimées, de l'amour, est l'auteur du « Décaméron ».  Est-ce pour se remettre de ses déboires sentimentaux qu'il entreprend d'écrire sur les plaisirs des femmes ? 
 
Giovanni_Boccaccio Portrait antérieur au XIXe siècle. Domaine public. Auteur anonyme


1348 : la peste noire ravage Florence ; sept jeunes femmes (entre 18 et 28 ans) se retirent à la campagne pour survivre à la pandémie et... protéger leur réputation car elles proposent innocemment à des hommes d'accompagner leur retraite au prétexte que sans eux, sans leur magistère, entre femmes c'est ennui et chamailleries (c'est un homme, l'auteur, qui leur prête cette psychanalyse). 
Au cours des jeux de l'esprit qui vont se renouveler durant dix jours, chacun doit raconter une histoire ; sur un fond sociétal tel qu'il se présente à Florence alors, chez ces riches qui disposent d'un palais avec jardins et fontaines, ces histoires vont tourner autour de tout ce qui forme l'amour, qu'il soit irrespectueux, amoral, grivois, charnel, de fornication, adultérin, pornographique ou platonique, conventionnel, courtois, marital, exclusif. Les hommes provoquent, les femmes rougissent... Cela va du coït animal à la chaste émotion : un vieil abbé moraliste voulant punir le jeune moine qui a couché se laisse aussi aller au péché de la chair avec la même jeune fille intéressée... consentante même pour plus d'expériences encore puisque ne refusant pas l'invitation des deux ecclésiastiques complices. Amour malheureux jusqu'au suicide, heureux sentiment avec l'amoureux qu'on a cru mort, adultérin avec la confession d'une femme à son mari déguisé en curé ; femme donc qui avoue mais qui va continuer à le tromper sous son nez (il garde la porte... l'amant passe par la fenêtre) ; amour-tentation : un roi, tenté par de jeunes et belles donzelles, préfère les marier à de jeunes hommes de leur âge.

Aussitôt attaqué pour cet amour des femmes trop marqué, Boccace se défendra en le revendiquant, ce qui, vu qu'il restait conscient qu'un auteur licencieux attire des lecteurs licencieux, ne l'empêchera pas de s'en vouloir pour avoir commis le Décameron, de rester tiraillé entre la morale et le péché, d'autant plus exacerbé par la culture et l'art de décrire. L'esthétisme sensuel s'offre plus à ceux qui ont les mots pour le dire ; plus vicieux en principe, les intellectuels risquent néanmoins de se retrouver cérébraux. 
Initiant ce qui reste dans le genre littéraire en tant que « nouvelle », et par son sujet toujours patent (trivialité oblige), l'œuvre continue de nourrir une postérité certaine. Dès qu'il est question de sexe serait-il effleuré, suggéré, le naturel humain en reste impressionné avant le plaisir de la littérature sinon tout le reste, nourriture comprise. Si l'arrière-fond demeure si prégnant, le style, la qualité ne peuvent que passer après, le sexe est si fort comme besoin que même certains traducteurs s'en retrouvent détournés et travaillent sous cet angle là... Quant aux illustrateurs il leur est plus aisé de dessiner un couple à  la seconde de la pénétration, en présence ou non d'un voyeur. En comparaison le lourd réquisitoire contre les mœurs dépravées du clergé ne passent qu'après. Le sexe, le sexe, de toujours, cette addiction assumée en non-dits continue d'inspirer bien des œuvres de l'esprit, peintes, modelées, écrites, mises en musiques, filmées. 
 
Boccace_-_Décaméron_-_Gino_Boccasile (1901-1952)_-_deuxième_journée,_nouvelle_9

Art populaire par excellence, le cinéma ne s'est pas privé d'exploiter ce filon facile jusque dans la plus modeste des salles de projection, celle de Fleury, mon village. Serait-ce seulement par ouï-dire, vu que les camarades, surtout des générations à peine antérieures à la mienne, n'ont pas manqué d'en faire des gorges chaudes, la semaine durant... de quoi laisser libre cours à l'imagination jusqu'au fantasme même si je ne me souviens que de l'histoire d'un jardinier sourd-muet caché dans un tonneau (ou une jarre) qui n'en pouvait plus de satisfaire sexuellement les nonnes et la mère supérieure d'un couvent. Je crois dans le Décaméron de 1971 de Pier Paolo Pasolini... une paillardise pas virtuelle du tout puisque, cheveux et manteau long, sur la route de Perpignan, le pouce en l'air, j'ai été pris en stop par deux sœurs... oui, oui, sans cornettes mais religieuses... l'aînée, celle qui conduisait, a demandé si j'étais disponible pour faire l'amour aux deux... Non, ce fut aussi net que spontané... je me souviens, en réaction, des belles joues de la passagère, troublantes, rosissantes... Était-ce de désir ? de la tentation du péché ? de honte ? de déception suite à ma réaction ? Il faut dire que me concernant, j'étais tout amour pour celle qui de ce côté-là me comblait et avec qui je devais convoler moins d'un an après. Et alors ? d'abord la conductrice, la meneuse, n'a pas plus insisté qu'incité... sa consœur aurait pu mais ne s'est pas retournée... un demi-siècle plus tard, bien sûr que je ne regrette pas par rapport à la chérie de mes vingt ans mais avec l'âge, je regrette l'expérience avortée, les pommettes rosées prometteuses de plaisir de la passagère à lunettes... 

(1) Est-ce celle qu'il a appelée « Fiammetta », amoureuse qu'il prétend avoir quittée alors que ce serait le contraire ? sinon Pampinea, la plus âgée et pour cette raison la plus sensuelle du groupe ? 

PS : voir éventuellement les illustrations sur wikimédia commons            

dimanche 13 février 2022

LE POUMAÏROL (13) Passage dangereux pour les mineurs !

Pour couper aux restrictions liées au covid, deux copains se sont mis d'accord pour une petite virée pas loin et pourtant dans une contrée à la vie rude, dans la Montagne Noire sauvage, à l'écart de l'axe Mazamet-Carcassonne. 
Depuis Narbonne, en passant par Minerve, ils ont suivi le cours étonnant de la Cesse avant de monter vers le Plateau du Poumaïrol.  
"ATTENTION : ces individus ne souhaitent pas révéler leurs visages, nous les avons appelés Serge et Roger ; sur quelques lignes, ils se laissent aller à un certain vocabulaire réservé aux adultes et pas encore à une jeunesse chaste, innocente et fragile... du moins, c'est ce qu'on croit.  
Roger : avec plus d'eau, des conditions idéales pour une forêt dense, même si elle est cultivée depuis longtemps. Beaucoup de petites industries du verre dans le coin ; il en fallait du bois ! 
 
Les Verreries-de-Moussans Eglise St-Thomas wikimedia commons Author Fagairolles 34
 

Serge : et oui, les Verreries-de-Moussan... Dire que j'y suis monté en bonne compagnie à l'arrière de la 203 du copain lui aussi en couple ! 
 
Roger : hééééé tu n'en avais jamais parlé ! 
 
Serge : et oui, à propos d'amour, on ne dit jamais tout... 
 
Roger : ou l'inverse : on en dit trop quitte à en rajouter... sauf pour nous qui avons dépassé ce plafond de verre depuis longtemps ! 
 
Serge : le printemps débutait à peine... chacun dans une chambre de la maison inoccupée, de sa grand-mère, sauf l'été. Du concret, pas le virtuel des filles du Poumaïrol ! Pas même le souvenir d'avoir eu froid !

Roger : tu vas bien, c'est loin derrière nous... Être ou avoir été...
 
Serge : et oui, bien cinquante ans en arrière ! 
 
Roger : c'est sûr que tu n'as pas regardé les châtaigniers, les hêtres, les épicéas, les pins et les séquoias ! tu ne t'es pas demandé pourquoi la forêt était si dense, seule comptait la gonzesse qui avait tout pour plaire ! Qu'est-ce que ça a donné ? 
 
Serge : ah ! m'en parle pas... du plaisir, on s'aimait... c'était avec mon ex... Hélas, ces deux lettres suffisent pour connaître la suite... Que la vie passe vite quand même... 
 
Roger : ne nous plaignons pas, nous n'avons pas connu la guerre ! quel reproche injuste, définitif, trop commode de la part des parents qui n'ont pas d'autre argument ! Dans ce coin, pourtant, des familles gardent en mémoire des faits plus tragiques. On laisse à droite la route du col de Serières qui redescend, justement, vers les Verreries-de-Moussan... Dis, avec ou sans protection l'amour des années 60 ? 
 
Serge : tu es bien indiscret, animal ! Sans si tu veux savoir... Je te renvoie à la chanson de Stromae qui a fait beaucoup de bien dans la psychologie machiste, question pureté ou impureté de la femme... "Rendez-vous aux prochaines règles..." : au moins nous savions qu'elles nous protégeaient, enfin, je n'en sais pas plus, on ne savait rien, les tabous et non-dits empêchaient tout... Je n'ai retenu que ça, comme pour les paroles de Stromae, le leitmotiv, sans rien chercher le sens profond du morceau... Il fait déjà partie des chanteurs qui comptent, une classe au moins au dessus... Hé ! ne raconte pas tout dans tes articles, attends d'écrire un jour des pages olé olé pour les plus de dix-huit ans... 
 
Roger : Holà ! il faut être connu pour se le permettre ! La Fontaine, Apollinaire, Miller, le seul que j'ai lu... tu vois, je ne suis pas initié...
 
Serge : c'est que dans ce domaine, la théorie peut venir après la pratique... Gare-toi un moment qu'on ne capte pas partout par ici...   
 
Roger : tu as de la chance ! Là on peut stationner, il y a un point de vue... et puis allume mon bidule, mon module, enfin mon capteur que je ne sais plus comment ça s'appelle !
 
Serge : bon, c'est encore sur Wikipedia que les références sont les plus complètes. la littérature érotique et même porno a existé de tous temps et je te dis pas les illustrations, de même que la libido des religieux des deux sexes !  Ah ! Kessel, "Belle de Jour", Léautaud, je ne savais pas, et Aragon dis, "Le con d'Irène" ! Virginie Despentes "Baise-moi" ! fallait oser !
 
Roger : et cette femme, devenue chroniqueuse, attention, pas commode, agressive, qui donne pas envie... son nom m'échappe... 
 
Serge : je la cherchais aussi : elle est marquée dans les autobiographies, ça y est, je l'ai : "La vie sexuelle de Catherine M.", Catherine Millet ! 
 

 
Roger : oui, c'est ça ! je suis d'une inculture crasse... On va le voir ce point de vue, manière de se laver l'esprit de ces pulsions lubriques ? J'y suis monté en été, dans les bruyères fleuries, un temps frais avec une brume étonnante, si près de la Méditerranée. Dans le vallon en dessous, le ruisseau, la Cesse, je l'ignorais à l'époque. Tu as regardé la carte ? le Roc Suzadou ça s'appelle, dans les sept-cents mètres à quicon proché (à quelque chose près)... 
 
 
Serge : oui, j'ai vu, ensuite ça grimpe encore mais dans deux ou trois kilomètres, ce sera le plateau du Poumaïrol d'où les filles fraîches descendaient pour les vendanges, les pommes, les châtaignes en remontant, les olives, les sarments à nouveau dans la plaine... 
 
Roger : quelle belle histoire ! Heureusement que ce numéro de Folklore de l'hiver 1974, ils publiaient à chaque saison, nous est tombé sous les yeux ! Chez elles, une vie rustique entre huit et neuf-cents mètres d'altitude, avec le froid, la neige, les brouillards, le printemps et l'automne plus courts et seulement une paire de vaches, le foin pour l'hiver, des pommes-de-terre...
 
Serge : oui, je l'ai là, l'article, il dit aussi qu'ils cultivaient des navets noirs, des oignons qu'elles tressaient par douzaines les jours de pluie, les moungils, une variété de haricots qu'elles triaient à la veillée... ah, pour un cassoulet ! Le nôtre on l'a bien digéré, tu as vu ! Enfin, une économie de subsistance, du lait, des fromages sûrement, peut-être aussi des stères de bois de chauffage, des charbonnières... c'est sûr que les quatre sous gagnés en bas étaient les bienvenus... Ah ! je lis aussi qu'ils entretenaient des glacières remplies de neige l'hiver et qu'ils descendaient la glace l'été, pour les cafés de Carcassonne.
 
Roger : c'est sûr que les Mountagnols appréciaient de remonter avec l'argent des vendanges, ça me fait penser aux Ariégeois... la montagne était pauvre et faisait beaucoup d'enfants. 
 
Serge : c'est après la guerre de 14 que le plateau a commencé à se dépeupler... 
 
Roger : avant, peut-être, regarde, mon grand-père Jean, né en 1897, sa famille avait déjà quitté les montagnes de Montagagne, au-dessus de la haute vallée de l'Arize et de La-Bastide-de Sérou (1). 
 
(1) En 1926, 45 familles soit 285 habitants vivaient encore sur le plateau. En 1960 les familles n'étaient plus que 4 avec 18 personnes ; l'école a fermé en 1962, l'activité agricole a été abandonnée. Dans les années 70, alors qu'il ne restait que les vieux, de nouvelles familles sont venues, même si leurs visées étaient plus personnelles, apporter du sang neuf pour que le Poumaïrol ne meure pas.