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vendredi 5 décembre 2025

Les NEIGES du KILIMANDJARO (15)

 La porte 16, c'est moins à part, plus pour une clientèle reconnue parce qu'en nombre, d’ailleurs ce n’est pas un autobus qui emmène pour un appareil distant sur le tarmac au milieu d'autres, proches parfois de vénérables aéronefs jadis fumants et pétaradants, de collection, réformés. Désormais nous avons droit à la passerelle télescopique directe vers l’avion. Étonnement aussi, nous sommes à l’heure, enfin, à dix minutes près. En attendant, avec cette histoire de carte d'embarquement, me retrouvant voisin avec un jean déchiré, de ceux qu'on porte pour travailler au champ (je n'ai plus l'âge d'être accessible aux modes), ma place au fond de l'Embraer pratiquement complet est perdue. Période rouge ou bleue, morte ou pleine saison, toute l'année, le monde bouge de plus en plus, c'est d'autant plus visible chez les îliens.  

À une autre échelle, le trajet Nairobi-Dzaoudzi me fait l'effet d'un Béziers-Fleury, à bien s'imprégner du cadre page après page, à en reconnaître les moments, les vues, à s'y reconnaître, s'y intégrer mentalement. 

Toujours le même plateau aux abords de Nairobi. 


Après les terres brunes des hauts plateaux (mais une saison verte doit bien revenir à savoir l'importance de la faune herbivore et ce que Karen faisait pousser dans sa ferme par là d' « Out of Africa »), le Kilimanjaro porte-t-il encore sa calotte de neiges et de glace ? 
La chanson Kilimandjaro... Qu'on soit africain ou méditerranéen, la neige c'est blanc, lumineux, frais, agréable longtemps l'inconscience de l'âge ne veut pas en voir les tourmentes, le danger, la mort, longtemps, l'ignorance empêche de savoir qu'il neige et fait froid au Lesotho. Pascal Danel (1944-2024) peut bien chanter « Il n'ira pas beaucoup plus loin... » et plus loin « ...il va mourir bientôt... », nous nous refusons à entendre que le blanc manteau de neige n'est qu'un linceul et puis qu'est-ce qu'on peut bien entendre, à danser le slow avec une fille agréable (la chanson est de 1966) ? Cet homme jeune qui va mourir, il ne se cristallise qu'avec le temps... oui, jeune vu qu'il pense en premier « dans son délire [...] à la fille qu'il aimait » ... la vieillesse “ dépouille ”... Que les neiges du Kilimandjaro lui fassent « ...un blanc manteau où il pourra dormir », c'est son truc... pardon d'être à l'âge où il ne reste des pensées que les branches nues d'un arbre sans feuilles, dont la verdure remonte à trop loin... Oh, une chose cependant, si tout fond là-haut c'est que nous l'aurons bien esquintée la Planète ! 
À peine le temps de réaliser l'injustice d'ignorer complètement le Mont Kenya bien alpin et pointu plutôt que bossu, avec à peine quelques centaines de mètres en moins mais quelques plaques de neige et petits glaciers aussi... il faut dire que les vols arrivent ou repartent de Nairobi surtout de nuit. 

Kilimandjaro, la montagne pleure, du rimmel coule sur son visage... 


Mombasa et l'Indien. Mauvais signe et confirmation puisque les neiges du Kilimanjaro émergeaient à peine de la ouate (était-ce le cas de tout l'ensemble de volcans ?), à vrai dire d'un trou improbable dans la nébulosité ambiante, les trains de nuages marquant déjà une inversion de la mousson : la saison des pluies (le climat équatorial du Kenya en connaît deux phases distinctes dans l'année) va nous masquer tous les bleus tropicaux des côtes coralliennes. (à suivre)    

samedi 20 septembre 2025

OUT OF AFRICA 3.

Alors, puisque ma ligne de vie offre ce hasard, en migrateur confortable, loin de Denys, le personnage joué par Redford l'aventurier des safaris évoqués dans OUT OF AFRICA (1985), j'anticipe de voir, après les ocres du désert perdu dans la nuit, le jour descendu sur la savane. 

Nairobi paroi de verre de l'aéroport. 

D'habitude, on essaie en vain de distinguer un éléphant, une girafe, un rhino, un lion sinon des zèbres : une réserve est pratiquement contiguë à la capitale, mais on ne les voit qu'en déco sur les verres des terminaux et salles d'attente du Jomo Kenyatta International Airport. Côté humain, entre deux correspondances, outre la présence de Chinois... les Russes ne se distinguant pas des Occidentaux, l'aéroport semble concentrer la pointe avancée des sociétés africaines comme cet informaticien burundais, ces femmes souvent dans l'import-export sinon Léonie, biologiste congolaise qui en 2017 revenait d'un colloque à Madagascar. 

Verrai-je les tôles des laissés pour compte des bidonvilles de Kibera ? Verrai-je les Monts Ngong à une quinzaine de kilomètres, où Kristen avait ses caféiers et où se situe la tombe de Denys, le baroudeur des savanes qui ne voulait pas monnayer sa liberté pour l'amour d'une femme ? Une femme aimante devant se faire une raison et qui médite au terme du dialogue « Il y a des moments qui valent la peine, mais il faut en payer le prix. » 

Massif du Kilimandjaro. 

Arriverai-je à distinguer la voie ferrée vers Mombasa, le seul lien par bateau avec l'Europe ? Et, chères à Pascal Danel, les neiges éternelles du Kilimandjaro (1) diplomatiquement laissé au Tanganyika allemand d'avant 1914, devant disparaitre à terme, auront-elles un tant soit peu résisté au réchauffement général et à la déforestation ambiante ? 

Mayotte, arrivée.
    

Une séquence de OUT OF AFRICA fait atterrir le biplan de Denys sur une plage de l'Indien. Les bleus des tropiques, le sable coralien viennent embellir le scenario comme ils le font du vol commercial le long de Zanzibar. Plus loin, kissiwa (2) l'île Mafia, à peine plus grande que l'archipel mahorais mais une quinzaine de fois moins peuplée (40.000 hab / 600.000 environ, intuitivement, ce que les autorités et l'INSEE qui leur est subordonné, ne veulent pas reconnaître...). Ensuite ce sont les Comores, la pointe nord de la Grande, tristement connue pour deux crashs d'avion (3). Enfin, après Anjouan et peut-être un peu, Mohéli plus au sud, le grand lagon de Mayotte avec encore les bleus, francs ou brouillés, suivant le couvert nuageux, liés aux barrières coralliennes. 

Il y a trente-et-un ans, cabotin, pour amuser mes hôtes venus m'accueillir, parodiant Jean-Paul II, je baisais le sol, le tarmac de cette terre lointaine, avec un esprit positif. 44 ans, l'idée d'avoir la vie devant soi, augurant que tout allait bien se passer. Et sur la barge, les yeux, les sourires des femmes qu'en théorie seulement, en terre musulmane, je me devais de ne pas regarder, ne pouvaient marquer que de bons débuts. 

2025, la santé, le “ petit dernier ”, pourtant remis à l'âge d'être papi, parti du nid, l'âge, cette réalité qui fait peur, la vieillesse, viendrait-elle petit à petit comme le chantait Ferrat, poussent à la roue. Cela ne contrevient en rien à ce que je dois à une petite île courageuse et tenace pour sa dignité, sa francitude, si foncièrement africaine, fille aussi du grand continent... (à suivre)

(1) Difficile de délimiter les trois volcans formant le massif dont l'UHURU au centre, point culminant de l'Afrique avec ses 5891 mètres. Et le “ préfixe ” “ Kilima-” ne signifierait-il pas montagne (« Mlima » à Mayotte) ?  En 1886, le Kilimandjaro devient allemand, en compensation, les Anglais reçoivent Mombasa. 

(2) « chissioua » en shimaoré langue vernaculaire majoritaire de Maoré, Mayotte, pour dire “ île ” tout comme « ras » en swahili, « rassi » encore à Maore, pour “ presqu'île ”. (je croyais avoir lu que l'île servit de base ou d'abri aux sous-marins allemands lors de la Première Guerre Mondiale, mais je dois faire erreur). 

(3) le 23/11/1996, sur la ligne Addis-Abeba- Abidjan via Nairobi, Brazzaville, Lagos, à cause de trois pirates de l'air voulant rejoindre l'Australie, un B767 d'Ethiopian Airlines amerrit en catastrophe non loin du Galawa Beach Hotel, 125 victimes sur les 175 passagers et équipage. 

Le 30/06/2009, sur la ligne  Sanaa Moroni (depuis Paris), les erreurs de l'équipage étant en cause, l'A310 du vol Yemenia 626 a décroché sur l'océan, 152 victimes, 1 unique survivante. 

mardi 26 mai 2020

Des CONFINS du monde vers le CONFINEMENT

12 mars 2020. 

10h 53; Sous le panneau "EXIT-KUTOKA". Le steward répond "EWA" à l'hôtesse ! Pour une fois que je comprends le swahili ! Le temps était trop calme, la chaleur insupportable dès que la voiture était à l'arrêt et là une grosse averse venue du Sud-Est attaque le Nord-Ouest, les vagues secouent les palmes qui jouent à la danseuse indienne. derrière un ciel voilé, un temps dit "variable". Le Bénara ajuste ses écharpes de nuages et mon cœur accélère en pensant à un petit coin derrière, un petit arpent de terre, tout petit mais qui pèse lourd !

11 h. l'avion se retrouve en marche avant. Il sort les volets comme un oiseau essaierait ses ailes. Le réacteur souffle l'eau sur la piste en partant côté ville, là où la mezquita ne veut toujours pas s'envoler comme un mosquito !

11h 02. Après la raquette, pleins gaz !

11h 03. En l'air; le lagon vers le Sud. je reconnais Hamouro, Bandrélé, les îlots puis à l'aplomb, la petite plage d'Iloni... souvenirs de 14 à 18 ans en arrière. Vite mais cela n'empêche pas de noter que là où mentalement on voudrait voir la forêt, les villages, Ongojou, Coconi, Barakani, Ouangani ont enflé, pas comme une infection, mais la forêt est bien attaquée. Oh ! le lycée le petit vallon en paix, plus petit encore, vu de haut mais palpitant de vie. La baie de Chiconi, Sohoa là-bas. Et depuis mon hublot, Sada, l'îlot joint par un tombolo : la marée est basse. Au large de Boueni, la barrière de l'île de la mort des temps jadis et qui le reste quand je pense à cette tempête soudaine qui a noyé ce pauvre cousin, il y a peu. et pourtant qu'ils sont beaux tous ces bleus menteurs !
La ouate à présent, pour changer de paragraphe. Un vrai édredon de cumulus. Je me débouche les oreilles. Hé les cumulus, des nimbus presque ! l'avion a du mal à les dépasser : des à-coups mais à cause de la route, pas du moteur. Et enjamber un arc-en-ciel... c'est original, une porte à passer avant un ciel plus libre. On dirait qu'on file vers Ngazidja mais je ne me suis pas encore posé la question d'une escale éventuelle.

11h 13. Mohéli. 11h 15 Fin de Mohéli. Deux sillages sur la mer : des pêcheurs ou plus gros les bateaux ? Un nuage champignon, non pas comparable aux deux qui ont maté les Japonais, non, comme sorti d'un volcan. Le Karthala n'est plus loin. Les chariots de la dînette sortent : sûr, pas d'escale. Et avec 11430 mètres pour le 737-800, on n'est pas près de descendre !

11h 19. Moins 45° C.. 190 km parcourus, 1400 encore.

11h 22. Côte Est de la Grande-Comore. Le volcan ne sera pas visible aujourd'hui. Les nuages bourgeonnent en une véritable inflorescence de champignons.

11h 30. "Poulet ou végétarien ? " Il parle bien français ! C'est bien la première fois ! Du progrès ! "Bon appétit !" Merci, merci, ça coupe le calcul de quelques mots d'anglais !

11h 44. Toujours cette flotte de gros nuages mais comme barrés par d'autres plus gris tels des tirets d'un trop plein d'encre du temps des premières imprimantes. 

12h.. Un peu avant Dar-es-Salaam, altitude 12192 m. moins 54°, 773 km parcourus. A bâbord, peut-être l'île Mafia, base de U-boots au début de la première guerre mondiale.
833 kilomètres parcourus, 751 qui restent. le bleu de la mer, le vert de la Terre se confondraient n'étaient ces liserés de plages, par endroits. Un îlot sous l'avion et sur le continent, ces croissants de sable comme si un monstre marin avait croqué. A cet endroit la côte fuit vers l'ouest, ce devrait être assez facile à retrouver sur l'Internet.




12h 13 Zanzibar. 12h 17 Fin de Zanzibar.

12h 21 le vol s'infléchit vers l'intérieur des terres.

12h 31 deux géants, frères loin là-bas entre Tanganyka et Malawi. Douze sinon quinze kilomètres de haut, deux énormes cumulo-nimbus assez tabulaires, le second plus gros encore et peut-être déjà en Zambie.

12h 45 Avec l'antibio pris avec la bière Tusker qui malheureusement n'a pas de goût, j'ai sorti la caméra (pas de piles à l'aéroport pour l'appareil photo !) pour les deux autres géants attendus, les volcans dont le Kilimandjaro mais eux aussi disparus comme le Karthala sous une crème fouettée de nuages.
A 15 minutes de l'atterrissage (120 km), toujours depuis mon hublot, un grand lac boueux, Amboseli je crois avec plein d'animaux emblématiques mais non visibles eux.



Altitude 7620 mètres, une rivière SW-NE, à crocodiles sûrement. Des serres avec des roses qui seront en Europe demain matin, mondialisation oblige ! Un habitat dispersé, des champs mais de quoi ? Les véhicules qui roulent à gauche, so british !        



13h 04 atterrissage, 27 degrés, des marabouts qui planent. A gauche des avions cargos sans doute pour les fruits et légumes à livrer en Europe. L'avion qui roule à 37 kilomètres par heure : pas question de traîner à vélo devant !

"Nous espérons que vous avez eu un bon vol avec Kenya Airways." Même dans le poste de pilotage ils ont fait des efforts.
A l'ombre sous l'aile d'un vieux coucou Jubba Airways, deux employés du terrain prennent la pause repas. 
 Boyala kujiokaliko chiniya kii chako (life vest under your seat) sauf que nous sommes bien arrivés !
Asante na kaheni !

13h 12 l'appareil est presque arrêté. Plus de la moitié des passagers se lève (17 ou 18 personnes). Le steward demande de rester assis avant l'arrêt complet de l'avion. Moi qui ne me suis pas levé, je me dis "tu peux chanter !". Mais je me suis bien trompé ! Tout le monde s'est rassis et il a fallu l'annonce "maintenant vous pouvez vous lever" pour que les statues de pierre s'animent !
Karibu Kenya.
Sauf qu'ils sont bien une quinzaine, blouse blanche, blouse verte, masque sur le nez :
"Vous venez de France ?
- Oui (long silence gêné les yeux dans les yeux)... Oui mais de Mayotte et la formule magique dégèle l'atmosphère (la situation s'est inversée depuis). Il me fait signe de passer. Enfin nous avons encore à faire la queue pour les test de la caméra thermique. Et je me vois rose-jaune-orange-cramoisi sur l'écran au-dessus ! Et le geste qui encore m'invite à passer ! Ouf !
Et le contrôle de bagages plus décontracté que nous ayons passé. j'ai sorti l'harmonica mais le préposé vient vers moi et demande de souffler ! heureusement qu'il ne m'a pas demandé un air de chez lui !

Dix heures trente d'attente. 

J'ai pris un halloumi cramp : tortilla, halloumi cheese, lettuce, tomato, avocado, cuncumber, seasoning. Bon mais des parties vraiment dures : cet halloumi cheese, un fromage fort même sous un maroilles, un munster. Je fais une pause. Aux toilettes. devant une femme a fait un malaise. Ils sont cinq à la secourir. Quand je ressors des water toujours impeccables et avec de l'alcool pour le lavage des mains, ils sont au moins quinze de plus à faire cercle à bonne distance de la dame. mais ça va mieux, elle est assise. Je peux retourner à ma tortilla. Ah cet halloumi cheese, ce vieux fromage si dur, et qui a plus goût à vieux qu'à fromage. Mais quoi de plus normal que d'être surpris quand on goûte pour la première fois. Avec un couteau en plastique trouvé au snack de la tortilla, je me suis installé en terrasse... c'est bon aussi de changer de siège parce qu'à Nairobi, plus on attend et plus ça vous tasse le fessier... il n'y a pas que le fromage qui est dur ! et ma dernière impression de Nairobi, enfin, avant la suivante, au mur un très joli tableau, une ambiance de rue africaine et je pense à Flo qui travaille la perspective et le point de fuite parce que là, et je n'en reviens pas car c'est du plus joli effet, les lignes de fuite sont courbes... j'ai pu filmer un peu !

Pas moyen de passer la vidéo. j'ai photographié l'écran de la caméra pour que tu aies une idée.

Attendre, attendre encore, s'asseoir autrement pour ménager les muscles fessiers. Mais à voir les Etasuniens qui eux font la queue pendant des heures pour un contrôle supplémentaire des bagages... Une belle image des States pour une fois, une clientèle plus que mélangée et métissée, de la Chine, de l'Inde, du Japon, de l'Afrique et le clou qui m'aurait presque fait applaudir, magnifique... Quatre barrettes dorées sur les manches, le commandant de bord qui remonte la file, bien noir, bien africain... c'est vrai que c'est un vol Kenya pour JFK airport New-York ! Autre Africain fier de ses racines, un Masaï est assis en face, très grand, reconnaissable à sa couverture écossaise à fond rouge. Le tissu semble léger, à moins qu'il soit aussi chaud que de la soie. 
Nous avons un salon pour nous seuls, enfin ouvert, avec vérification des cartes et passeports à l'entrée. Les hôtesses communiquent souvent mais le son est si mauvais que je ne comprends que "Jumbo" au début et "thank you" à la fin. Elles appellent des passengers qui ne comprenant rien n'y vont pas. Elles nous soulent à la fin surtout quand, l'heure passant, je réalise qu'on va embarquer en retard. Alors je vais les trouver à cause de ma correspondance pour Montpellier. 
Une heure de retard ! Ce sera juste mais ça passera, un week-end avant le grand confinement...