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dimanche 5 juin 2022

MAYOTTE petite ÎLE mais CENDRILLON en majesté (3)

Un Etat à la passivité perverse dans ses conséquences puisque droite, gauche confondues, et en suivant la macronnerie, il laisse les étrangers envahir pour que Mayotte redevienne comorienne de fait... Un Etat coupable de gestion à la soviétique : les responsables pour un temps de purgatoire avec en vue une promotion ensuite, qui ne font que se repasser la patate chaude. Et cela arrange bien les apparatchiks locaux qui se font élire pour leurs petites affaires. Enfin, à cause des quelques intéressés et de la masse votant contre ses intérêts, les fakirs du devenir de la France peuvent nous faire apprécier les planches à clous... 

Cesse donc de ressasser ! L'amphidrome, bien que le parler reste fidèle au mot "barge", au verbe "barger", traverse le bras de mer et manque de rater la rampe de débarquement pourtant large. Le taxi collectif emporte à toute blinde, c'est à peine si je peux penser au cimetière aux frangipaniers si vieux, là où le frère de Balzac est enterré... Qui m'écrira "Le Jasmin dans la Vallée" rappelant ici tous ces petits bassins barrés par des reliefs certes érodés mais qui toujours séparent, parfois entre un village parlant shimaoré et l'autre qui parle le kibushi ? Comment dans un si petit espace, à trois kilomètres de distance, deux langues diamétralement opposées par l'origine, swahilie et malayo-polynésienne avaient leurs sphères distinctes. On s'accroche aux ronds-points pour ne pas pousser la voisine, qu'elle n'est pas bien épaisse : RFO ou plutôt Mayotte la Première a abandonné ses locaux historiques, encore une commotion vous forçant à avaler les années qui peu à peu mais sûrement, vous submergent. Pardon d'en avoir gros sur la patate et de vous impliquer. Nous sommes le 26 mai, dix jours ont passé et c'est toujours aussi vif. Pourtant je crois avoir trouvé plus aigu encore avec "Puisque tu pars" de Goldman : jamais je n'ai trouvé de pensées si fulminantes, qui disloquent l'amour porté au point d'accepter la séparation. 


"... Que les vents te mènent
Où d'autres âmes plus belles
Sauront t'aimer mieux que nous puisque l'on ne peut t'aimer plus... 

Heureusement que quelques mots viennent tempérer ce ressenti violent : 

"... Puisque ta maison 
Aujourd'hui c'est l'horizon 
Dans ton exil essaie d'apprendre à revenir
Mais pas trop tard..." 

L'aéroport, les formalités et contrôles divers avant d'attendre ce foutu avion. Non, ma maison ce n'est pas l'horizon, je ne suis qu'un oiseau migrateur fatigué de partir... Partir, quitter, il faut bien tenir compte d'une hiérarchie naturelle dans le monde animal, dont le genre humain ne peut s'exonérer même si cela s'appelle "amour" pour nous. Tournée vers l'avenir, elle concerne le lien prioritaire avec l'autre moitié du couple et les enfants. Comment ne pas avoir en tête la compagne aimée "la fille qui m'accompagne" selon les jolis mots de Cabrel, cette fille de l'île dans ce qu'elle a gagné en modernité mais aussi en ce qu'elle risque de perdre en tradition solidaire, sociale, religieuse... Comment ne pas penser à l'enfant qui de toute façon a trop vite grandi et qui lui va partir vers un destin lointain puisqu'il sort d'une île qu'il adore mais où les possibilités sont fermées, mesquinerie, démagogie des hommes obligent. 


Oh comme une chanson, avec tout ce qu'elle ouvre à chacun pour interpréter, en la décalquant suivant son spleen, son sentiment, en dit plus que de longs articles. Depuis Petite-Terre et la salle d'embarquement, comme Mayotte fait sa belle avec les îlots du lagon même aussi gris que le ciel ; comme on voit bien ses sommets dans les verts sombres qui donnent à ses chaînons croisés des airs de cordillère ! Libre de l'accaparement égoïste, ouverte à tout ce qui est la vie, elle semble penser qu'elle mérite mieux que ces humains nombrilistes et irrespectueux. 
Si la piste regarde vers Madagascar, pas loin bien que du fond de l'océan, du chaudron de Vulcain s'est réveillé un volcan. Est-ce lui qui vient gronder contre notre ingratitude ? Il nous a secoués drôlement ces années passées, une seule fois cette année, manière de se rappeler à nous et Mayotte s'est affaissée vers lui d'une dizaine de centimètres... Contre l'alizé qui va aider à décoller, l'avion s'élève au-dessus de l'océan, sans plus regarder en arrière. Dernière image de Mayotte : sur la barrière de corail, les pirogues des travailleurs de la mer dansent pour ramener leur pitance. Dans ma tête, la voix de Julien Clerc, les paroles d'Etienne Roda-Gil, Estevan le rouge, un homme dont la trajectoire vaut d'être connue ; sur un tango, une douce nostalgie, une fuite des jours assumée, une consolation, un baume de réconfort...  


"Comme une armée de vaincus 
L'ensemble sombre de mes gestes 
Fait un vaisseau du temps perdu
Dans la mer morte qui me reste
Mon cœur volcan devenu vieux
Bat lentement la chamade
La lave tiède de tes yeux
Coule dans mes veines malades..."
Le Cœur Volcan, Etienne Roda-Gil, Julien Clerc.  




vendredi 29 mai 2020

PARTIR / NÉ QUELQUE PART, ÉMIGRANT, ERRANT...

"... Je suis né quelque part
Je suis né quelque part, laissez-moi ce repère
Ou je perds la mémoire..." Maxime Le Forestier

"Rien ne trace son chemin" (J.J. Goldman). Il est donc condamné à choisir par lui-même, condamné à être libre de choisir !  Rester ? Partir ? Vivre !

Des traces ?
"... Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer..."
(Antonio Machado).

Cela explique-t-il que certains s'accrochent bec et ongles aux racines ? Au point de se couper de leurs prolongements de branches, de fleurs et de fruits ?
"... La race des chauvins, des porteurs de cocardes,
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part..."
(Georges Brassens). 

D'autres partent comme des graines au loin, de gré ou par force. Se coupent-ils pour autant de leurs racines ? Arrivent-ils à germer ? Ou attendent-ils le temps de revenir, le temps qu'il faut pour vaincre le "mal du retour", au sens premier de la nostalgie ?..  


1953. Fin mai. Jouant de malchance, tirant le diable par la queue, François emporte "sa femme" (c'était sans guillemets alors), son gosse, quelques valises, une grosse malle de livres et d'espérance. 

François part au Brésil.

La malchance, trois, quatre peut-être sept jours avant d'obtenir sa "carte orange de diplomate", il est expulsé de Tchécoslovaquie (mars 1950). Aucune indemnité en tant que victime d'une mesure de rétorsion, aucun droit à un nouveau poste ! 

Praha_1,_Karlův_most Wikipedia Author Tilman2007
La guigne encore pour un poste de traducteur d'allemand à Toulouse (ONIA). Deuxième sur vingt-quatre... Ils n'en prenaient qu'un et peut-être que le piston...
Ingratitude encore de la République qui ne l'a pas pris comme remplaçant aux Cabanes-de-Fleury, le titulaire étant en longue maladie. L'Inspection Académique a préféré une école sans maître !
Et Michelin qui l'embauchait pour s'occuper d'une succursale à l'étranger sauf que c'était à Prague. Impossible pour la "persona non grata" qu'il restait !
Et cette école libre de Rodez mais pour 13.000 francs mensuels seulement "...le directeur s'excusait lui-même pour ce salaire de misère..." ! 325 euros de 2019 !
Et encore le ministère "Vous êtes victime d'une homonymie" ! 
Survivre. Gagner Narbonne à vélo pour donner une leçon...  

Une petite chance, bien que modeste et tardive, ce poste de précepteur chez la Comtesse Anne de Romilly, au château de Saint-André-de-Sangonis.
Et enfin un coin de ciel qui s'ouvre, un poste au Brésil. Mais le jeune comte s'est attaché à celui qui enseigne et le mène, il reste manger surtout s'il y a du chou farci. Au point que sa mère voudrait même qu'il parte aussi au Brésil (13 mai 1953). 
Déchirure encore quand il faut quitter les siens pour des années (26 mai)...
   
 "... Y a des oiseaux de basse cour et des oiseaux de passage..." (M. Le Forestier). Il y a les migrateurs non, toujours à rejoindre un port, un havre ? Et ceux qui passent pour ne jamais repasser ? 


André est le frère de son grand copain, encore un François. Ils habitent dans ce même quartier haut, l'un la maison de Jean, l'autre celle d'Elise, dans ce faubourg au-delà des remparts de jadis, entre le cœur du village et les premiers coteaux de garrigue. Or André lui, va partir au Canada. A Montréal. Une transplantation  réussie, une greffe vigoureuse car voulue, jusqu'à assimiler la façon de vivre et même l'accent, ce que quelques imbéciles aussi heureux que méchants, comme dépossédés, en arriveront à lui reprocher... Une trajectoire plus qu'attachante qu'il faudra partager un jour...