jeudi 29 février 2024

Mon cher Jo...

 Mon cher Jo, ne dis rien sur le 26 février dernier, pas plus que sur tout qui a pesé ces dernières années, j'aime trop l'été avec toi quand nous partions, dans le matin encore frais, pêcher à Aude, à bicyclette. Et oui, en même temps que Montand sauf que lui préférait taquiner Paulette et nous le poisson, avec la bande en aval du pont ou en amont, seuls tous deux, en toute amitié. De ta main sur mon bras, tu m'arrêtes... mais oui, tu fais bien de rappeler mais je n'ai pas oublié qu'on a eu taquiné les filles à Saint-Pierre... l'été, la plage aux amourettes, le monde, les touristes, les bals avec de sacrés orchestres dont René Coll (1941-2009). 

Que n'a-t-on pas fait ensemble ? Tu me plumais à la belote, tu étais mon champion en course à pied... dire que nous avions notre circuit personnel... Braconniers on a eu caché le canon “ cassé ”de nos Diana dans une manche d'hiver, afin de sortir du village... Ah ! les feuilles de mûrier pour les vers à soie, c'était avec toi aussi ! 

Avant que l'âge ne nous pousse dans la vie, disons, sociale, quand, le dimanche soir vers une heure du matin, tu me confiais la Simca 1000 en fin de perme pour que je t'accompagne au train de nuit vers Laval où tu étais bidasse... Puis il y a eu la douane, Vallorcine, Douvaine... Bien sûr, je me sens prétentieux de revivre ces pages d'avant, nos antécédents amicaux voués à muter, à muer pour cause de prénuptialité lorsque la nature intime à chacun de chercher sa chacune, sa complémentarité. Tu t'es marié à l'automne 73 ; depuis Lyon j'ai pu vous rejoindre à Mâcon, mais seul, venant d'être à nouveau papa de notre second, Olivier, le 27 sept, à Narbonne. 

C'est la vie, comme on dit commodément, pour éluder, ne pas s'étendre sur ces raisons idiotes qui font que cela se distend entre les êtres. Fermez le ban ! Vous avez eu beaucoup d'enfants (que des filles, je crois...), vous vous êtes installés dans la Drôme, tu continuais de courir, tu aimais jardiner et tout ce qui m'aura échappé, par ma faute, sûrement, parce que le temps nous pousse fort et trop vite... 

Depuis mardi, la vie ne tourne plus aussi rond ; pourtant, on dirait que oui concernant les occupations du quotidien sauf que tu fais irruption, tu les bouscules, sans avertir, donnant aux heures qui passent, un goût amer. Dans le film qui repasse, impossible encore de prendre du recul... ce doit être pour cette raison que ma pensée tente de compenser en s'accrochant aux vertes années, aux bons souvenirs... le bruit ambiant, la plaie ouverte de l'autoroute ne gâchaient rien ; dans la descente, le vent de la course nous donnait froid ; dans la plaine, les prés, la petite chapelle de Liesse restait sereine ; juste avant le pont, à gauche, nous remontions la rivière rive droite, vers le jardin de Cadène, l'horte d'Andréa, Maribole ; jusqu'à notre coin, après quelques rangs de vigne, sous les peupliers blancs, dans un taillis de guigniers à l'ombre, qui donnaient encore quelques fruits, malgré l'arrière-saison... les oiseaux, l'eau verte, lancer en visant la proximité du tronc qui dépasse, gage de succès, mouliner en paix sans trop parler, sans élever la voix, pleins de la candeur qu'offre l'amitié... heureux nous étions...  

Et ce matin tu es de retour au village. Les amandiers fleuris annoncent le printemps mais un Cerç établi pénètre : il avertit que l'hiver est encore là. Tu t'en fous sûrement ; tu vas sous nos vieux cyprès si dignes et vénérables... Avec tous ceux déjà partis, tu nous laisses un aigre-doux difficile à déglutir... je ne t'accompagne que de loin... 

Poutous mon Jo, mon vieux copain, toi du pays où l'on laisse ses os... 

José David (1949-2024). 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire