dimanche 27 décembre 2020

LA PASTORALE de BIZE-MINERVOIS.

Transhumance en 2010 dans le village d'une fidèle lectrice du Gard qui se reconnaitra... wikimedia commons Author Dvillafruela

Des moutons bien sûr, comme dans tous nos villages... En négatif, il n'est que de voir comment, à Bize comme à Fleury, les pins ont colonisé et fermé nos espaces ouverts, ce qui ici, fait dire au maire, qu'après les crues soudaines et les coulées de boues, le feu est le principal danger pour le territoire. Historiquement, brebis et bergers, tant sédentaires que transhumants, accompagnaient les populations. On ne se formalisait pas alors des crottes allègrement semées et des potées de géraniums broutées par les chèvres tandis  qu'aujourd'hui des néoruraux ou plutôt des citadins hors-sol jouent aux dictateurs contre tout, contre les coqs, les cloches et les voisins ! "De l'air aquèl mounde !" coumo disio la Séraphie !

Les moutons ont déserté nos campagnes mais certains, sensibilisés et qui n'ont pas comme souci premier de rouvrir l'école où le dernier café-épicerie-dépôt de pain fermé, facilitent la venue d'un troupeau pour contrôler les broussailles. Quant au berger, son personnage solitaire, à part, distant, tenu à distance, singulier par les pouvoirs qu'on lui prêtait, dont celui réel et néanmoins naturel et empirique, de soigner les bêtes, il a longtemps accompagné la vie du village. Marcel Pagnol n'en a-t-il pas fait l'élément perturbateur de son film "La Femme du Boulanger"... Il me semble que Raimu, le pauvre mari cocu qui s'alcoolise et ne veut plus pétrir, chante à un moment "La boulangera, elle est partie avec le bergero...". N'en restons pas à ces considérations secondaires sur des pâtres qui envoûteraient de pauvres innocentes... tant que nous n'en saurons pas davantage sur les mentalités d'alors...  

Eglise Saint-Martin Limoux Adoration des bergers tableau du XVIIIè wikimedia commons Author Tylwyth Eldar

J'ai lu quelque part qu'à Bize-Minervois, les bergers ont traditionnellement participé à la veillée de Noël. Et je lis là, sur la revue Folklore de décembre 1938, sous le titre "Un Noël en langue d'oc" que Mademoiselle C. Gardel, déléguée G.A.E.F. (?) à Bize a fait passer un vieux cantique de Noël relevé par Achille Mir (1822-1901) "... et qu'elle tient de la fille même du poète, Mademoiselle Amélie Mir.". 

NADAL (sus l'aïre "a la vengudo de Nadal").

Après l'annonce faite aux bergers d'une naissance extraordinaire à "Betleem", ce sont des pâtres couleur locale et bien du pays qui offrent leur dévouement :  

"... Prenguen lou beret le milhou, (Prenons le béret, le meilleur... le plus propre, celui du dimanche...
Las garramachos, le bastou,         (Les guêtres, le bâton)
La cinto roujo, les esclops,           (la taillole, les sabots)
 La capo garnido de flocs.             (La cape garnie de glands ?)
 Anen, Martin, tampo 1' courtal.   (Allons Martin, ferme la bergerie)
Quouro t'arrancos de l'oustal ?    (Quand vas-tu tourner le dos à la maison ?)
Tu, Bernat, qu'es l'estitutou         (Toi Bernat qui es l'institution)
De nostro coumuno l'ounou,       (et l'honneur de notre communauté)
Te meten en requisiciu                 (nous te sollicitons)
 Per oufri nostr'adoraciu.            (pour offrir notre adoration)
Se bous fa plage, mous amies...  (Si ça vous fait plaisir, mes amis)
 
 Le Bernat en question va alors adresser sa litanie au Ciel, louant le sauveur qui fait enrager le démon... Pauvre bébé déjà instrumentalisé... Au nom de tous, Bernat, revenu à l'essentiel de la nuit de Noël, exprime tout le dévouement des bergers offrant leurs cœurs. Et ces hommes simples encensent alors celui qui pense trop bien pour eux : 
 
"...leu disi qu'aco 's pla parlat.(Moi je dis que ça c'est bien parlé) 
Cerquès pas pus, brabe Bernat,(Ne cherche plus, brave Bernat) 
Que te debrembe pas au mens (Au moins que ça ne t'échappe pas)
Ohe ! Certo qu'em trop countents. (Sûr que nous en sommes trop contents)
 
Touchant tableau, ces pâtres autour de la mangeoire où le divin enfant a été installé lors de la messe de minuit, loin d'intégrer les symboliques des moutons qui suivent aveuglément leur pasteur et celle de l'agneau innocent, déjà pascal destiné à être sacrifié et mangé...  

Touchant, ce vieux village jadis derrière ses remparts avec ses maisons en rond autour de l'église, toujours l'allégorie du troupeau mené par le berger... L'église, massive, protectrice, la porte Moyenâgeuse, une tour dite "d'Attila" ! Bigre !
 
 Pour une envie de visite : 
http://plumedesmers.canalblog.com/archives/2019/10/09/37697749.html

Et pour finir, comment ne pas évoquer la ferme de Marie, au prénom biblique, qui garde le lien avec Fleury, qui nous fait souvent le plaisir de montrer ses oies, ses paons, ses poules, ses cochons d'Inde, ses brebis et agneaux et même le petit âne gris... Elle fait du miel aussi... Elle a participé au marché de Noël, sinon on la trouve Chemin de Font Fresque... Plus frais on ne fait pas ! 
 
https://www.facebook.com/La-ferme-de-Marie-103396878026102

Bize-Minervois wikipedia.en domaine public Author Nancy


 

2 commentaires:

  1. Bonjour, je pense que Bernat(Bernard), /l'estitutou/, c'est l'estitutor(gallicisme), lo regent =l'instituteur du village, le lettré capable de tourner un compliment, un mot d'adoration, une prière... (J Boulet)

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    1. Très plausible, je ne voyais l'instituteur homme que dans le cadre des lois Jules Ferry, "hussard noir de la République" alors qu'avant 1880 (chant relevé par Achille Mir)c'étaient plutôt les hommes qui enseignaient dans le cadre de la religion.
      Concernant la pastorale de Bize (pas loin de votre Minervois), c'est la bigoterie de l'estitutor qui m'a poussé à l'anachronisme :
      "... O Jésus, mon Divin Sauveur,Vous nous apportez le bonheur.Le démon frémit de courroux,Il n'a plus d'empire sur nous..."

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