En
1938, Rina Ketty chantait « J’attendrai ». En 1975, Dalida reprenait la
chanson et attendait toujours et moi j’attendais encore son retour
lorsque, incidemment, Pierrot, mon neveu, m’informa que les amandiers
avaient bien fleuri, début février (1). Concomitamment, JP qui ne
regarde pas que la pointe de ses chaussures quand il court, confirmait,
sans plus de précisions, que nos chers arbres fleuris pointaient çà et
là, le long de son parcours sportif.
Sans
se demander si la floraison avait duré ou s’était transformée en neige
fondante sous la pluie, mon esprit se mit aussitôt à parcourir nos
paysages : le coteau de Caboujolette au-dessus de la vigne de Perrucho
(loti depuis les années 80), les amandiers de Pesqui en bas des pins de
Trémolières, ceux du chemin creux, du moulin, des Traoucats et de
Fontlaurier, jusqu’au phare, et enfin pour limiter notre tour d’horizon
aux abords immédiats du village, ceux de Saint-Pons, Carabot et
Saint-Géniès (2). Notre amètlier aimé, si emblématique de notre Sud,
malgré le retard, et quitte à « répapiller » (3), mérite bien une
nouvelle chronique tant son mystère nous enthousiasme après la torpeur
de l’hiver.
D’abord, remercions-le pour son geste fidèle plutôt que de lui en vouloir... comme ces habitants des Corbières, qui disent :
« Val plan pauc, l‘ametlièr quand floris pas al mès de janvièr. » (4). Plutôt retenir « Val
plàn pauc lo mes de febrièr si fa pas florir l’ametlièr » (5) et penser
que ce n’est qu’une malheureuse inversion qui pourrait faire passer nos
gens du piémont pour des ingrats. En zone tempérée, ce serait un
problème de température puisque les bourgeons des « prunus »,
dont notre messager, auraient besoin de 100 à 400 heures à moins de 7
degrés suivies de chaleur pour fleurir
On
sait, par contre qu’il est cultivé depuis 5 ou 6000 ans en Iran, qu’il
est chez nous depuis 2500 ans. On dit qu’au IIIème siècle, un amandier
aurait été planté sur la tombe de Valentin par la fille qui l’aimait et à
qui il avait rendu la vue... mais les évocations païennes, leur
récupération par la papauté, les histoires d’homonymie parcequ’on compte
au moins deux martyres nommés Valentin, sont si embrouillées qu’il vaut
mieux retenir la simultanéité de la floraison avec la fin de l’hiver,
le renouveau annoncé, le retour de sève dans la nature. Libre à chacun
de retenir un symbole d’amour (6) ou l’expression de l’imprudence pour
ceux qui font parler les fleurs. Quant à moi, laissez-moi la belle idée
d’espérance (7).
Mais
repartons de l’ombre légère des amandiers dont la vigne s’accommode (8)
à moins d’une plantation en vergers car la consommation d’amandes était
considérable au Moyen-Age et sa part importante pour le commerce
vénitien (XIVème). Si l’arbre a besoin de soleil, d’air sec (9), il se
contente de sols pauvres et peut devenir centenaire. Voyez ces troncs
torses, tourmentés, à l’écorce fissurée, écalleuse, rugueuse. Voyez ces
branches tordues estompées par une dentelle de fleurs qui fait danser
les abeilles. Parce que l’ametlièr ne saurait vivre sans les butineuses
qui pollinisent et qu’il le leur rend bien, au sortir de l’hiver, quand
le nectar et le pollen sont rares (10).
Restons-en
à ce tableau vivant alors qu’aujourd’hui, non loin de notre
amphithéâtre tourné vers le soleil, il neige au-dessus de 800 mètres, à
en croire les prévisions de Météoc, sur l’Aveyron et la Lozère.
(1) comme en 2011.
(2) Saint-Pons
en bas du château d’eau. Carabot, à partir du pont de la Mouline, a vu
le village s’étendre (lotissement). Avec Saint-Géniès, ils sont sous le
bourdonnement permanent de l’autoroute.
(3) Peut-être une francisation de l’occitan « répapiar », radoter.
(4) « Il vaut peu, l’amandier quand il ne fleurit pas en janvier » : cité in Corbières. Josette Villefranque.
(5) « Il
vaut peu, le mois de février s’il ne fait fleurir l’amandier » : cité
sur Météoc, site météorologique, par Christophe Calas, natif de Béziers,
ingénieur prévisionniste (la prévision finale est de lui).
(6) D’essence chrétienne pour la Saint-Valentin.
(7) « Quelques arbres, entre autres un amandier, un des emblèmes de l'espérance, s'étaient logés dans les lézardes. Balzac / Le Curé de Village / III Le Curé de Montegnac)
(8) Est-ce aussi parce que les racines ne sont pas latérales (traçantes) ?
(9) Formé en gobelet, comme la vigne.
(10)Le miel d’amandier, encore plus rare, est un miel clair.
Merci Pierrot pour les photos prises dans la vallée de l’Orb, non loin de Roquebrun.
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