mercredi 29 novembre 2023

MARSEILLE (2)

Calanque-de-la-Triperie, cap Morgiou 2017 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Lu-xin

Rangeons un peu. D’abord au sud de la ville, depuis une calanque, la préhistoire, la grotte Cosquer avec des dessins pariétaux échelonnés sur 8000 ans, datant au plus de... 29000 ans. Un site découvert en 1991, à l’accès extrêmement dangereux, à 37 mètres sous l’eau et au bout d’une galerie sous-marine de 175 mètres où trois plongeurs sont morts de n’avoir pas retrouvé la sortie.

Marseille partage avec Béziers le titre de ville la plus ancienne de France (2600 ans !). 

Louis_Duveau (1818-1867) La_peste_d'Elliant Domaine Public Musée des beaux-arts de Quimper, 8 November 2013

1720. La peste, parce que de riches marchands impatients de gonfler leurs fortunes ont ouvert la ville, sans respect d’une quarantaine, à une cargaison d’étoffes et coton contaminée par le bacille, a décimé en deux ans la moitié de la population soit 30 à 40000 personnes. 

Sardine_du_port_de_Marseille accrochée au pont transbordeur Carte postale ancienne Domaine Public Date inconnue Auteur inconnu

1779. Pondichéry : les Français prisonniers des Anglais sont libérés à condition de vider les lieux. Le Sartine les ramène en métropole sous drapeau britannique, pour ne pas être embêté. Mai 1780 : à hauteur de Gibraltar, alors qu’elle entre en Méditerranée, la frégate est quand même attaquée ; le capitaine et deux hommes d’équipage sont tués. Le malentendu surmonté, le Sartine arrive à Marseille sans son capitaine et s’échoue (sommes-nous fondés à formuler un lien de cause à effet ?) dans les rochers et sombre à l’entrée du port, bloquant tout passage. L’esprit marseillais a fait le reste : c’était la sardine qui avait fermé le port !

1943. 6000 personnes sont raflées à Marseille (1600 seront déportées dont la moitié parce que juifs), avec la collaboration de la police française dirigée par René Bousquet, le grand ami de Mitterand, déjà efficace à Paris. Considérés comme “ criminels ”, 1500 immeubles du quartier du Panier, au nord du Vieux-Port, sont ensuite dynamités par les Allemands. 

Goumier marocain aiguisant sa baïonnette 1944 Author Peter Caddick-Adams, Monte Cassino Ten Armies in Hell, Oxford University Press 2013, ISBN 978-0-19-997464-1.

23 août 1944, le renfort des Tirailleurs algériens et des Goumiers marocains est décisif dans la révolte mal enclenchée des FFI de Gaston Defferre... une source fait état de 25 % de Français d’Afrique-du-Nord dans l’effectif de l’armée d’Afrique, ce qui n’enlève rien au dévouement des 75 % d’indigènes embringués.

En 1973, les agressions racistes suite à l’assassinat d’un chauffeur de bus par un “ déséquilibré ” algérien causent la mort de 17 ressortissants maghrébins à Marseille et autour (pour le moins, une cinquantaine de victimes des ratonnades)... Le “ déséquilibré ” sinon les “ troubles psychiatriques ” sont communément évoqués à raison pour ne pas réveiller les excès racistes... or ils camouflent aussi le laxisme ordinaire de la justice, plus prompte à racheter qu’à punir, sans trop d'égards pour les victimes, le coupable devant sortir un jour pour se réintégrer alors que les familles, elles, sont condamnées à la perte à jamais d’un être cher... La justice pose problème dans ce pays... bien la peine de se foutre des peines de trois fois cent ans ou trois fois perpétuité aux États-Unis. 

Escalier_Saint_Charles_-_Marseille_I_(FR13)_-_2023-07-22_-_12 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Chabe01

1er octobre 2017. Sur l’escalier monumental de la gare Saint-Charles deux jeunes femmes sont poignardées par un terroriste islamiste sous le coup d’une OQTF non suivie d’effet depuis 2005 ! (voir plus loin)

Nous étouffons, nous manquons d’air, vite, prenons le large... « Quand je vois passer un bateau.../... j’ai envie d’aller où il va... » (Guy Bontempelli (1940-2014 Marseille). Les bateaux encore, le port toujours, dit vieux puisque agrandi par étapes, il inclut à présent le Golfe de Fos ; le port favorable à la navigation mais obligeant à un contournement terrestre : en 1880, trois lignes de ferries y remédient dont le “ ferry- boâte ”, rendu célèbre grâce au personnage d’Escartefigue, réchappé aux affres de la modernité (pas Escartefigue), toujours en service malgré la concurrence, un temps, du pont transbordeur (1905-1944), grâce à un coche d’eau aujourd’hui plus rapide, peu polluant. (à suivre)

lundi 27 novembre 2023

MARSEILLE (1)

Le cul entre deux chaises d’aller trop loin dans une exploration d’un Sud intime, que presque je voudrais imposer à une perception communément partagée... en la volant aux autres qui plus est, à ceux, reconnus et autrement plus respectés par leur renom, la reconnaissance reçue en retour sinon l’effort de vulgarisation... entre une retenue qui me remettrait à ma place d’être lambda et la prétention d’avoir à dire, privilège d’un temps qui ne saurait durer, quitte à renverser des règles de bienséance, je franchis mon Rubicon... Je me laisse aller à vider mon sac, prétentieux écrivaillon que je suis, pétant plus haut que mon derrière. Plus prosaïquement, emporté par cette exploration, le projet « SUD ? C’EST ÇA ! » dans son deuxième tome, devra-t-il déborder dans un cinquième volume, le troisième dédié au printemps ? C’est dans cet état d’esprit que le titre “ Marseille ” est abordé, depuis des jours, d’où le dilemme et ma confession de tout à l’heure. Bof, il suffira d’évoquer Pagnol et nous passerons à la suite, principalement en remontant la Durance.

Enfant des marges et des armasses (des talus et des friches), campagnard, en véritable “ pacoule ” (on dit “ pacoulin ”, pas “ cul terreux ” par chez nous, la terre étant trop sèche pour accrocher nos séants), si la petite ville, Narbonne, Béziers, ne rebute pas, même si une trajectoire personnelle me fait penser avec tendresse à Perpignan, par contre les grandes villes... Toulouse, Montpellier, Marseille, je ne les aime que de loin. Autre souci : ce voyage va géographiquement dépasser les limites d’un Sud perçues parfois en tant que frontières (voir à ce propos la présentation de l’opus) alors que j’ai choisi de rester libre, émancipé plutôt qu’enfermé. Ne vous méprenez pas, rien de désinvolte dans cette indépendance affichée. Et puis si on ne peut plaire à tout le monde, qui m’aime me suive ! Nous verrons bien. 



Alors, des clichés, des raccourcis pour évoquer Marseille ?  En vrac, le crayon au coin des lèvres, presque les yeux en l’air du rêveur qui n’écoute plus en classe... la peste de 1720, la sardine de 1779-80, le Vieux-Port, Marius, Fanny, le Bar de la Marine, le « ferriboate », les poissonnières au langage fleuri, la bouillabaisse, le camion pizza, le château d’If et l’abbé Faria, la Canebière, la maison du fada, la Bonne Mère, Marius et Olive, la cathédrale de la Major, les Goudes et les calanques du Sud, la plage des Catalans, le mondial de pétanque “ La Marseillaise ”, la French Connection (pour ne plus savoir écrire correctement “ connexion ” ensuite), le juge Michel, la drogue, les règlements de comptes, Robert Guédiguian de Marius et Jeannette, des Italiens, des Arméniens, des Pieds-Noirs, des Comoriens, le bleu du drapeau et de l’OM, tous ceux que le port a attirés... Rimbaud, Conrad, Cohen, Benjamin... N’en jetez plus, c’est criminel de le dire ainsi, plus encore que dans un numéro du Reader Digest, Marseille mérite mieux...

Cité_radieuse,_Marseille 2017 Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Author Karmakolle
 

Alors, si cette liste n’est venue qu’au bout d’une maturation certaine c’est que Marseille interpelle, « Marseille est la plus belle ville de France. Elle est tellement différente de toutes les autres. » Arthur Schopenhauer (1788-1860). À vouloir l’éluder, cette pensée de Schopenhauer m’arrête, Marseille s’impose comme capitale d’un Sud intime.   

Marseille,_aerial_view_from_plane 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Naioli