lundi 13 novembre 2023

L’ÉTANG JADIS "Le feu... les arbouses... papé... la chasse"

Le mélodiste musine, le poète alexandrine, le peintre colorine, le chanteur serine, le sculpteur burine, l'écrivaillon imagine en partant de l'incipit ci-dessous :

“ Tu vois que je ne suis pas morte.../... le Feu avait laissé des abeilles rouges qui le mangeaient. Je me suis approchée parce que c'était joli... ”  

Au fond, la Cresse cramée... 


Dis-moi... et toi tu avais trouvé ça joli ? c'est vrai, à onze ans, tu étais innocent, complètement. Comment dire ? inconscient d'abord de la réalité des incendies autour de la Méditerranée, et puis, excuse-moi, un peu cabourd, fada de trouver belles ces incandescences qui finissaient de manger le pin. Je sais, tu ne renies rien, fidèle tu restes à tes jeunes années, crédule, idéaliste, simpliste, tombé du ciel. Va, ne t’en sais pas mal, c’est le lot de tous, c’est d’un banal ce précipité de folie, d'ignorance, d'idées fausses, mal perçues sur fond de connaissances peu sûres, ce qu'un pré-adolescent croit savoir de la vie, rien d’original, crois-moi, même si chacun se pense unique. Finalement, avec les années, pour toi et les autres, l'essentiel était de démarrer en pensant par soi-même, sans avoir la tête creuse ou exprimant, se fondant seulement sur des avis, des influences fortes de l'entourage, extérieures.

Je sais ce que tu viens faire ici, au risque de salir ton pantalon. Tu y tiens à ce coin, cette Cresse, cette échine calcaire dominant les vignes. Ce n’est pas par hasard. Gamins vous n’alliez jamais aussi loin ; la seule fois où la bizarrerie t'avait poussé, solitaire, vers ces confins inconnus, le vallon d'arbousiers improbables t’avait ébloui les yeux et tes lèvres gourmandes avaient trouvé ces boules rouges et jaunes délicieuses. Tu en avais gardé le secret même lors d'une partie de chasse avec ton papé, la seule fois où il te permit de l'accompagner. Vous aviez parcouru cette garrigue sans rien voir d'autre que le fouet pourtant vaillant de la chienne, sans lever ne serait-ce qu'un perdreau lâché par sa compagnie. Sans que l'atmosphère d'un matin d'automne n'incitât au dialogue, au partage entre générations. 

Carcassonne_-_Arbutus_unedo 2021 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar

Était-ce pour ce grand-père  peu aimant ? Pour les arbouses ? Pour ce pays aimé, ce paysage, page de l’album d’une vie alors que ton geste répond à une quête de sens, à un besoin vital ? Le monde de l’enfance se construit afin de se projeter, se défendre aussi contre la raideur des adultes... En attendant, cet été là, un incendie fulminant avait couru la garrigue sans qu'on y pût rien ; portées par un vent du diable, harpies acharnées, les flammes avaient ratiboisé la Cresse avant, dans la foulée, de terrasser les pins de Gibert, de réduire en cendre un site où j’ai tant vu de gens heureux de pique-niquer un lundi de Pâques. En vue de la mer, sur la colline, les gens avaient eu à peine le temps d’évacuer les baraques. Je t’ai vu, tout petit en bas, depuis le campement de bois, de tôles et de toiles, encore libre sur la plage, en groupe, à suivre, inquiet mais curieux, l'haleine chargée du Feu, ses volutes noires de suie galopant vers le large avant que n’explosent, sur la crête, les bouteilles de gaz abandonnées.

Quelques jours après, laissé plus à sa survie qu’à son agonie, les moyens des pompiers n’étant pas ceux d’aujourd’hui, le feu des abeilles rouges couvait toujours, encore à rouzéguer, à ronger les loques de l’échine à nu.

En bas de ta montagnette, ta colline, ne te vexe pas, tout est relatif en parlant de ta Clape, même si le dénivelé, tu te rends compte ! soixante-dix mètres ! donne de suite une impression d’altitude... tu dois toujours avoir une petite pensée pour la petite chèvre qui a fugué dans la montagne, je le sais... En bas, plus opulents que la maisonnette et le clos de Monsieur Seguin, protégés par leurs déploiements de vignes, deux “ campagnes ” comme on disait des domaines viticoles avant d’employer le mot “ château ”, plus vendeur. Enfin, un cadre douillet pour tes souvenirs. (à suivre)

dimanche 12 novembre 2023

L’ÉTANG de BERRE.

Belle, cette mer intérieure. Un préalable cependant : se départir de l’image des empilements industriels encombrant les rives et qui fument jour et nuit de leurs raccords, tuyaux et cheminées. À y être, reconnaître que l’odeur sulfurée d’œuf pourri ne remplit plus l’atmosphère désormais. Ne reste plus qu’à associer au ballet des avions de ligne, le dépaysement, l’exotisme, l’envie d’ailleurs qu’annoncent déjà les bleus de l’étang. 

Marseille,_aerial_view_from_plane 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Naioli

Elles avaient disparu, on les trouve à nouveau les clovisses de Berre grâce à l’action des associations locales. La Coordination des Pêcheurs, L’Étang Nouveau ont fait pression sur EDF afin de réduire les rejets d’eau douce et de limons préjudiciables à la salinité de la Mar de Berro. Elles ont imposé une réduction des rejets EDF : une vie marine plus conforme au niveau de salinité a pu reprendre ; le retour des clovisses en atteste. 

Usine_du_canal_EDF_à_Saint-Chamas 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Borvan53

Dommage le décalage entre le sentiment général et le point de vue des élus qui nient le lien entre la réduction des rejets et le renouveau de l’étang. Inquiétante cette séparation de corps entre des représentants et le corps électoral dont ils devraient porter les aspirations.

La densité des bancs de coquillages ne peut pourtant que réjouir. Attention néanmoins, la nature humaine étant ce qu’elle est, la première des prudences se doit de refréner l’appât du gain, la convoitise sans limite. Va-t-on épuiser cette manne à l’exemple de ce qui s’est passé dans les années 70, pour les anguilles, pour les moules draguées dans le Canal de Caronte, faute de sensibilisation, d’anticipation de la part des pouvoirs publics.

L’autorité légale anticipera-t-elle la défense de la ressource ? À Martigues, le service des Affaires Maritimes a fermé... ce n’est pas de bon augure ; le public se doit de rester vigilant... les associations devront prévenir, devancer les problèmes, lancer les alertes.      

Par contre, alors qu’une inertie réelle sinon complice, empreint la relation entre l’État et le monde économique, tout comme il est si facile, depuis le haut de la pyramide, de taper sur la multitude des petits, de leur faire les poches, de compter sur leur générosité pour des politiques pourtant régaliennes, les règles concernant les particuliers n’ont pas traîné, la limite par personne étant, concernant les clovisses, de deux kilos journaliers, la maille de trente millimètres.

Ce post interprété, faute de réponse à une demande de permission, dérive d’un article signé Clovis RB, au nom prédestiné. Même s’il parle indistinctement de clovisses ou de palourdes, après la partie technique, son paragraphe plaisir qui vient équilibrer la partie austère du constat, aborde la pêche et la cuisine des coquillages. 

Venerupis_philippinarum  2018 Creative Commons Attribution 3.0 Unported Author Σ64

La pêche d’abord, dans le peu profond ou davantage jusqu’à la plongée en apnée : dans le sable, il s’agit de repérer les deux trous, les siphons, un peu espacés (presque jumeaux ?), dénonçant le coquillage, puis d’enfoncer les doigts rapidement (protégés par un gant).

Suivant la quantité pêchée, faire dégorger les clovisses ou palourdes dans plus ou moins d’eau de mer. 

Linguine_alle_Vongole 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author Michele Ursino

Enfin, en cuisine, les faire ouvrir, réserver l’eau rendue. Séparer éventuellement les coquilles ou demi-coquilles de la chair. Faire revenir dans de l’huile d’olive avec ail et persil hachés. Ajouter 10 cl de vin blanc, laisser réduire. Ensuite mélanger 10 cl de crème fraîche. Manger avec des pâtes cuites en ajoutant l’eau rendue pour ouvrir les coquillages...